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Ressources humaines : Surmonter un échec, ça se travaille !

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Crédit photo DR
Un service contraint à la fermeture, des difficultés économiques, des relations tendues avec les tutelles… De telles épreuves peuvent bousculer structures et équipes. S’il n’existe pas de recette miracle pour rebondir, il est essentiel de respecter des principes de base et de tirer les leçons d’un échec. Pour éviter, tout simplement, de sombrer.

À en croire notre difficulté à recueillir des témoignages, le secteur social et médico-social serait épargné par les crises. Rares sont ceux, en tout cas, prêts à les exposer. L’acceptation est pourtant le b.a.-ba d’un processus de résilience. Pour Jean-Denis Budin, auteur de 33 clés pour une période clé. Comment réagir individuellement face à une crise ou après un échec ?, rebondir commence par « verbaliser ». C’est ce qu’il s’attache à travailler avec le Centre résidentiel de prévention de l’épuisement et de burn-out (Credir), qu’il a créé en 2013 pour soigner les maux des professionnels comme on panse ceux des sportifs de haut niveau. « On regroupe des professionnels, de tous horizons et qualifications, pour les faire parler. Cette méthode narrative vise à faire un travail de deuil, en évacuant le négatif de l’échec, en tirant les leçons du passé pour discerner ce qui va pouvoir nous aider pour la suite, explique cet ancien chef d’entreprise. Quand ils commencent un récit, les professionnels ne sont pas encore dans l’acceptation : ils sont dans la seule acceptation de ne pas rester seuls face à eux-mêmes. »

« Dire “j’ai besoin d’aide” ne signifie pas qu’on est incompétent. Le manager est chargé de piloter la transformation, mais cela implique de modifier ses pratiques, avec des compétences qui sont autres », explique Sabine Esnault, consultante en transformation et ressources humaines. L’aide peut aussi venir des pairs. Créer des groupes d’analyses managériales, pour prévenir les difficultés ou chercher à les résoudre, se révèle pertinent. « C’est le même principe que l’analyse de pratiques professionnelles, pour les directeurs, qui peuvent se soutenir et favoriser la transformation de leurs structures », poursuit Sabine Esnault. L’aide d’un tiers peut être sollicitée à l’échelle individuelle mais aussi collective pour analyser des aspects organisationnels. « Souvent, les directions pressentent les difficultés. Mais, parce qu’elles ont le nez dans le guidon, elles ont besoin de ce regard extérieur pour les aider à les mettre en lumière », souligne Catherine Audias, formatrice et consultante. Sous couvert de confidentialité des échanges, elle mène des entretiens individuels avec les acteurs de la structure, à partir d’une grille préparée en amont. « Le recoupement de ces échanges permet de pointer les difficultés, plus ou moins importantes ou anciennes et de travailler sur des préconisations, parfois amenées par les personnes qu’on rencontre. Notre objectif, c’est de rendre un rapport le plus fidèle possible, avec un souci de neutralité. » Clé du succès : la co-construction. « Chaque acteur peut contribuer : la direction, les administrateurs, les représentants du personnel, voire les bénéficiaires. Et surtout, les salariés qui vont porter les solutions sur le terrain. D’où l’importance de se mettre d’accord sur un constat partagé. »

L’Esat (établissement et service d’aide par le travail) La Belle Ouvrage, à Laval (Mayenne), a connu une procédure de redressement judiciaire en 2015. Son directeur, Stéphane Mattei, en tire un enseignement : il convient de chercher autant que possible l’adhésion de tous les salariés, en les impliquant et en les faisant participer au projet de transformation. Comment ? « On a informé et organisé des réunions institutionnelles. On a laissé un cadre souple avec la latitude de prendre des initiatives et de soumettre des propositions. Certains l’ont fait, d’autres n’y étaient pas prêts », concède-t-il. Difficile de toujours susciter l’adhésion au changement. « Le manager n’a pas prise sur tout, complète Peggy Jehanno, directrice de l’Uriopss (union régionale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux) Pays de la Loire. Son travail s’articule autour de deux enjeux : donner du sens au projet, de manière collective, et accompagner les salariés, de manière individuelle, à travers la formation notamment. Il doit opérer un aller-retour permanent entre l’intérêt du salarié et du collectif, donner un cadre clair et décliner des orientations et des actions qui répondent au projet collectif. Les yeux du manager sont tournés vers l’horizon ; ses jambes sont ancrées, pour l’une, auprès des administrateurs, pour l’autre, auprès de l’équipe. »

