Il s’agit d’une « compilation » de données statistiques analysées. Publié le 28 novembre par l’Observatoire des inégalités, le premier rapport sur les discriminations en France souhaite rendre accessibles les recherches les plus significatives réalisées sur le sujet. Financé par une campagne participative, ce travail vient compléter les autres publications annuelles de l’Observatoire sur les inégalités, et sur les personnes riches.
« Les discriminations sont une atteinte à la dignité des personnes et aux valeurs de la République. Cela justifie en soi de réaliser un rapport sur ces données. Le problème étant que cela n’existait pas en France pour le moment, explique Louis Maurin, directeur de l’observatoire, lors d’une conférence de presse. Si vous allez sur le site de l’Insee et que vous tapez le mot ”discrimination” vous obtenez 62 résultats, si vous tapez “pouvoir d’achat”, vous en avez 2 600. Je ne sais pas si la seconde question est plus importante que la première, mais la disproportion me semble manifeste. »
En préambule, les auteurs du rapport rappellent que les critères de discrimination peuvent se combiner et que certaines personnes subissent dans le même temps des inégalités sociales.
Violences subies
- Plus de 500 000 personnes déclarent avoir été victime d’une injure raciste. 12 500 crimes et délits racistes sont répertoriés en 2022, « un chiffre en hausse ces cinq dernières années », d’après le ministère de l’Intérieur.
- En 2020, environ 200 000 crimes et délits à caractère sexiste ont été enregistrés par les forces de l’ordre.
- On dénombre 2 400 crimes et délits anti-LGBT en 2022.
En revanche…
- Les Français sont moins racistes qu’auparavant. Lorsqu’on les interroge, 60 % déclarent n’être « pas du tout racistes ». C’est deux fois plus qu’au début des années 2000.
- La part des personnes sexistes et homophobes recule également. Aujourd’hui, 85 % de la population considère que l’homosexualité est « une manière comme une autre de vivre sa sexualité », contre 67 % il y a 20 ans.
Le premier Rapport sur les discriminations en France est disponible !
— Observatoire des inégalités (@Obs_ineg) November 28, 2023
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« La société évolue vers plus de tolérance, mais les formes les plus violentes de discrimination et de rejet ne semblent pas diminuer », résument les auteurs du rapport qui voient un élément d’explication dans la sensibilisation grandissante de la population à ces sujets de société. Des actes auparavant invisibilisés sont en effet aujourd’hui plus souvent mis en lumière et recensés.
« Les violences sexistes racistes, homophobes sont de plus en plus dénoncées. Cela fait monter les chiffres des déclarations. Mais ces plaintes auprès de forces de l’ordre ne mesurent que la pointe de l’iceberg », estime Anne Brunner, directrice des études au sein de l’observatoire. Selon elle, les enquêtes portant sur le « sentiment de discrimination » qui sont menées sur l’ensemble de la population permettent de mieux « repérer l’amplitude massive du phénomène ».
18 % des personnes de 18 ans à 49 ans rapportent ainsi avoir subi une discrimination au moins une fois au cours des cinq dernières années, selon une étude de l’Ined et de l’Insee. Le chiffre grimpe à 28 % pour les descendants d’immigrés et 32 % pour les personnes nées en outre-mer.
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Discriminations et traitements défavorables
- Les immigrés venus d’Europe et leurs descendants enregistrent un taux de chômage légèrement supérieure la moyenne française, 7,9 %, contre 6,8 %. L’écart est bien plus important chez les immigrés venus d’Afrique et leurs descendants, dont 15 % des actifs sont en recherche d’emploi.
- En 2018, 29 % des personnes handicapées sont « pauvres en conditions de vie » et subissent des privations matérielles, selon l’Insee, contre 12 % pour l’ensemble de la population.
- Les personnes étrangères recevant l’aide médicale d’Etat (AME) ont 23 % de chances en moins d’obtenir un rendez-vous chez le médecin que les autres malades.
- Lors d’un processus d’embauche, un candidat au nom français a 50 % de chances supplémentaires d’être recontacté par rapport à un candidat portant un nom maghrébin, montrent des opérations de testing.
Dans le bon sens
- Il n’existe pas de discrimination envers les femmes lors de la première phase de recrutement d’un processus d’embauche. Celles-ci apparaissent même favorisées quand elles sont qualifiées et qu’elles postulent à des postes d’encadrement (28,5 % contre 20,4 % pour les hommes), selon un testing réalisé par l’Institut des politiques publiques (IPP). A contrario, pour des métiers peu qualifiés, les chances d’être rappelées par l’employeur sont inférieures à celles de leurs homologues masculins.
- Les candidats résidant dans des quartiers défavorisés n’apparaissent plus discriminés à l’embauche, selon les derniers testings réalisés.
Si ce rapport a « vocation à devenir une référence » sur le sujet des discriminations, Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités, appuie sur la nécessité de renforcer le système actuel « d’information de la statistique publique ». « C’est à cette seule condition que l’on pourra réellement comprendre les discriminations et les manières dont elles s’articulent avec les inégalités sociales. Un impératif pour mettre en œuvre des politiques adaptées. »
>>> Lire aussi notre article : Inégalités : une note pour mesurer les discrimination