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Etablissements et services : le coaching, ou comment motiver au changement

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Crédit photo fizkes - stock.adobe.com
Organisation - Le coaching a gagné les structures médico-sociales et ce n’est pas un hasard : les cadres sont confrontés à des tensions croissantes. Cet accompagnement individuel vise à les aider à mieux gérer les problèmes auxquels ils sont confrontés… sans forcément les régler, selon certaines critiques.

Un coaching dès la prise de poste. C’est ce que Sophie Péron s’est vu proposer lors de son arrivée à l’association Le Moulin vert (56 établissements et services), dont elle prenait la direction générale. « Dans un premier temps, je n’y étais pas vraiment favorable », explique-t-elle, jugeant l’offre prématurée. Avant de se raviser. « Au bout d’un an, j’ai demandé à y avoir recours, car je ressentais le besoin de poser ce que je rencontrais au quotidien. » Depuis, l’ex-auditrice apprécie ce type d’accompagnement qui permet de prendre le temps de se recentrer sur soi, dans les interstices d’un agenda bien chargé. « C’est une bonne réponse pour les fonctions de direction, ajoute-t-elle. On a beau avoir des formations au management, nous devons gérer, à chaque fois, des situations atypiques et uniques. »

En ligne, quelques clics suffisent pour identifier des coachs vendant leurs services à destination du secteur médico-social. « La pratique se développe lentement », souligne Xavier Florian, coach et par ailleurs directeur de l’association Métabole. Plusieurs instituts régionaux de travail social (IRTS) proposent des séances individuelles. Nombre de formateurs et de consultants se présentent aujourd’hui comme des coachs. Une manière de surfer sur l’image positive du coaching attachée à l’univers du sport. « C’est plus simple de dire qu’on a rendez-vous avec son coach qu’avec un psychologue du travail. Il y a une acceptabilité sociale autour du coaching », convient Sylvain Jouve, consultant au cabinet RH & Organisation.

Formation au management

Dans certains cas, le coaching se veut un outil de formation amélioré. « Il ne s’agit pas d’enseigner le management, mais d’identifier en soi des capacités et les employer », ajoute Sylvain Jouve. « Le coach n’intervient pas sur le contenu mais sur la définition d’un objectif, qui doit être mesurable, atteignable, et indépendant », ajoute Xavier Florian. Ces accompagnements peuvent avoir lieu dans des contextes spécifiques, comme lors de la prise d’un nouveau poste. Xavier Florian remarque que les regroupements associatifs accentuent ce besoin. La création des nouvelles fonctions dans les organigrammes demande aux uns et aux autres de s’ajuster. Dans les premiers mois de sa prise de poste à la tête de l’union départementale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales (Udapei) du Nord « Les Papillons blancs », Christian Hilaire s’est vu adjoindre un coach. « J’ai pu lui confier tous mes doutes par rapport au poste, et travailler tout de suite sur mes axes de progression personnels », explique-t-il. Cet accompagnement lui a permis de progresser dans sa posture, une compétence clef dans un poste très politique où il doit coordonner les positions de neuf associations conservant leur autonomie. « Je suis dans du management interindividuel, basé sur la négociation. Le coaching m’a permis de mettre de la diplomatie, de la patience, et de la tolérance dans mon travail. »

Mais au-delà d’une prise de poste, l’objectif consiste souvent à aborder des relations au travail parfois difficiles. « Les problématiques relationnelles ou de communication sont des points d’entrée forts », remarque Sylvain Jouve. Le coaching invite alors les managers à se remettre en cause. « La figure du manager faisant grandir ses collaborateurs et les rendant plus autonomes est souvent absente », observe le coach Bernard Svirchevsky. Cultiver de bons rapports avec ses équipes devient un impératif. Consciente de cet enjeu, Raphaëlle Vuillaume a ressenti le besoin de se faire coacher mais aussi d’en faire bénéficier ses équipes (voir encadré).

« Le coaching m’a permis de me remettre en question, de mieux comprendre les autres et leur fonctionnement », raconte cette cheffe d’un centre d’éducation motrice à Louvroil dans le Nord et d’un service de soins et d’éducation spécialisée à domicile à Maubeuge relevant de l’Adapt. Raphaëlle Vuillaume s’est tournée vers cet accompagnement en plein virage inclusif : perdant ses publics traditionnels, l’association s’oriente vers l’accueil de nouvelles personnes handicapées au profil plus complexe. Un cap sensible à bien des titres qui suppose de déminer des résistances en soignant sa communication. « Je me montre plutôt à l’écoute, mais je n’envoie pas toujours les bons messages aux collaborateurs. Les relations peuvent se tendre, quand certains accomplissent des choses que je n’ai pas vues ou reconnues à leur juste valeur », confie-t-elle.

