S’inspirer de méthodes militaires ne signifie pas établir des grades et se mettre au garde à vous. Un jeune sans cadre, qui ne croit pas aux lois de la République, ne va pas devenir respectueux parce qu’on lui impose ces règles. Il ne s’agit pas d’être dans la surenchère militaire, frontale, mais de proposer un autre regard – bienveillant et cadrant – et de repartir de l’essentiel : le « vivre ensemble », les valeurs, le respect.
>>> A lire aussi: Que contient le plan Borne pour « rétablir l'ordre »
A la Fondation Résilience, que j’ai cofondée en 2023, d’anciens militaires, blessés ou non, qui veulent servir la société, s’engagent pour accueillir ces jeunes lors de stages de rupture. La plupart, mineurs, sont orientés par l’aide sociale à l’enfance ou la protection judiciaire de la jeunesse. D’autres, âgés de 17 à 25 ans, sont intégrés au sein d’un établissement pour l’insertion dans l’emploi (Epide). L’accueil peut durer un jour comme un mois, être individuel ou collectif, encadré ou non par des éducateurs. Il comporte cinq étapes.
1. La rencontre. Elle permet de créer du lien avec le jeune, de comprendre ses besoins pour mieux travailler avec lui. La prière est son besoin ? Il pourra la faire lors d’un temps déterminé. Ayant respecté le souhait du jeune, je lui exprime mon besoin et lui demande de respecter la montée des couleurs le matin. On doit lui faire comprendre que nos exigences s’inscrivent dans un chemin d’insertion avec un respect mutuel.
2. La découverte de soi. Le jeune est invité à travailler auprès d’organismes comme une maison d’accueil rural pour personnes âgées (Marpa). Seul objectif : être acteur, s’intéresser et respecter les autres.
3. Le dépassement. En organisant un raid, souvent en montagne, le sac chargé, avec des activités multiples comme la marche, le kayak ou la via ferrata, les jeunes travaillent l’effort et le mérite. Cette phase peut susciter des moments difficiles, faire craquer certains jeunes. On monte alors le bivouac et on discute autour du feu, chacun se livrant sur son parcours, pour favoriser la reconstruction.
4. La valorisation. Le jeune doit être acteur de son parcours. En randonnée, il choisira l’itinéraire, prendra la carte… Chez un partenaire, il participera aux activités et aidera à leur organisation. Lorsque la fondation travaille avec l’Adapei de l’Ain, la rencontre entre les jeunes qu’on accompagne et ceux en situation de handicap mental permet aux premiers de relativiser leurs difficultés et aux seconds de devenir aidants.
5. Le bilan. Lors d’un tête-à-tête, on évalue les compétences acquises, non pas ses problématiques précédentes. On fixe les étapes de travail pour parfaire certains points.
Dans tous les cas, l’enjeu consiste à comprendre le traumatisme, à travailler dessus pour développer des capacités de résilience. La force de nos encadrants est d’avoir vécu un traumatisme : ils savent en détecter les sources. Ils sont aussi aguerris mentalement : ils savent ne pas réagir à l’agressivité et laisser passer la vague. Et quand un jeune en rupture est face à un militaire, à un guerrier passé par des moments difficiles, un respect naturel s’instaure.
Geoffrey Hodicq, président de la Fondation Résilience
>>> Sur le même sujet, la position de Nacim Arris, directeur général de Parcours Bonkoukou et cofondateur de l'association Oser: « L'autorité ne s'impose pas, elle se reconnaît » (2/2)