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Marcher au pas pour prévenir la délinquance ? « L’autorité ne s’impose pas, elle se reconnaît » (2/2)

Nacim Arris est directeur général de l'association Oser, un réseau qui regroupe les structures habilitées aide sociale à l'enfance, organisatrices de séjours dits « de rupture », en France et à l'étranger. 

Crédit photo DR
[C'EST EN DÉBAT] Après avoir appelé à un « sursaut d’autorité » lors d'un déplacement à Viry-Châtillon (Essonne), où un adolescent avait été battu à mort, le Premier ministre Gabriel Attal a présenté lundi 22 avril son plan de lutte contre la « violence des mineurs » depuis un lycée expérimental niçois. Ce nouveau programme pour élèves décrocheurs propose un « stage de rupture » en internat, avec levée de drapeaux. L’an dernier déjà, le ministère de la Justice généralisait les parcours d’inspiration militaire pour les volontaires en centre éducatif renforcé (CER). Cette méthode est-elle une solution pour les mineurs de l’ASE ou ceux de la PJJ qui seraient sur « la mauvaise pente » ?    Nacim Arris, directeur général de Parcours Bonkoukou et cofondateur de l’association Oser (Organisateurs de séjours éducatifs dits de rupture), estime qu'il y a d'autres voies éducatives pour rétablir l'autorité.

 

Je comprends les projets d’inspiration militaire qui visent à redonner de la rigueur, un cadre et des notions de citoyenneté indispensables à la vie en société. Nous pouvons avoir les mêmes finalités, mais sans une conception de l’ordre ou de l’autorité par la coercition. Il est possible d’acquérir autrement l’assise permettant de faire société. Les différentes structures qui composent l’association Oser (Organisateur de séjours éducatifs dits de rupture) promeuvent une autre vision de l’humain, une autre écoute de la souffrance de ces jeunes en grande difficulté.

A Parcours Bonkoukou, établissement autorisé par le département de l’Essonne que j’ai créé en 2008, les jeunes partent au Bénin pendant neuf mois minimum. Ils sont encadrés par une équipe pluridisciplinaire. Et ce sont la relation à l’autre et la dynamique interculturelle qui permettent de les remobiliser.

Une autre réalité

La recherche permanente d’adhésion est essentielle – avec le jeune, mais aussi avec les partenaires : la famille, l’aide sociale à l’enfance, la protection judiciaire de la jeunesse. Si un jeune a décidé de tout renverser, le projet éducatif fondé sur des méthodes militaires n’y changera rien. Les mineurs en situation complexe ont souvent une sacrée expérience des encadrants : ils maîtrisent très bien le système, quel qu’il soit, savent provoquer les failles et les trouver. Ils adhèrent puis remettent en cause. D’où l’importance de proposer un accompagnement sur-mesure, dans la durée et dans un lieu correspondant à la problématique de la personne.

>>> A lire aussi: Que contient le plan Borne pour « rétablir l'ordre »

L’ambiance des séjours à l’étranger n’est pas militaire, mais les règles – expliquées en amont – peuvent être strictes : ni téléphone, ni jeux vidéo, ni cigarettes, ni drogue, ni sexe… Face à la frustration qu’elles provoquent, certains, décontenancés par cet univers différent de leur quotidien, veulent rentrer en France. Mais il n’y a pas de marche arrière possible : ils ont signé pour neuf mois minimum. Les trois premiers se passent en immersion dans des villages partenaires, avec un éducateur. Le jeune peut être scolarisé, faire des stages en entreprise, des chantiers micro-solidaires… Au contact de la population, il voit une autre réalité. Il vit les situations et les ressent, sans qu’il y ait besoin de parler. Les mots viendront au fur et à mesure du vécu.

Image positive

L’immersion permet de relativiser les souffrances de son parcours. Mais aussi, par l’aide qu’il apporte aux travaux agricoles ou à l’alphabétisation, de retrouver une utilité sociale et une image positive de soi. En quittant la France, on se rend compte de sa citoyenneté. On apprend à ne plus être dans le consumérisme, à retrouver un rythme et de la rigueur.

L’autorité ne s’impose pas, elle se reconnaît. L’altérité comme le respect se construisent à travers une relation, des belles rencontres. Et c’est tout l’intérêt de l’éloignement. Les jeunes changent de perspectives. Souvent, au retour, beaucoup ne souhaitent pas retourner dans leur environnement social d’origine, de peur que lui n’ait pas changé… 

Nacim Arris, directeur général de Parcours Bonkoukou et cofondateur de l’association Oser (Organisateurs de séjours éducatifs dits de rupture)

 

>>> Sur le même sujet, la position de Geoffrey Hodicq, président de la Fondation Résilience: « Face à un militaire, un respect naturel s’instaure » (1/2)

Société

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