Derrière l’oreille attentive et flatteuse tendue aux managers, le coaching vise bel et bien la performance des organisations. Avant de parvenir au secteur médico-social, c’est dans cette logique qu’il s’est implanté dans le monde du travail, rappelle la sociologue Scarlett Salman. « Le coaching a beaucoup accompagné les réorganisations, dans les grandes entreprises privées puis publiques qui ont évolué vers une vocation plus commerciale et connaissent des changements managériaux. Il s’est aussi développé dans la fonction publique », décrypte l’auteure de l’enquête Aux bons soins du capitalisme. Le coaching en entreprise (Presses de Sciences Po, 2021). Une remarque qui offre un écho à la situation du secteur social et médico-social. « Les agences régionales de santé vont définir de nouveaux principes sans se poser la question de la conduite du changement, générant une énorme pression au niveau des structures », diagnostique Bernard Svirchevsky.

Double tranchant

Dans de tels contextes, « une partie du coaching vise la gestion des temporalités de travail », observe Scarlett Salman, face à des cadres qui « se sentent débordés, travaillent dans l’urgence en étant constamment interrompus ». Cependant, « le coaching ne vient pas résoudre les problèmes mais aide à mieux les gérer », résume la sociologue. Il s’agit de tenir des objectifs subtils voire contradictoires : susciter la participation dans des organisations hiérarchisées, diriger les équipes en faisant preuve de leadership et non d’autorité… Confrontés à cette pression, les cadres se montrent souvent « contents qu’on vienne les aider pour y voir plus clair ». Mais un tel accompagnement peut se révéler à double tranchant. « Le coaching tient un discours d’empowerment où l’individu peut s’en prendre à lui-même », avertit Scarlett Salman. Dans le monde de l’entreprise, il arrive ainsi que des cadres confrontés à un plafond de verre se voient prescrire du coaching les invitant à se remettre en question, afin de détourner l’attention des organisations, selon la sociologue.

Le coaching individuel n’a pas pour mandat de remettre en question le fonctionnement des structures. « Quelqu’un qui viendrait me parler de sa perte de sens ou des discussions budgétaires, je lui dirais : “Bienvenue au club !”, c’est l’évolution du secteur. La question de savoir s’il faut s’adapter ou quitter ce secteur ne relève pas du coaching, mais d’un choix très personnel », réagit Xavier Florian. Toutefois, lui comme d’autres se montrent vigilants face à certaines demandes, notamment dans le cas de directions qui prescrivent du coaching à l’un de leurs salariés. « Quand un manager me désigne une personne à coacher, ma règle est de le coacher d’abord, puis de vérifier que les attentes sont les mêmes », explique Bernard Svirchevsky. Et les problèmes à régler à l’échelle collective ne sont jamais très loin, de l’aveu même de certains. « Je redoute les demandes sur la gestion du temps ou la performance. Dans ces cas, le problème n’est pas toujours le temps, mais les objectifs », convient Sylvain Jouve.

Des formules de coaching « collectif »

Comme si le coaching individuel ne suffisait pas, voici venu le coaching « d’équipe », voire « d’organisation ». Si certains soulignent l’astuce marketing pour mieux vendre du conseil en organisation, cela n’empêche pas les structures d’y prendre goût. L’intérêt ? S’appuyer sur le savoir-faire du coach pour permettre à chacun de s’exprimer et de participer. C’est le cas de Raphaëlle Vuillaume, qui a recouru à un coach afin d’animer quatre séances collectives, visant à élaborer, avec les équipes, un nouveau projet d’établissement. Christian Hilaire, de l’Udapei du Nord, s’est aussi appuyé sur un coach pour animer des sessions de travail en équipe. Leur objectif : préparer les nouveaux services de l’union d’associations en direction de ses membres. Au Moulin vert, Sophie Péron a aussi recouru à du coaching sous la forme du « codéveloppement », pour travailler sur des problématiques en équipe, entre pairs. Une approche selon elle « efficace sur des postes de chef de service, qui n’ont pas l’habitude de se faire accompagner sur des questions managériales ». Certaines réorganisations profondes peuvent donner lieu à du coaching d’organisation : un groupe de coachs « accompagne les dirigeants sur leurs projets d’organigrammes, mais aussi les équipes et des individus », explique Xavier Florian.

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