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L’Afiph : entre crise structurelle et crise interne

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L'Afiph (Association familiale de l'Isère pour personnes handicapées), la plus importante association du département, est en proie à une importante crise interne 

Crédit photo A. NOOR / BSIP / BSIP via AFP
Selon nos informations, la situation de l’Afiph (Association familiale de l'Isère pour personnes handicapées), la plus grosse association d’accompagnement des personnes handicapées en Isère, a attiré fin novembre l’attention du ministère, à la suite du départ de plusieurs administrateurs deux mois plus tôt. Ces derniers dénoncent une mauvaise gestion et une absence de dialogue, ce que conteste la direction, qui assure mettre en place les mesures nécessaires pour accompagner les changements d’organisation à l’œuvre.

Alors qu’elle s’apprête à signer son troisième contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (Cpom) avec l’agence régionale de santé (ARS), l’Afiph (Association familiale de l'Isère pour personnes handicapées), la plus importante association du département, est en proie à une importante crise interne. Quatre administrateurs ont démissionné fin septembre afin de manifester leur désaccord avec la gestion de l’association. Un départ qui n’est pas passé inaperçu. Les Actualités sociales hebdomadaires ont pu consulter, en exclusivité, un courrier que leur a adressé personnellement Sophie Cluzel, deux mois plus tard, le 26 novembre. Dans sa missive, la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées admet un certain nombre de dysfonctionnements au sein de l’association. « Le diagnostic de l’ARS a identifié les problématiques », indique-t-elle. En cause : une « absence de dialogue au sein du conseil d’administration, un taux de remplacement des cadres élevé dans les structures, un recours à l’intérim important ainsi que l’absence d’inscription de l’association dans les orientations nationales ». Les administrateurs partants devraient, en parallèle, être reçus le 8 décembre par le conseil départemental, l’autre financeur de l’association.

L’« entre-soi » mis en cause

Les administrateurs partants dénoncent une mauvaise gestion. Les décisions « unilatérales » prises par les instances de direction et le « manque de vision stratégique » contribueraient à la « dégradation de la qualité de l’accompagnement ». « Le choix de la gestion verticale et centralisée renforce encore la main-mise Président-Directeur général au détriment d’un véritable travail d’écoute et de collaboration entre le siège et les territoires via les établissements et services », soulignent-ils.

Une inquiétude partagée par les représentants du personnel. D’après l’un d’entre eux, le siège, en pleine restructuration, est de plus en plus déconnecté du terrain : « Ils ne sont plus au courant de rien. Ils veulent gérer des choses dont ils ne connaissent plus les effets. » « Il n’y a plus de dialogue social », déplore-t-elle. Selon nos informations, les organisations syndicales CFDT, CGT et Sud avaient déjà lancé conjointement l’alerte à ce sujet, notamment en février dernier, évoquant « un climat anxiogène parmi les professionnels ainsi qu’une perte de confiance ».

Interrogé, le directeur général, Philippe Nicot, qui occupe son poste depuis septembre 2020, conteste : « Le siège est en pleine prise directe avec le terrain », déclare-t-il. Même s’il admet ensuite : « Chacun à sa place. Il est compliqué d’impliquer les personnes tant que les choses ne sont pas sécurisées. Une fois qu'elles seront véritablement arrêtées, il faudra faire preuve de pédagogie, d’accompagnement et les associer à la mise en œuvre. »

Virage inclusif forcé

Au-delà du manque de communication, l’un des plus importants points de tension porte sur la démarche inclusive. « Il n’y a pas à ce jour de vraie volonté de l’association de piloter le changement et d’affirmer aussi la nécessité de maintenir des places en structures permanentes de qualité. Ce changement sera fait au gré des seuls financeurs », insistent les ex-administrateurs. Effectivement, après des mois de négociation, l’Afiph va probablement se voir contrainte par l’ARS de transformer 200 places d’IME (instituts médico-éducatifs) en Sessad (services d'éducation spéciale et de soins à domicile). Soit un quart des places en IME de l’Afiph. Lors de son dernier conseil d’administration, l’association a manifesté son opposition à cette décision alors que « les chiffres de la maison départementale de l’autonomie de l’Isère révèlent qu’il y a environ 600 familles qui attendent une place en IME ».

Les représentants du personnel s’inquiètent du manque de préparation. « On ne peut lâcher à l’extérieur un jeune qui a besoin d’un cadre structurant. Le placer en Sessad signifie qu’il va rester chez lui. Les éducateurs vont proposer aux parents un certain nombre de prestations. Mais au lieu d’être pris en charge toute une journée, il le sera une heure par-ci, une heure par-là. De quoi perdre ces jeunes. Il faudrait qu’on y travaille. Mais pour l’instant on n’en est pas là. »

« Cela n’avait peut-être pas été suffisamment anticipé, reconnaît pour sa part Philippe Nicot. J’entends bien l'inquiétude des professionnels concernés. Mais nous sommes responsables, nous travaillons sur la manière dont on va accompagner tout cela, cela va être annoncé dans le temps. »

Violences sur le personnel

Autre problématique interne : les représentants du personnel déplorent des « violences institutionnelles » de plus en plus fréquentes au sein de certains établissements de l’Afiph, causant des arrêts de travail et des départs. Selon une élue, ces violences auraient atteint un tel niveau ces dernières semaines que les directions auraient commencé à prendre des mesures afin d’isoler certains cas difficiles. Dans un jugement rendu en septembre dernier, la cour d’appel de Grenoble avait, pour sa part, confirmé « la faute inexcusable » de l’Afiph dans l'affaire d'un employé qui avait souffert de plusieurs accidents du travail en foyer d’accueil médicalisé en 2015.

Pour la représentante du personnel, le changement de public conduirait à l’une des difficultés rencontrées. « On nous envoie des jeunes qui nécessiteraient que l’on soit formés à leur accueil. Nous recevons des adolescents à la base suivis en psychiatrie », souligne-t-elle. Un constat partagé par le directeur général, qui précise que le recrutement à durée déterminée d’un professionnel chargé de la prévention des risques est en cours. « Des passages à l’acte de résidents qui ont des troubles du comportement ont parfois causé des accidents. Bien sûr, nous travaillons là-dessus. Beaucoup d’établissements et services en France connaissent cela mais malheureusement nous avons de moins en moins d’accompagnement médical, de médecins psychiatres par exemple, alors même que l’évolution du secteur médico-social a visé à la sortie du système hospitalier. »

Reste à savoir si les initiatives mises en place par l’association se révèleront suffisantes. Pour l’élue syndicale, il s’agirait en premier lieu de consulter le personnel pour la mise en place de formations adaptées, longues et spécifiques.

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