Rester positif

Les administrateurs, eux, doivent jouer leur rôle de contrôle. Président de l’association d’aide à domicile AARD 24, à Bergerac (Dordogne), Michel Antoine en a pris conscience lorsque les difficultés économiques de la structure sont devenues particulièrement aiguës en 2012-2013. « J’ai appris à ne plus faire confiance à 100 % : la responsabilité du conseil d’administration est importante », reconnaît-il aujourd’hui. Face à une directrice dépassée par la situation, qui n’avait pas su alerter à temps, Michel Antoine est parti en quête d’une personne compétente pour redresser la structure. « On a mis les salariés de côté pour éviter toute panique dans les rangs de l’association. Aussi parce que les usagers n’avaient pas à subir la situation, justifie-t-il. Les représentants du personnel ont été mis au courant, en jouant le jeu de la discrétion. » D’où l’intérêt d’entretenir de bonnes relations avec les organisations syndicales. Pendant ce temps, Annie Coll, la nouvelle directrice qui a permis de surmonter les difficultés, a dû se montrer tenace et solide psychologiquement : « Il ne faut rien montrer et être toujours positif vis-à-vis des équipes. Si on baisse les bras, les autres suivent. »

Et pour ne pas envenimer les situations, des règles de savoir-être s’imposent également. Parmi elles : savoir s’excuser. « Cela va éviter que les tensions s’exacerbent. Surtout, cela favorisera une meilleure gestion de son énergie personnelle », précise Jean-Denis Budin. Autre point de vigilance, le risque de paranoïa : « Le stress et la fatigue aidant, la tolérance des autres est parfois réduite à tel point que cela peut provoquer des dégâts irrémédiables, écrit Jean-Denis Budin dans son ouvrage. Les tendances paranoïaques sont très dangereuses car elles détériorent le fonctionnement collectif. »

Sortir du cadre

Face à l’épreuve, Johann Zittoun, directeur de la Fondation Opej, souligne pour sa part la nécessité, parfois, de sortir du cadre. C’est la ligne de conduite qu’il a choisie face à la crise institutionnelle qui touche la protection de l’enfance dans le département des Hauts-de-Seine. « La réforme de l’aide sociale à l’enfance [ASE] a provoqué le départ massif de travailleurs sociaux, mis à mal le rapport aux familles et l’accompagnement des enfants. Nos structures, elles, se sont retrouvées souvent sans interlocuteurs. Ça a été une véritable épreuve, explique Johann Zittoun. On n’a pas cherché à savoir quelle était leur responsabilité et à critiquer les causes du manque. On a cherché les opportunités que nous pouvions saisir. » Quitte à prendre des décisions risquées. Alors que le service d’accueil éducatif de jour, ouvert en 2017, souffrait d’un manque d’orientations d’enfants, malgré les besoins identifiés, le directeur s’est arrogé le droit de signer des contrats d’accueil en lieu et place de l’ASE. « Je me suis rapproché d’autres directeurs, certains le faisaient déjà, indique-t-il. C’était une mission confiée de manière implicite. »

