Les associations dans le collimateur des pouvoirs publics ? Début 2023, c’est la Ligue des droits de l’Homme (LDH) qui faisait les frais du ministre de l’Intérieur après les événements de Sainte-Soline, puis de la Première ministre, dénonçant des « ambiguïtés face à l’islamisme radical ».
A l’automne, La Cimade, le Mrap et RESF étaient montrés du doigt après le meurtre du professeur Dominique Bernard à Arras. Rebelotte le 12 février dernier : la ministre de l'Egalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé, menaçait de couper les subventions aux associations féministes qui auraient tenu des « propos ambigus » sur l’attaque du Hamas du 7 octobre.
Face à l’accumulation des déclarations, le Mouvement associatif, qui rassemble près de 600 000 membres, appelle à de nouveaux rapports entre l'Etat et la société civile.
ASH : Pour quelles raisons exprimez-vous des inquiétudes ?
Mickaël Huet : Depuis la création du contrat d’engagement républicain (régi par un décret du 31 décembre 2021, ndlr), on voit monter une défiance envers le secteur associatif qui s’exprime notamment dans des prises de parole. La dernière en date étant celle d’un député LR de Mayotte qui déclarait : « Les associations humanitaires jouent un rôle considérable dans l'immigration massive. » Derrière ces propos, c’est un chantage à la subvention qui s’exerce. Or une subvention ne doit pas servir à valider une ligne politique mais un projet associatif visant l’intérêt général.
Qu’attendez-vous du gouvernement ?
Nous demandons à rétablir la confiance pour travailler ensemble. On doit pouvoir partager des points de vue différents dans un esprit de co-construction. Valorisons ce qui se passe dans le secteur associatif en France, plutôt que de le considérer comme un acteur dangereux. Plutôt que de pointer ses éventuelles défaillances.
En quoi le contrat d’engagement républicain (CER) joue-t-il un rôle dans cette défiance ?
Le CER a été pensé pour lutter contre l’intégrisme et éviter que le secteur associatif n’héberge des islamistes. Or, aujourd’hui, on l’utilise à d’autres fins, pour condamner, via un chantage à la subvention, des prises de position politiques, ou pour sanctionner les actes considérés déviants d’un membre associatif. Pour nous, Mouvement associatif, cela ne correspond pas à la loi de 1901 : la réunion d’individus autour d’un projet ne doit pas être remise en cause. Et la loi suffit à sanctionner le non-respect des règles de la République. On ne doit pas y ajouter une surcouche.
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Vous militez d'ailleurs pour la suppression du CER…
Oui. Le contrat d’engagement républicain réduit la liberté associative. Il oblige les associations à signer un contrat pour obtenir de l’autorité administrative une subvention. Laquelle peut en demander le retrait si elle juge que le contrat n’est pas respecté. Cette disposition met en difficulté les associations porteuses d’un engagement militant. Sont particulièrement concernées, dans le secteur social, les associations d’aide aux migrants.
Au CER, dont nous souhaitons l’abrogation, nous préférons la Charte des engagements réciproques. Celle-ci a été signée en février 2014 entre l’Etat, le Mouvement associatif et les collectivités territoriales. Elle reconnaît aux associations la capacité à contribuer à l’intérêt général et favorise les démarches de co-construction. Ce texte a donné lieu à des déclinaisons territoriales. Nous souhaitons qu’il se développe davantage et qu’il donne naissance à un texte de loi.
Le secteur social et médico-social compte de nombreuses associations gestionnaires. Comment garantir les libertés associatives dans ces conditions ?
Ces associations doivent être vigilantes quant à leur posture. Qu’elles agissent dans le cadre d’une réponse à la commande publique, elles demeurent des structures autonomes, à l’initiative d’un projet associatif. Elles doivent pouvoir porter un plaidoyer spécifique, ne pas être d’accord avec les pouvoirs publics, tout en travaillant avec l’Etat dans le cadre d’un appel à projets. Une association est un élément de la démocratie, né à l’initiative de bénévoles, autour d’un projet. On ne peut lui supprimer une subvention dès lors que sa position ne va pas dans le sens de nos politiques.