« Permettre une vraie rencontre. » C’est l’ambition de Ludovic Maugère et Emma Griseau, fondateurs de l’association Migrant.Bus, talents itinérants. Créé il y a moins d’un an, ce projet associatif vise à développer les échanges entre populations locales et personnes en migration. A bord d’une « tiny house » (petite maison mobile) et d’un van électrique, l’équipe composée des deux fondateurs et de cinq à six demandeurs d’asile implantés en région parisienne, a ainsi fait escale dans trois petites communes françaises cet été : Questembert (Morbihan), Champdeniers (Deux-Sèvres) et Cerny (Essonne). Chaque fois, des ateliers s’appuyant sur les compétences des bénévoles étaient proposés aux habitants de ces zones rurales. « Les thématiques que nous offrons sont variées, rapporte Ludovic Maugère. Il y a aussi bien du yoga que des ateliers de cuisine, de danse ou de coiffure. A Cerny, une graffeuse venue du Yémen a également animé des séances de street art et de dessin. » A côté du planning officiel, des temps informels, comme des repas ou des soirées musique, ont permis de prolonger les échanges. Et pour favoriser au maximum le lien social, l’association a opté pour un hébergement citoyen. « Nous tenions à être hébergés par des familles du coin, cela garantit un véritable ancrage local et rend le projet d’autant plus riche », poursuit le cofondateur.
Le bilan de cette première expédition s’avère concluant. Tant pour les habitants que pour les personnes exilées. « Par rapport à ce que j’avais pu entendre, je ne m’imaginais pas un tel accueil de la part des Français », rapporte, enthousiaste, Abbas Mimche. Arrivé en France il y a environ un mois, ce Camerounais a proposé ses services de réparateur de vélos aux habitants de Cerny. « Certaines personnes restaient pendant que je réparais leur vélo pour que je leur explique mon travail. Il y a eu beaucoup d’échanges culturels et j’ai énormément appris sur les habitudes et les traditions des Français. » Abbas Mimche envisage même de retourner dans cette petite commune francilienne si une opportunité professionnelle se présente.
« S’attaquer aux stéréotypes »
A l’origine de cette initiative, un constat simple : l’arrivée dans le pays d’accueil ne représente pas le bout du tunnel pour les personnes exilées. « Emma et moi sommes partis à Lesbos, en Grèce, dans le même centre d’accueil de jour. A notre retour à Paris, nous avons été marqués par l’absence de véritable accueil. » Plutôt que de travailler sur le contexte d’urgence dans lequel se trouvent les populations en migration, les fondateurs ont souhaité s’attaquer aux stéréotypes. L’itinérance est alors apparue comme la solution idéale. « La plupart de ces personnes sont concentrées autour des préfectures et des sous-préfectures pour des raisons administratives. Elles ne sont jamais allées en province alors qu’elles pourraient trouver des opportunités professionnelles. De leur côté, les habitants des régions rurales n’ont souvent pas rencontré de personnes réfugiées et ont énormément de préjugése. »
La tiny house, qui joue le rôle de local associatif, reprendra du service dans les mois à venir. Le concept est toutefois amené à évoluer. « Nous aimerions nous tourner vers des villes avec des centres d’accueil ou d’hébergement prêts à jouer le jeu avec nous, plutôt que d’arriver de Paris avec notre équipe, explique Ludovic Maugère. L’idée est que le lien continue de se nouer après notre départ et que la rencontre débouche sur une intégration. »