Pour évacuer l’échec, il faut savoir aussi créer du positif à partir de nouveaux projets, conseille Jean-Denis Budin. « Il est important d’avoir un projet à moyen terme dans l’établissement pour mobiliser les équipes. Et il n’y a pas de métiers où on ne puisse en trouver. » Il cite l’exemple du personnel de ménage d’un Crous (Centre régional des œuvres universitaires et scolaires) auprès duquel le Credir est intervenu. « On a monté un projet à impact environnemental en communiquant sur les actions réalisées au sein du groupe. Les étudiants ont commencé à leur adresser la parole. Alors qu’ils avaient l’impression d’être peu considérés jusque-là, ces personnels ont retrouvé du sens à leur métier. Il existe de nombreuses manières d’amener, dans toute situation, des projets porteurs de sens. Et c’est souvent ce qui détermine la fin de la convalescence. » Quitte, parfois, à le trouver hors du travail. Le Credir développe le concept de qualité de vie globale. « L’épanouissement ne passe pas seulement par la qualité de vie au travail : la santé et la vie personnelle jouent aussi un rôle. Lorsqu’il est devenu difficile de trouver du sens, parce que le management d’un établissement apparaît, par exemple, dicté par la rentabilité, on invite à en chercher ailleurs. Pourquoi pas en s’engageant dans un projet associatif complémentaire ? »

Soigner son hygiène de vie

L’adversité use les organismes. Au-delà des choix stratégiques à mettre en place, le manager doit écouter son corps pour tenir bon. « Toutes les personnes qui ne font pas attention aux 3S – le sommeil, le sport et le suivi de la santé – se mettent en difficulté », estime Jean-Denis Budin, fondateur du Credir. Ne jamais croire qu’on gagne des heures de travail en dormant moins, notamment parce que la fatigue atteint notre productivité. Un conseil pour lutter contre les troubles du sommeil : « Respecter 60 à 90 minutes de calme avant d’aller se coucher, sans outils numériques à usage interactif. » Bon indicateur de la fatigue, les troubles de la mémoire doivent être surveillés. Pour éviter la surchauffe et la fatigue psychologique d’une vie trop monotone, faire une pause un jour par semaine et deux semaines tous les six mois. Et consulter des professionnels de santé. « Comme le sportif de compétition qui construit ses victoires sur un staff comprenant notamment un soigneur, n’oubliez jamais qu’un bon médecin de famille à l’écoute est votre premier soutien pour organiser votre rebond », conseille Jean-Denis Budin.


Apprendre des erreurs

L’aventure aura duré trois ans pour s’achever en décembre 2020. Hier, ou presque. Pourtant, Vincent Gomez-Bonnet, directeur général de l’association Fouque, qui gère sept Mecs (maisons d’enfants à caractère social) et deux IME (instituts médico-éducatifs) dans les Bouches-du-Rhône, porte un regard d’une grande acuité sur les événements. Il assume les aspects négatifs comme les points positifs. L’aventure, donc, a commencé au printemps 2017. Le département et l’agence régionale de santé (ARS) sollicitent l’association pour réfléchir à un dispositif hybride d’accompagnement des enfants qui relèvent d’une mesure de protection de l’enfance et sont accueillis en IME la semaine. Le service, ciblé sur l’accueil de huit jeunes déficients intellectuels âgés de 8 à 21 ans, voit le jour avant la fin de l’année. Expérimental, il sera pérennisé un an plus tard, à la faveur d’un bilan très positif. « Les difficultés ont commencé à partir de là, témoigne Vincent Gomez-Bonnet. Ce n’est pas un hasard : on était sur le champ de l’expérimentation, avec un accompagnement bienveillant de la collectivité, et une forme de terra incognita qui pousse les salariés à s’engager. Ce temps aurait dû être plus long. » Fait saillant : l’ARS a quitté la table des négociations avant l’ouverture du service. « Sans aucune explication, peste Vincent Gomez-Bonnet. Le département a compensé une partie des subventions. Mais il manquait dans le montage du dispositif l’institution du handicap. Nous n’aurions pas dû accepter que les deux tutelles ne se parlent pas et que nos moyens soient insuffisants. »

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