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Associations : la désinstitutionnalisation bouscule la question du patrimoine

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Habitats « partagés », « adaptés », « inclusifs », développement de petites unités d’enseignement, fermeture d’établissements importants. Ces tendances plébiscitées par les pouvoirs publics obligent les associations à retravailler leur organisation patrimoniale et les équipes à se professionnaliser.

« L’ambition du gouvernement est de faire de l’habitat inclusif un pilier des politiques du logement pour les personnes ayant besoin d’être accompagnées dans leur autonomie », annonçait l’exécutif en février dernier lors du lancement d’un comité de pilotage dédié à cette question. Véritable alternative à l’habitat collectif, ce mouvement inclusif, qui tend à s’accélérer depuis quelques années sous l’impulsion des autorités, force aujourd’hui nombre d’associations à repenser leur stratégie. L’objectif : être capable de proposer un accompagnement où l’habitation joue un rôle central, s’inscrivant dans une vision globale sur un territoire donné. « Le modèle, par exemple, des foyers d’hébergement loin des villes est à interroger. Aujourd’hui, on ne peut plus créer des structures comme on le faisait il y a dix ans », assure Marie Aboussa, directrice de l’offre sociale et médico-sociale chez Nexem. Selon elle, cet enjeu concerne, non pas uniquement les organismes chargés des personnes âgées ou en situation de handicap, mais l’intégralité du secteur, citant notamment le plan « Logement d’abord » du gouvernement pour la réinsertion des personnes sans domicile. « Toutes les associations engagées sur ces sujets doivent se poser la question de la gestion de leur patrimoine. Nous bâtissons notre offre à partir de parcours dans lesquels il est question du lieu de vie de la personne », insiste-t-elle.

Une réalité dont s’est emparée ces dernières années l’association L’Essor, gestionnaire d’une quarantaine d’établissements et services pour l’accueil et l’accompagnement des personnes en difficulté sociale, familiale ou en situation de handicap. D’abord, dans l’Essonne, où elle disposait d’un institut thérapeutique éducatif et pédagogique (Itep) historique de 6 000 m2 sur plus de deux hectares de terrain. « Avec l’évolution sociétale et la demande des familles pour plus d’inclusion, expose le responsable de l’établissement, Michel Dumesny, l’association a décidé de se réorienter sur le modèle des Satep [services d’accompagnement thérapeutique, éducatif et pédagogique], avec une seule équipe qui gère de l’ambulatoire, de l’internat, de l’accueil de jour et qui prend en charge le jeune quelles que soient les modalités d’accueil. Cela supposait de se redéployer sur le territoire et d’abandonner le siège historique de l’établissement. » Une transformation de fond qui a coïncidé avec la renégociation de son contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (Cpom).

Ce bouleversement a requis le soutien de la direction générale et du conseil d’administration de l’organisation, qui restent, d’après Michel Dumesny, des maillons incontournables pour la mise en place de telles mutations. D’autant que ces problématiques de patrimoine deviennent quasiment inévitables pour les instances dirigeantes des associations. « Auparavant, la question des bâtiments se trouvait plutôt au niveau des services généraux. Mais il s’agit de plus en plus d’une fonction stratégique, confirme Marie Aboussa. Il faut vraiment que cette question se pose au niveau de la direction générale mais aussi au niveau du conseil d’administration pour qu’il y ait une possibilité d’anticipation. » Des postes de directeurs du patrimoine, des bâtiments, de l’immobilier… fleurissent ainsi actuellement au sein des organisations, pour les épauler dans leur gestion quotidienne des nouvelles exigences, notamment en matière de transformation écologique, et pour les accompagner dans leur vision à court et moyen terme. « Ces fonctions gagnent en technicité, parce que s’impose la double nécessité de travailler sur de l’entretien et de la réhabilitation mais aussi d’être en mesure de réfléchir à une stratégie en matière de politique de gestion du patrimoine », insiste Marie Aboussa.

