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Etablissements : dépasser la dimension normative de la démarche qualité

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Crédit photo Monster Ztudio - stock.adobe.com
Tandis que la Haute Autorité de santé (HAS) s’apprête à publier un nouveau référentiel, en janvier 2022, de plus en plus d’établissements et services du secteur médico-social cherchent à s’approprier la démarche qualité au-delà de ses seules exigences administratives. Et à trouver ainsi des leviers pour mobiliser les équipes.

« Comment définir la qualité ? C’est un vrai sujet, sensible dans notre secteur. Car il s’agit d’un mot polysémique », indique Matthieu Crépon, directeur général adjoint de l’Association vers la vie pour l’éducation des jeunes (Avvej). Cette association de protection de l’enfance, intervenant auprès de mineurs, d’adultes et de familles en difficulté dans 18 établissements, a inscrit la qualité dans ses priorités pour l’année 2021. L’objectif ? Qu’elle devienne à part entièreun « outil de pilotage de l’établissement », avec la volonté de « tendre vers plus de transversalité, d’améliorer l’offre en revisitant les réponses apportées aux besoins des personnes accompagnées, tout en restant attentifs aux questions de qualité de vie au travail. »

Contrainte légale depuis la loi du 2 janvier 2002 et souvent perçue comme calquée d’un modèle industriel, la démarche qualité est principalement associée, pour les acteurs du secteur médico-social, aux évaluations interne et externe. L’obligation est à l’origine de la naissance de tout un écosystème, avec des consultants, des solutions technologiques et des formations proposant d’accompagner les structures vers l’amélioration continue de leurs réponses… Pourtant, vingt ans après la promulgation de la loi, un nombre croissant de structures, à l’instar de l’Avvej, se montrent de plus en plus enclines à internaliser les fonctions qualité et à repenser leur stratégie pour inclure la démarche plus globalement dans leur politique managériale.

A l’Avvej, une chargée de mission a ainsi été embauchée en 2019 dans l’objectif, selon Matthieu Crépon, de mobiliser les équipes autour de concepts souvent considérés comme très normatifs. « Il y a tout un travail d’accompagnement nécessaire, entre un langage et des logiques qui peuvent apparaître éloignées de notre terrain, pour parvenir à répondre à cette obligation sans perdre nos identités, souligne-t-il. Notre chargée de mission intervient auprès des directions pour développer la question de la qualité, en lien avec les exigences législatives et les spécificités des établissements. Mais aussi pour essayer de conduire une politique associative, créer une dynamique de valeurs partagées au sein de l’association. »

Refonte organisationnelle

L’association Gapas, qui accompagne des personnes en situation de handicap dans les Hauts-de-France et en Ile-de-France, se livre elle aussi à une refonte organisationnelle. Charly Chevalley, responsable du service qualité et développement depuis 2014, a récemment été nommé directeur de la stratégie. Deux nouvelles directrices régionales ainsi que les responsables d’établissements, soutenus par de nouveaux professionnels, des « chargés de mission bientraitance et développement » seront missionnés pour réaliser l’évaluation qualité. Avec pour volonté, une fois encore, de fédérer les salariés autour de ces questions, en s’éloignant au maximum de la vision technocratique qu’ils peuvent en avoir. « La démarche qualité peut donner une impression très ascendante, provenant de l’extérieur, de devoir rentrer dans des cases, indique Charly Chevalley. Avec la bientraitance, on vient parler du cœur du métier des équipes. Quand on rentre par cette porte-là, le coup de projecteur n’est pas le même. »

Moyens détruits par les normes

Toutes à ces restructurations, les organisations gardent cependant en ligne de mire les prochaines échéances législatives : le référentiel produit par la Haute Autorité de santé (HAS), qui sera rendu public en janvier 2022. Attendu avec inquiétude par les acteurs du secteur, ce nouveau texte abandonne l’obligation pour les établissements de construire leur propre référentiel. Ils seront dès lors soumis à celui élaboré par la HAS, lors d’une unique évaluation externe obligatoire. « Auparavant, on nous donnait quatre axes du référentie ! et derrière on mettait ce qu’on voulait en nous appuyant sur les recommandations de bonnes pratiques. C’était très riche mais très chronophage aussi, constate Charly Chevalley. On ne connaît pas encore exactement l’impact des nouvelles règles, mais cela a influencé la manière dont nous avons repensé l’organisation de la démarche qualité. Concernant l’évaluation, nous nous sommes dit qu’on pourrait laisser davantage la main aux directeurs d’établissement et à la direction régionale. Les chargés de missions pourront, quant à eux, passer davantage de temps directement auprès des personnes. »

