Comme l’Adapt et l’Uniopss, le président de l’Unapei exhorte le gouvernement à la mise en place de politiques publiques adaptées, pour l'amélioration de la prise en charge et de l’accompagnement des personnes en situation de handicap et de leurs familles : « Elles doivent pouvoir pleinement exercer leurs droits et être reconnues comme des citoyens à part entière », plaide-t-il.
ASH : Un ministre du Handicap va être nommé. Qu’en attendez-vous ?
Luc Gateau : J’ai assisté le 25 septembre au Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). Paul Christophe [nouveau ministre des Solidarités] m'a semblé avoir une très bonne vision de la situation. Certes, l’identification d’un ministre du Handicap est nécessaire tant notre secteur est dans l’ombre.
Mais avant de réclamer une figure qui incarnera les questions du handicap, ayons le souci d’un réel positionnement de ce nouveau ministre. En réalité, je n’étais pas vraiement inquiet de l’absence d’un ministre pour notre secteur.
Ce qui me paraît primordial, c’est un responsable qui va pouvoir porter une véritable politique publique du handicap. Un ministre qui entreprend des actions concrètes, cohérentes, ambitieuses, à partir de besoins chiffrés.
L'absence d’observatoire dans le domaine du handicap est en fait un sérieux problème. Sans chiffre, le gouvernement mène une politique au doigt mouillé. Il est temps de créer des observatoires précis et territoriaux. En somme, un état des lieux des difficultés et des besoins.
En 2023, le comité des droits sociaux du Conseil de l’Europe a condamné la France pour non-effectivité des droits des personnes en situation de handicap et de leurs familles. Et les manquements concernent tous les domaines de l’accompagnement : l’éducation, l’emploi, la santé, et le recrutement de professionnels du médico-social.
Comment réagissez-vous aux chiffres alarmants sur l'éducation et le chômage des personnes en situation de handicap ?
Dans le domaine de l’éducation, on constate encore, qu’à la rentrée 2024, des milliers d’enfants n’ont pas accès à la scolarisation. Dans l’Hérault, la Sarthe, ou l’Ile-de-France par exemple, plus de la moitié des enfants accompagnés par nos associations suivent une scolarisation de moins de 6 heures par semaine. Nous sommes confrontés aux cas d’enfants qui patientent depuis longtemps sur liste d’attente pour entrer en ITEP [institut thérapeutique, éducatif et pédagogique] ou en IME [institut médico-éducatif].
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Lors d'une étude que nous avons menée, sur 4 000 parents, 95 % étaient inquiets pour l’avenir de leurs enfants, quand ils ne seront plus là. Dernièrement, le rapport de la Cour des comptes révélait que 40 000 personnes en situation de handicap sont accueillies en Ehpad [établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes] dès l’âge de 50 ans sans qu’on puisse véritablement répondre à leurs besoins spécifiques. L'Ehpad constitue une solution d'accueil à défaut d'un lieu de vie plus adapté.
Dans les établissements et services d'accompagnement par le travail (Esat), on dénombre 120 000 travailleurs. Sur nos réseaux de 600 Esat, 250 sont en grande difficulté. En déficit net, ces établissements sont en danger. Et les missions d’insertion que nous défendons le sont tout autant. Nous avons encore tiré la sonnette d’alarme auprès du CNCPH.
L’accès à la santé doit aussi être amélioré, mieux coordonné pour favoriser les soins. Cette carence médicale se reporte sur les proches aidants qui nous confient leur épuisement.
L’Unapei ne laissera pas les personnes en situation de handicap, familles, parents, enfants, aidants, en marge de notre société. Chacun a droit à une vie digne.
La pénurie de professionnels inquiète. Quelles sont vos attentes en matière de revalorisation et d’attractivité pour redonner de l’élan au secteur ?
La pénurie de personnel a des conséquences directes sur les personnes en situation de handicap et leurs familles. Malheureusement, les promesses du Segur, tributaires des volontés des départements ou agences régionales de santé à le financer, n'aboutissent pas. Une situation inégalitaire entre les professionnels qui subissent un manque de reconnaissance salariale. Conséquence : postes vacants, sous-effectif, turn-over et recours massif à l’intérim.
Nous appelons de nos vœux une revalorisation salariale de tous les professionnels du secteur, ainsi qu'à un véritable plan d’attractivité des métiers du médico-social. Effectif non sans une formation des professionnels, notamment dans l'accompagnement de personnes souffrant de handicap psychique, de troubles du neurodéveloppement, et de polyhandicap, qui doit être adapté et conséquent.
Les foyers d’accueil médicalisés alertent d'ailleurs des difficultés rencontrées avec les personnes atteintes de pathologies lourdes. Les IME quant à eux reçoivent des enfants avec des déficiences plus lourdes qu'auparavant, et souvent pris en charge par le même personnel qu’il y a vingt ans. Des professionels engagés mais pas suffisamment formés. Résultat, ça craque dans les équipes.
Rappelons-le : 12 millions de nos concitoyens sont en situation de handicap. Leur parole doit être portée haut et fort par un ministre qui saura les écouter. Mais plus qu’entendre leurs doléances, il devra mobiliser tous les moyens nécessaires, humains, structurels, financiers afin de défendre une politique du handicap efficace.
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