Mutualisation de la stratégie

Dans un tel contexte, il reste cependant difficile pour les plus petites structures de disposer des ressources pour s’assurer du soutien de professionnels. Alors, selon l’experte de Nexem, la « mutualisation » pourrait être l’une des clés pour tirer son épingle du jeu. Dans le Jura, sept associations gérant des établissements dans les champs de la protection de l’enfance et du handicap ont opté pour cette solution. Après avoir créé Juralliance, une association d’associations, elles ont en parallèle fondé en 2017 SCIC Alliance, une société coopérative d’intérêt général, chargée de leur stratégie immobilière. « L’innovation c’est de créer une entité propre à l’habitat qui sert les intérêts des personnes au capital de l’entreprise, Juralliance, qui n’est pas majoritaire, mais aussi les autres structures. Il y a un collège des collectivités territoriales, un autre des bénéficiaires, un d’autres associations clientes de SCIC Alliance, indique Stéphane Perrard, directeur de la société. Cela donne accès à une expertise dédiée à l’habitat médico-social, dans le financement, dans la gestion de travaux, en matière de maintenance, d’opérations nouvelles. » Et, là encore, l’habitat inclusif est au cœur de leur repositionnement : « C’est un enjeu stratégique de SCIC Alliance. Nous développons actuellement toutes les procédures pour réaliser de l’habitat inclusif. Nous avons un partenaire constructeur que nous sommes en train de spécialiser pour cela. Nous voulons accélérer dans ce sens et devenir un prestataire complet avec un délai de réalisation très rapide. »

Autre question clé pour les associations : la relation avec les bailleurs sociaux. A l’Œuvre Falret, association qui accompagne en Ile-de-France des personnes souffrant de troubles psychiques, les besoins en « logements accompagnés et en solutions hors les murs » ne cessent d’augmenter d’après sa directrice générale, Sandrine Broutin. « Nous gérons un parc de logements qui s’étoffe et de plus en plus en diffus, raconte-t-elle. Nous travaillons aujourd’hui beaucoup en partenariat avec les bailleurs sociaux, les seuls à proposer des logements accessibles. Pour autant, ils sont sur-sollicités car nous sommes de plus en plus incités à déployer ce type de dispositif et ils peinent à fournir des logements sociaux, le taux de construction et de rotation étant très faible, particulièrement sur Paris. Nous sommes en recherche permanente de solutions », conclut-elle. L’association est ainsi amenée à chercher des astuces innovantes pour trouver des biens accessibles dans le parc privé et répondre aux besoins des bénéficiaires (voir encadré).

Mais, au-delà du foncier, il s’agit également pour les équipes de l’association de se professionnaliser dans un nouvel accompagnement. L’œuvre Falret développe ainsi actuellement une fonction nouvelle de gestionnaire locatif adapté, chargé d’accompagner les personnes dans leur logement. « Réussir cette inclusion de publics sensibles à loger, et permettre que le “vivre-ensemble” fonctionne le mieux possible suppose un suivi. Il ne s’agit pas seulement de signer un bail et de réaliser un état des lieux. Cette démarche d’autonomie dans le logement doit être accompagnée, d’autant qu’elle se multiplie et tend à devenir la norme. Nous devons nous organiser différemment et nous professionnaliser pour que cela ne devienne pas du bricolage établissement par établissement », explique Sandrine Broutin.

Solifap, pour accéder au parc privé

Les associations affrontent souvent de multiples obstacles financiers et structurels, en particulier dans les zones de forte tension immobilière, pour être en capacité de proposer des logements. Face à cette problématique, l’œuvre Falret s’est appuyée sur Solifap, une société d’investissements solidaires créée par la Fondation Abbé-Pierre pour avoir accès à 22 logements à Paris dans un ancien hôtel social. Solifap met à disposition des fonds issus de la finance solidaire à des organisations « qui produisent du logement d’insertion ou qui accompagnent les plus démunis dans l’accès à leurs droits ». Pour des associations qui gèrent des parcs de logements, Solifap propose « d’acheter les biens à leur place. Les associations peuvent alors financer la rénovation avec des subventions et nous versent un loyer, ce qui permet de minimiser leur investissement », indique Antoine Anquetil, responsable du développement et de la communication de Solifap. Au-delà des acquisitions, la société d’investissement propose aussi des prêts pour financer des opérations et des missions de conseil. « La demande de logements sociaux est exponentielle et les capacités d’investissement des structures, en particulier des associations, ne sont pas extensibles. Notre objectif consiste à essayer de lever un maximum de freins pour que ces associations puissent continuer à se développer », conclut Antoine Anquetil.

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