Reste néanmoins la crainte d’une normalisation des pratiques qui rendrait difficile, pour les plus petites structures, la soumission à ces exigences. « La différence entre la démarche qualité et la normalisation est, selon moi, essentielle, souligne le psychosociologue et consultant Jean-René Loubat. La normalisation est extérieure, produite par des textes de loi, des exigences. Dans certains cas, c’est rassurant, car cela permet de délivrer des labels. Mais il faut qu’ils soient sérieux. Sinon la normalisation sert surtout à accélérer la concentration des acteurs. Car, en général, seuls les plus gros peuvent s’y soumettre. Aujourd’hui, les moyens existent au sein des structures, mais ils sont détruits par les normes. Les acteurs ne peuvent pas utiliser leurs ressources comme ils l’entendent », déplore-t-il.

De nombreux acteurs disent partager ces inquiétudes, à la suite de la publication par la HAS d’une première version du référentiel en début d’année,pour la soumettre à consultation publique. La Convention nationale des associations de protection de l’enfant (Cnape), notamment, avait alors envoyé une lettre à l’autorité, réclamant une « meilleure prise en compte des spécificités de la protection de l’enfance ». Selon Matthieu Crépon, dans ce secteur, la question de la participation des personnes, par exemple, est « un vrai défi ». Les structures accueillant des publics dans un « cadre contraint » sur décision administrative ou d’un magistrat. « Une autre limite, pour nous, tient au fait que nous avons des prises en charge sur des périodes relativement courtes. Je pense qu’il est important que les personnes dans les institutions soient accompagnées, participent, qu’elles soient interrogées…. En revanche, cette démarche paraît moins pertinente pour ce que nous connaissons en protection de l’enfance. Nous devons essayer de créer des passerelles entre une démarche qui peut sembler parfois trop normative et à d’autres moment un peu plus artisanale. »

Quid du nouveau référentiel ?

En janvier 2021, la HAS a soumis une première version non-définitive de son référentiel, avec 189 critères cités et évalués au travers de trois méthodes : « l’accompagné traceur », « le traceur ciblé » et « l’audit système ». Pour ce faire, il était prévu que l’évaluateur mène des entretiens avec des personnes accompagnées, des professionnels et des membres de la gouvernance, tout en conduisant une analyse documentaire et des missions d’observation. Selon Véronique Ghadi, directrice de la qualité de l’accompagnement social et médico-social à la HAS, ce référentiel a depuis évolué, s’appuyant sur les quelque 9 000 contributions recueillies et une expérimentation menée jusqu’en octobre auprès d’un éventail d’établissements et services. « Nous avons notamment reformulé certains critères pour nous assurer que le vocabulaire utilisé soit celui des professionnels », déclare-t-elle. La haute fonctionnaire assure par ailleurs avoir bien conscience des critiques et inquiétudes que suscite le texte : « La force de ce référentiel est d’évaluer le résultat sans imposer la manière d’y répondre. On n’est pas sur une approche normative des pratiques professionnelles. Je vois les commentaires qui laissent penser que nous serions dans une démarche quantitative de grilles ù l’on mettrait des croix. Ce n’est absolument pas l’essence de notre démarche. Nous sommes dans un dialogue autour d’objectifs partagés et sur lesquels chacune des structures conduit sa stratégie en fonction de son contexte, du public accompagné et de ses missions. » Autre grand enjeu pour la HAS : les évaluateurs. Ceux-ci seront désormais soumis à une accréditation par l’instance nationale Cofrac, à laquelle s’ajouteront les exigences spécifiques d’un cahier des charges de la HAS. « Nous avions près de 1 000 organismes habilités. Nous nous sommes rendus compte qu’un grand nombre d’entre eux n’avaient jamais effectué de visite d’évaluation. Il sera désormais autant question de compétences que de démarche administrative. Tous ces éléments agissent pour une plus grande professionnalisation. Nous aurons également davantage de moyens de contrôle en lisant les rapports. »

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