Dans cette bibliothèque, il n’y a pas de romans, essais ou bandes dessinées à emprunter. Pas d’ouvrages dont on peut consulter la jaquette pour faire son choix. Juste des humains qui, en une dizaine de minutes, content à un ou plusieurs « lecteurs » un chapitre de leur existence. Avant que ne s’engage une courte discussion autour de l’histoire qui vient d’être partagée. Si les lecteurs en éprouvent l’envie, bien sûr. Rien n’est obligatoire.
Cette bibliothèque vivante est l’une des actions mises en place par Zest, pour « zone d’expression contre la stigmatisation ». Un dispositif rattaché au centre hospitalier lyonnais du Vinatier (Rhône) et porté par des salariés de deux de ses structures : le centre référent lyonnais en réhabilitation psycho-sociale (CL3R), destiné à l’accompagnement des personnes souffrant de troubles psychiques dans leur réinsertion socio-professionnelle, et le centre ressource de réhabilitation psycho-sociale et de remédiation cognitive (CRR), chargé de promouvoir la notion de rétablissement et les outils qui y sont associés.
« Fin 2019, en préparation des semaines d’information sur la santé mentale, nous avons mis des affiches pour inviter tous ceux qui le souhaitaient à réfléchir à des actions de lutte contre la stigmatisation, explique Floriane Todoroff, chargée de communication et de projets au CRR. Les patients, mais aussi leurs proches et les professionnels. Pour que chacun puisse partager une expérience en lien avec la santé mentale, parler de ses angoisses ou du fait d’aller voir un psy… Expliquer aussi ce qui a permis d’aller mieux. » Avec pour objectif de provoquer la rencontre et de mettre un visage à la place d’une étiquette.
Des fragilités qui parlent
La maladie mentale charrie encore beaucoup de représentations négatives et erronées. Des préjugés qui empêchent parfois de chercher de l’aide. En 2020, Zest a choisi de s’adresser en priorité aux étudiants et s’est rapproché des services de santé universitaires. C’est à cet âge, en effet, que se déclenchent souvent les troubles psychiques. Les retours sont positifs. « Les étudiants se sont rendu compte qu’ils n’étaient pas si différents de ceux qui racontaient leur histoire », rapporte Floriane Todoroff. « La bibliothèque vivante met en lumière les fragilités. Elle permet d’échanger sur des difficultés au-delà des pathologies », complète Marianne Reynaud, éducatrice spécialisée au CL3R.
Après la pause imposée par la crise sanitaire, Zest a repris ses actions. Pour un vrai lancement à destination de tous. Notamment lors d’un événement sur l’esplanade de Fourvière en août 2021. Là où il est plus difficile d’aller chercher des “lecteurs”. Ils seront pourtant nombreux à rester le temps maximal de trente minutes. « Certains ont même écouté plusieurs livres », se réjouit Marianne Reynaud. Au total, Zest comptabilise aujourd’hui 175 lecteurs pour une petite dizaine de livres vivants.
Des « livres » qui participent chaque mois aux ateliers d’écriture en compagnie des « bibliothécaires » – Floriane Todoroff, Marianne Reynaud, mais aussi Romain Tabone, psychologue, et Sarah Jones, pair-aidante. Le budget alloué par la CNSA et la Fondation de France a en effet permis de financer le mi-temps de cette dernière. Une expertise supplémentaire dont se félicitent l’équipe qui fourmille de projets. Parmi eux, une exposition des œuvres produites pendant le confinement lors d’ateliers de création. Ainsi qu’un studio d’enregistrement pour toutes les formes de témoignages.