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Contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens : aller au-devant du financeur

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Crédit photo wichayada - stock.adobe.com
La discussion des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (Cpom) est un enjeu majeur pour les établissements et services du secteur, confrontés à un dialogue de plus en plus encadré avec leurs financeurs. Sa réussite se joue, bien souvent, dans la capacité des gestionnaires à anticiper les demandes tout en s’assurant une fine connaissance de leur organisation.

Ils ont été introduits par la loi de 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. Leur mise en place s’accélère et se généralise. Le but des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (Cpom) ? « Moderniser le dialogue entre les pouvoirs publics et les établissements et services médico-sociaux (ESMS) en fixant des objectifs de qualité et d’efficience, en contrepartie de perspectives pluriannuelles sur le financement des établissements », selon la direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Pourtant, d’après de nombreux acteurs, les marges de négociation pour les structures, face aux enveloppes budgétaires restreintes des financeurs (agences régionales de santé [ARS], conseils départementaux…), sont de plus en plus limitées. « On nous parle de contrat là où tout le monde sait que le Cpom n’en est pas un. De plus en plus de gestionnaires se retrouvent dans l’obligation de les signer, à défaut de quoi ils reçoivent des sanctions financières, voire des interdictions d’accueillir des bénéficiaires d’aide sociale », déclare ainsi Pierre Naitali, avocat du cabinet angevin Accens, spécialisé dans le secteur médico-social. « Le déséquilibre entre l’administration et les gestionnaires est patent. Cela n’a pas toujours été le cas. Quand les premiers Cpom se sont mis en place, il y avait une vraie liberté de négociation. »

Ce changement d’orientation, Guillaume Catroux, directeur général de l’Association départementale des infirmes moteurs cérébraux d’Ille-et-Vilaine (l’ADIMC 35), l’a lui aussi ressenti. Son organisation, qui pilote deux foyers d’accueil médicalisés, va signer son second Cpom en fin d’année : « Autant, lors du premier Cpom, nous disposions d’un cadre relativement libre pour rédiger nos propositions, nos actions et travailler avec les financeurs sur les indicateurs, autant, aujourd’hui, l’élaboration est beaucoup plus contrainte, formatée. Mais si on regarde le côté plus positif, cela nous donne un cadre, on y retrouve l’essentiel des priorités des politiques publiques. »

S’organiser en interne

Résultat ? La rigueur s’avère de mise avant d’amorcer toute négociation et la connaissance des enjeux au sein de sa structure demeure primordiale. « Il convient de réaliser son diagnostic préalable sur l’état des établissements, les moyens qui sont alloués, les ressources en professionnels, les personnes qui sont accompagnées et de s’assurer de la conformité de la population suivie avec l’autorisation. Pour savoir d’où l’on part, c’est très important », insiste Pierre Naitali. Et cette approche minutieuse se double d’un dialogue nécessaire en interne. Responsables qualité, financiers, ressources humaines, directeurs d’établissements forment autant de maillons essentiels pour pouvoir rendre compte de la réalité du terrain.

A l’instar de l’ADIMC 35, la Sauvegarde des Yvelines a ainsi organisé des équipes – associant différents membres de la direction et des cadres – chargées de se consacrer aux Cpom. Cette association, qui accompagne quelque 5 000 personnes présentant diverses difficultés et fragilités, a signé trois différents contrats depuis trois ans : l’un avec l’ARS en 2018, un autre avec le département en 2019 et un troisième, en 2021, avec la direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS). Ces accords ont fait naître, selon sa directrice, Véronique de Préville, une importante dynamique de dialogue à l’intérieur de l’organisation, nécessitant de se mettre d’accord, avec les différentes parties prenantes, autour d’une vision stratégique. « Ce travail de négociation se fait plus entre nous qu’avec les financeurs puisque l’enveloppe est établie, explique-t-elle. Nous organisons des réunions afin que l’arbitrage soit partagé et non le résultat d’une décision unilatérale. Nous interrogeons les projets en cours, l’avenir. Il est plus intéressant que ce soit l’association qui tranche plutôt qu’un financeur. Mais cela change la dynamique interne et oblige à prendre des vrais temps, à réfléchir entre nous à nos choix. »

Autant d’arbitrages qui, selon elle, confèrent aux structures la possibilité de proposer des dispositifs innovants. Car, au-delà de cette démarche de diagnostic, il s’agit également pour les établissements d’anticiper les grandes orientations des pouvoirs publics, telles, par exemple, les démarches d’inclusion. Au risque, à défaut, de dépendre totalement des décisions des financeurs. « Si le gestionnaire doit se poser la question de l’évolution des secteurs, des attentes de l’Etat et des collectivités, il peut aussi se montrer force de proposition. A défaut, s’il se contente de gérer ce qu’il a, sans se poser d’autres questions, c’est l’administration qui va lui imposer ses vues », souligne Pierre Naitali.

