La « WareHouse ». C’est ainsi qu’est nommé le hangar de plusieurs centaines de mètres carrés à la sortie de la ville, qui héberge et fédère un grand nombre d’associations qui œuvrent à Calais. Ce jeudi 2 septembre, au portail, le ballet incessant des camionnettes et des voitures laisse croire qu’il s’agit d’une sortie d’usine. A l’intérieur de cette fourmilière, chacun vaque à ses occupations. De la cuisine sort de la musique et l’odeur reconnaissable des oignons qui mijotent. C’est la Refugee Community Kitchen, ONG britannique qui prépare, comme chaque jour, des centaines de repas pour les exilés de Calais et ses alentours.
Un peu plus loin, au cœur du hangar, Sidonie range dans des étagères de quatre mètres de haut les dons qui arrivent au fur et mesure. L’hiver dernier a été rude. Depuis, tous les deux jours lors des expulsions, les forces de l’ordre saisissent les tentes des exilés. Elles sont souvent rendues inutilisables par des équipes privées de nettoyage, qui les lacèrent à coups de couteau. Conséquence ? Une pénurie criante de tentes et de sacs de couchage. Alors les associations essaient de se débrouiller en commandant des bâches en plus grand nombre, en attendant les arrivées de nouveaux abris de camping. Face au manque, elles ont parfois dû prioriser les dons. Les femmes, les enfants plus jeunes et les personnes en grande détresse ont été placés en haut de la pile.
Pénurie de bras
Une pénurie qui ne concerne pas que le matériel, bien que la demande de chaussettes, de sous-vêtements et de produits d’hygiène reste élevée tant pour les hommes que pour les femmes. Ces deux dernières années, la crise sanitaire a provoqué des effets délétères. En particulier dans le recrutement des bénévoles. Le manque de bras se ressent durement.
De nombreux volontaires britanniques, qui venaient passer une partie de l’année ici, ont dû rentrer lors des confinements successifs et de la fermeture des frontières. Les étudiants se sont aussi confinés en masse chez leurs parents. « Quand je suis arrivé en 2018, la moyenne d’âge était plus élevée mais, ces dernières années, il y a un rajeunissement des bénévoles » reconnaît Pierre, qui gère l’Auberge des migrants.
Cet été, pourtant, Utopia 56 n’a pas manqué de bonnes volontés. Les vacances scolaires ont permis à beaucoup d’étudiants venus des quatre coins de la France de donner de leur temps. Mais Pierre s’inquiète : « C’est toujours à à la fin de l’hiver ou à la fin de l’été que l’on arrive en pénurie de bénévoles. » Des Scouts de France sont également venus prêter main-forte à la WareHouse et ont fabriqué de petits réchauds à base de copeaux et d’huile de friture. Ceux-ci seront ensuite distribués aux exilés lorsque l’automne arrivera afin qu’ils puissent lutter contre le froid. A l’exemple de Jade, beaucoup de bénévoles passent d’une association à l’autre. Elle qui était depuis février à Utopia 56 est passée au Calais Food Collective. Ce collectif s’est mué en association et se penche sur l’accès à l’eau tout en distribuant des denrées sèches, cuisinables sur les différents campements de la ville. Son téléphone sonne, elle décroche et se tourne vers les autres bénévoles : « Merde, on s’est encore fait voler une cuve », peste-t-elle. Ce n’est pas la première fois.
Causes communes
En 2016 est née sur la grande « jungle » de Calais la Cabane juridique – au départ, une véritable cabane construite par Charpentiers sans frontières, dans laquelle étaient reçus les exilés nécessitant un accompagnement juridique. Désormais à cheval entre les locaux du Secours catholique et un local situé en centre-ville, l’association est le seul acteur juridique qui accompagne les hommes de plus de 18 ans. Un suivi qui leur permet avant tout de connaître leurs droits. Wela, l’une des membres de la Cabane juridique, assiste également à des audiences au centre de rétention administrative : « On veille au respect des procédures et on constate souvent des problèmes de traduction lors des audiences. La dernière fois, la traductrice était marocaine et l’homme, égyptien, ne comprenait pas le dialecte. »
Si la synergie est telle entre les structures, c’est grâce aux « interassos » qui ont lieu chaque semaine à Calais et à Grande-Synthe. Ce point hebdomadaire permet aux bénévoles et salariés des associations de décider du chemin à prendre sur tel ou tel sujet, de réfléchir sur des situations particulières, mais également de communiquer sur les réalités de terrain. Un moment important où les sensibilités de chacun peuvent s’exprimer et où les points de vue se confrontent.
Avec la rentrée, de nouveaux bénévoles apparaîtront sur les côtes, de Calais à Dunkerque. Si les associations commencent déjà à préparer l’hiver, elles sont conscientes qu’avant cela de nombreux passages en bateau vont rythmer leur automne, au gré des conditions climatiques favorables. Rien que ce dimanche 5 septembre, plus de 700 personnes ont traversé la Manche sur des petites embarcations.