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Avec la recrudescence de l’épidémie, une éthique à réinventer

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Two generations, grandfather and grandson talking under covid ma

Photo d'illustration

Crédit photo romul014 - stock.adobe.com
L’expérience du printemps a permis aux établissements sociaux et médico-sociaux de s’interroger pour prendre des risques mesurés et les assumer, afin de garantir liberté individuelle et sécurité collective.

 

Dans la lutte contre le coronavirus, peut-on restreindre un certain nombre de libertés dans le but de sécuriser au maximum la population ? Telle a été « la » grande interrogation de ce début d’année. Mais, alors que le nombre de contaminations repart à la hausse, alors que les clusters se multiplient, le gouvernement se montre ferme : il fera tout pour éviter un reconfinement généralisé. Dès lors, comment vivre avec ce virus ? Comment faire pour que les différentes restrictions, les multiples mesures-barrières soient acceptées sur le long terme ? Autant de questions complexes pour la population générale qui le sont encore plus pour les établissements sociaux et médico-sociaux.

Pour autant, forts de leur expérience du printemps, ceux-ci se montrent particulièrement sereins. « Nous ne sommes pas plus inquiets que cela car nous savons depuis le début que la pandémie va durer. Nous avons donc pris des décisions en conséquence. Nous nous sommes organisés pour vivre longtemps avec le coronavirus », affirme ainsi Yann Zenatti, directeur général de l’Adapei du Morbihan. Et d’ajouter : « A chaque décision, à chaque étape, nous nous demandions quels allaient être les prochains scénarios. Ainsi, au mois d’avril, nous savions déjà que la rentrée allait être compliquée, que les salariés allaient être épuisés [voir ce nyméro, page 8], qu’une partie des personnes accompagnées allait passer deux ou trois mois de plus chez leurs parents, qu’elles n’allaient pas avoir de vacances, de séjours adaptés… Il a donc fallu trouver des solutions. »

Une réflexion en amont qui fait que, dans les différentes structures, la situation semble être actuellement sous contrôle (voir ce numéro, page 12). Ce qui n’empêche pas des tensions et des malentendus. En effet, au sein même des établissements, tout le monde n’a pas la même vision. Certains sont très pessimistes quand d’autres sont beaucoup plus optimistes. La connaissance sur ce virus demeurant vague, tous les avis se valent et tout le monde pense avoir raison. Seule certitude partagée par tous : le risque zéro n’existe pas.

 

« Un avènement de l’éthique »

« Nous sommes bien obligés de vivre avec le coronavirus puisqu’il est là, estime ainsi Claudette Brialix, présidente de la Fnapaef (Fédération nationale des associations de personnes âgées en établissements et de leurs familles). Et comme il n’y a pas de risque zéro, il n’y aura pas de bonnes mesures, au sens où l’on réglera le problème. Il y en aura des plus ou moins mauvaises. Il faut peser l’équilibre bénéfices/risques. Ce qui n’a pas du tout été fait lorsque la mesure de confinement a été prise. D’où les problèmes rencontrés par la suite (syndromes de glissement et décès collatéraux liés aux dépressions). Ce qui explique aussi la volonté du gouvernement de ne pas reconfiner. » Car s’il y a bien une chose à retenir de la première vague, c’est la prise en compte de plus en plus forte de l’éthique dans les établissements. Désormais, chaque décision doit être discutée avec les résidents. Et il faut les prendre en mettant en balance les risques et les avantages, la liberté et la sécurité. « Il y a un avènement de l’éthique, confirme Bernard Benattar, psychosociologue et philosophe du travail. Dans chaque structure, les décisions, avant d’être appliquées, sont discutées, estimées. C’est comme cela que l’on peut prendre des mesures raisonnées et raisonnables et non pas appliquer bêtement des normes. »

Et celui qui est aussi co-auteur du film « Prendre soin » de donner un exemple : « Dans le secteur Alzheimer, il y a des normes impossibles à tenir avec le coronavirus. Il faut donc sans arrêt adapter, ajuster. Non pas en rébellion contre la norme mais tout simplement parce que, dans le réel, face au danger, il faut sans arrêt transgresser intelligemment et concevoir des protocoles qui s’adaptent aux situations. » Christophe Kedzia, directeur de l’institut d’éducation sensorielle Les Primevères à Lyon, ne dit pas autre chose : « Nous allons vivre avec ce Covid pendant un certain temps. Peut-être plusieurs mois, plusieurs années. Forcément, on ne peut pas tout arrêter. Je travaille avec des adultes handicapés vieillissants. Nous n’allons pas les priver de leur famille pendant des années. C’est impossible. Il y a donc une prise de risques. Il faut responsabiliser tout le monde pour que tout se passe bien. »

 

Des métiers réinventés

S’il est donc possible de vivre, de continuer à accompagner les différents publics (personnes âgées, en situation de handicap, public précaire…) avec le virus, cela ne se fait pas en un claquement de doigts. Aujourd’hui, un professionnel qui va travailler avec un public fragile se doit, en dehors de son temps de travail, d’être vigilant, respecter les règles sanitaires et ne pas prendre le risque d’être contaminé. De plus, le fait de ne pas savoir quand cette crise sanitaire va se terminer « modifie en profondeur l’accompagnement », assure encore Christophe Kedzia. « Dans la relation que nous avons avec les adultes ou les enfants handicapés, l’expression faciale est importante. Avec le port du masque, cela change tout. Tout est faussé. Mais il faut faire avec. Nous n’allons pas arrêter de pratiquer. Nous n’allons pas stopper un accompagnement fondamental pour l’évolution et l’épanouissement d’un enfant parce qu’un risque existe. Il faut continuer à vivre tout en s’adaptant. »

Ainsi, apprendre à vivre avec le virus implique de réinventer les métiers. Quitte, parfois, à individualiser les accompagnements. « Ce n’est pas sans conséquence car trop de collectif nie l’individu, analyse Yann Zenatti. Mais limiter au minimum le collectif peut être aussi catastrophique du point de vue sociétal. Il faut donc se réinventer mais la finalité de l’accompagnement reste la même. » Et le directeur général de l’Adapei du Morbihan de conclure : « Nous ne pouvons pas effacer tous les dangers mais nous responsabilisons tous les acteurs : les personnes handicapées, leurs familles et les salariés. Si nous tenons toutes les digues, sans être à l’abri de contaminations, nous pouvons vivre le plus normalement possible. »

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