Dix ans après sa création, et alors que Jacques Toubon vient de laisser sa place à Claire Hédon (ancienne présidente d’ATD quart monde), la commission des lois de l’Assemblée , sous la plume des députés Coralie Dubost (LREM) et Pierre Morel-A-L’Huissier (UDI), a fait le point sur l’action du défenseur des droits dans un rapport publié en juillet. Une de leurs recommandations est « d’étendre le périmètre d’action du Défenseur des droits aux Ehpad et autres établissements et services sociaux et médico-sociaux ».
Des discriminations liées à l’âge
De fait, environ 6 % des réclamations reçues par le défenseur des droits en matière de discriminations sont relatives à l'âge. En début d’année, Jacques Toubon, encore à la tête de cette institution, énumérait les raisons de ces saisines : non-respect de l'individu, manque d'hygiène, entraves à la liberté d'aller et venir, restrictions ou interdictions de droit de visite sans raison médicale, accueil inadapté aux besoins de prise en charge des personnes (par exemple les malades d'Alzheimer), demandes arbitraires de mise sous régime de protection juridique et, plus rarement, agressions physiques ou psychiques.
Mieux contrôler les établissements
« Je pense qu'il y a une omerta épouvantable sur les Ehpad. Beaucoup d'établissements sont dans un état catastrophique, ce sont des mouroirs. Et je pèse mes mots. Il faut donc donner la possibilité au défenseur des droits d'intervenir, justifie le député Pierre Morel-A-L’Huissier (UDI), corapporteur de ce texte. Cette administration a des délégués qui vont dans tous les centres pénitentiaires par exemple. Je verrais donc d’un bon œil que, de manière ponctuelle, elle aille dans les Ehpad pour les contrôler. » Et d’ajouter : « Ces dernières années, les scandales se multiplient. De plus en plus de personnes dénoncent des maltraitances. Or, dès qu'il y a un rapport critique du défenseur des droits, les autorités prennent immédiatement des sanctions, des mesures. D'où l'intérêt de lui permettre d'investiguer, de contrôler ces structures. »
Pas d’opposition de principe
Une proposition qui divise les acteurs du secteur. Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du Synerpa, affirme ne pas être « opposée sur le principe » à une telle recommandation. « Il y a un vrai sujet autour de la médiation, qui d'ailleurs a pris un contour particulier pendant la crise, souligne t-elle. Notamment avec toutes les questions de communication en direction des familles, de procédures autour du décès, du ressenti des familles sur la crise… Ce sont des sujets extrêmement importants. Dès lors, je ne suis pas opposée à ce que l'on étende le périmètre d'action du défenseur des droits aux Ehpad. »
Stop à l’Ehpad bashing
De son côté, Didier Sapy, directeur de la Fnaqpa (Fédération nationale avenir et qualité de vie des personnes âgées), s’oppose à cette préconisation : « Des dispositifs de contrôle, il y en a déjà des dizaines et des dizaines. Nous n'avons donc pas besoin d'une instance supplémentaire. Nous ne sommes pas contre le fait que le défenseur des droits nous évalue, fasse des diagnostics, des constats et des recommandations d'amélioration. Mais la notion de contrôle passe forcément par une notion de sanction, que ce soit par amende ou par toute autre mesure coercitive. Et ça, nous nous y opposons. » Et d’insister : « Ce contrôle supplémentaire va avoir pour conséquence de pointer encore un peu plus du doigt les établissements. Selon moi, cela participe de l'Ehpad bashing que l'on subit depuis bien trop longtemps. Les députés ne doivent pas désigner le défenseur des droits comme étant le Zorro des pauvres personnes âgées qui vivent en établissement et qui y sont maltraitées. »