ASH : Votre proposition de loi est passée le 12 mars dernier en commission mixte paritaire. Le texte n’a-t-il pas été trop amputé ?
Annie Vidal : Tout d’abord, il faut se féliciter d’avoir gagné cette commission mixte paritaire (CMP) puisqu'elle a été conclusive. Les sénateurs ont effectivement retranché un certain nombre de mesures du texte d’origine, mais il s’agissait pour l’essentiel d’ajouts apportés par voie d’amendement, qui relevaient davantage du domaine réglementaire que législatif, voire qui doublonnaient avec des dispositions existantes. Il était par exemple prévu d’obliger les établissements à adresser chaque année un rapport sur leurs activités à la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie), une mesure typiquement réglementaire. Ou d’élargir la composition des conseils de la vie sociale à de nouveaux membres… qui peuvent déjà les intégrer. Mon seul regret, en revanche, c’est l’abandon des dispositions relatives à la simplification de l’accès aux soins et à la protection juridique que contenait le texte original. Le Sénat s’est montré intraitable là-dessus, estimant qu’il s’agissait de sujets qui auraient dû relever de la commission des lois plutôt que de celle des affaires sociales et qu’il fallait retravailler les amendements en ce sens. C’est dommage, même si je pense que nous trouverons un autre véhicule législatif pour les faire passer.
Et du côté des mesures conservées ?
Les principales dispositions ont été maintenues. C’est le cas notamment de la création d’un service public départemental de l’autonomie (SPDA) pour les personnes âgées, handicapées et les proches aidants, qui constituera une sorte de guichet unique afin de simplifier les parcours et soutenir le maintien à domicile. Le texte consacre le renforcement de la lutte contre l’isolement et contre la maltraitance (avec la création de cellules départementales de recueil et de traitement des alertes en cas de maltraitance de personnes vulnérables). Il prévoit également la délivrance d’une carte professionnelle pour les aides à domicile et le lancement, entre 2025 et 2026, d’une expérimentation qui permettra à dix départements pilotes de remplacer la tarification horaire des services d’autonomie à domicile par une tarification globale ou forfaitaire en fonction du niveau de dépendance. A quoi s’ajoutent diverses mesures visant à améliorer la qualité des services liés à l’autonomie en renforçant les contrôles et en mettant en place un certain nombre d’indicateurs de fonctionnement afin d’améliorer la transparence des prestations.
Quel avenir imaginez-vous pour ce texte ? Le député socialiste Jérôme Guedj – qui l’a soutenu – a annoncé qu’il serait prêt à ne pas le voter s’il n’était pas suivi d’un projet de loi qui viendrait le renforcer. Partagez-vous cet avis ?
En premier lieu, j’ai bon espoir que cette proposition sera votée par l’Assemblée et le Sénat. Cela me semble être un texte susceptible de rallier une large majorité. Personne ne peut réellement être contre le renforcement de la lutte contre la maltraitance des personnes en perte d’autonomie, contre l’idée d’un guichet unique qui facilite leur vie ou celle de leurs proches aidants, ou contre le renforcement de la prévention face au risque de perte d’autonomie… En soi, c’est un texte qui porte des mesures concrètes et attendues. Mais ce n’est qu’une proposition de loi qui a moins de force qu’un projet de loi porté par le gouvernement. J’espère que celui-ci viendra renforcer notre texte par d’autres dispositifs sur la tarification dans les Ehpad, l’évolution de l’offre de services aux personnes en situation de dépendance ou la gouvernance du grand âge. On a encore besoin de simplification, notamment pour clarifier les relations entre les collectivités départementales et les agences régionales de santé (ARS). A ce que j’en sais, un texte est en préparation au niveau de l’exécutif, même si pour l’heure tout n’est pas complètement arbitré entre l’Elysée et Matignon. En tous cas, si le gouvernement souhaite me confier la mission d’en être la rapporteuse à l’Assemblée, et si mon groupe en est d’accord, je serais honorée de le porter.