Liberté de dire « non »

Reste que la démarche, parfois très chiffrée, des autorités de tarification peut susciter de l’inquiétude pour les structures durant leur négociation. L’exigence de présenter un taux d’occupation en est un exemple. A l’ADIMC 35, cet indicateur a ainsi fait l’objet de discussions. En toile de fond, la crainte de se placer dans « une logique hôtelière ». « Cela a représenté un point de tension, explique Guillaume Catroux. Mais nous l’avons évoqué avec les financeurs et nous avons réussi à repondérer certains d’entre eux. » Une inquiétude par ailleurs amplifiée par la crise que traverse actuellement le secteur. « L’idée même du taux d’occupation a du sens dans un contexte de recrutement facile », ajoute pour sa part Véronique de Préville.

A ces dissensions autour de certains indicateurs peuvent, en outre, s’ajouter des difficultés liées à des modifications réclamées en cours de Cpom par les autorités. « Il faut que cet engagement, autour d’une vision sur plusieurs années, soit bipartite, souligne Véronique de Préville. S’il change l’année suivante, on perd l’aspect pluriannuel du Cpom. » Mais, d’après Pierre Naitali, le Cpom s’intègre dans la règle générale du droit public : « Cette réalité renvoie au fait que l’administration détient le pouvoir de modifier le contrat unilatéralement », indique-t-il.

Dans un tel contexte, pour l’ADIMC 35, comme pour la Sauvegarde des Yvelines, l’objectif reste alors de sceller ce contrat sans perdre de vue son rôle associatif. « Certes, il y a des exigences réglementaires, mais il faut aussi que nous conservions notre dimension militante. Tout dépend de la manière dont nous négocions les éléments du contrat. Le Cpom n’empêche pas ces discussions. Je nous considère comme des associations, pas uniquement des opérateurs. Nous devons également remonter le sens de nos actions, pas seulement les chiffres », souligne Véronique de Préville. « A défaut qu’ils acceptent de modifier les termes du contrat, il faut au moins signifier fortement son désaccord », renchérit Guillaume Catroux.

Laisser des traces tout au long des négociations se révèle ainsi fondamental. « S’il y a des désaccords, il faut les acter au fur et à mesure. Il ne faut pas se contenter de le dire mais l’écrire. Pour qu’il soit possible, le moment venu, de démontrer qu’on a signé contre notre volonté. Si le gestionnaire ne peut justifier d’aucun élément par la suite, il ne pourra rien revendiquer », assure l’avocat.

S’entourer d’un conseil juridique

Face à la professionnalisation du secteur et à la montée en puissance des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (Cpom), un nombre croissant d’établissements cherchent un appui juridique. Si certains disposent de services dédiés en interne, d’autres font appel à des cabinets extérieurs. Basé à Angers (Maine-et-Loire), le cabinet d’avocats Accens a été le témoin de cette mutation. Alors qu’il était seul à opérer au sein de son cabinet il y a quinze ans, Pierre Naitali se prépare à accueillir en janvier un cinquième spécialiste de ces sujets. « Nous accompagnons assez fréquemment les organisations à toutes les étapes de la négociation des Cpom et lors de la rédaction du document. On nous demande aussi régulièrement de relire pour valider », raconte-t-il. Mais il commence aussi, parfois, à être sollicité lors de litiges. « Il arrive que l’interprétation du Cpom ne soit pas du tout la même, par exemple, entre le gestionnaire et l’administration » explique-t-il. Toutefois, le nombre de conflits de ce type reste, selon lui, peu élevé et ceux-ci sont surtout à éviter : « Nous conseillons à nos clients de négocier le plus longtemps possible. Un contentieux laisse des traces durables. Il faut être dans une logique de partenariat. » D’où l’intérêt d’être conseillé pour s’assurer de la clarté du contrat. Sans considérer cet appui comme un vecteur éventuel de tensions. « Nous sommes là pour sécuriser, aider les parties à rédiger de façon correcte le document. La culture du juriste n’existe pas dans le secteur, affirme l’avocat. Pourtant, c’est dans l’intérêt de tout le monde »

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