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Les acteurs sociaux dubitatifs après le discours de François Bayrou à l’Assemblée

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Si François Bayrou s'est engagé sur une trajectoire de réduction de la dette de l'Etat à 3% d'ici 2029, les coups de rabot sur le futur budget 2025 devraient être plus limités que ceux prévus dans les PLF et PLFSS préparés par l'ex-gouvernement Barnier.

Crédit photo AFP
Faute de propos clair sur les solidarités, la déclaration de politique générale de François Bayrou du 14 janvier n’a pas convaincu les acteurs du secteur social. Absence d’un ministère de l’Enfance, insuffisance des financements d’Etat aux collectivités et employeurs du champ sanitaire, social et médico-social, craintes sur le modèle de solidarité « à la française » ou risque d’un effet stop-and-go sur la politique du logement… les réactions vont presque unanimement dans le sens d’un appel à la vigilance des acteurs.

« Il y a une injonction que le pays nous assigne : retrouver la stabilité ». Durant la presque heure et demie passée à la tribune de l’Assemblée Nationale dans le cadre de sa déclaration de politique générale du 14 janvier, François Bayrou l’aura martelé à plusieurs reprises : dans un contexte marqué par un fort ralentissement de la croissance, l’action de son gouvernement sera prioritairement tournée vers la résorption de la dette du pays avec, en ligne le mire, l’objectif de passer sous le seuil des 3% de déficit d’ici 2029.

Des coups de rabot moins draconiens?

Pour autant, si le nouveau locataire de Matignon s’inscrit, sur le plan budgétaire, dans les pas de ses deux prédécesseurs, le programme d’économies à l’agenda devrait se révéler moins draconien que celui préparé par les équipes de Michel Barnier, puisqu’avec un seuil de déficit à atteindre en 2025 fixé à 5,4% (contre 5% pour le précédent gouvernement), l’Etat réduit le coup de rabot attendu sur les PLF et PLFSS 2025 d’environ 12 milliards d’euros.

Pas de quoi pavoiser pour autant : la réduction de la dépense publique d’environ 32 milliards – couplée à une hausse des recettes fiscales de 21 milliards - demeurera l’un des leviers à la main de la nouvelle équipe gouvernementale comme l’a confirmé la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin au matin du 15 janvier.

Manque de "vision claire"

Toutefois, malgré cette promesse d’adoucissement de la cure d’austérité attendue, les acteurs du secteur social seront restés sur leur faim à l’issue de ces presque 90 minutes de déclaration de politique générale. A l’exception de quelques généralités -poursuite de l’objectif de lutte contre le surendettement, maintien de la santé mentale comme grande cause nationale 2025, accroissement du rôle de la société civile, via le Conseil économique, social et environnemental, dans le processus de décision publique, relèvement de l’Ondam destiné à financer les établissements sanitaires et médico-sociaux…-, les annonces en direction du secteur auront été quasi-inexistantes.

Une absence de cap relevée par l’Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss) qui, dès le lendemain du discours du Premier ministre, déplorait le manque de « vision claire » pour le champ des solidarités. Handicap, grand âge, politique de l’enfance, logement, hébergement, moyens accordés à France Travail pour la mise en œuvre de la généralisation de l’accompagnement renforcé du RSA… le flou règne encore sur les grandes orientations du gouvernement Bayrou en matière de politique sociale. Et, dans ces conditions, « à force de repousser le débat nécessaire sur ce à quoi la République s’engage et comment elle le finance, nous voyons se rapprocher une situation où les défauts d’accompagnement deviendront la norme », redoute l’Union.

>>> A lire aussi: Uniopss : « L’austérité dans le champ des solidarités serait un non-sens politique, économique et social »

Réduction des dépenses 

Corriger cet « oubli » des politiques de solidarité dans l’orientation gouvernemental, c’est également l’adresse du Collectif Alerte – tout récemment rejoint par l’association Territoire zéro chômeur de longue durée (TZCLD) – au nouveau locataire de Matignon. « Le Baromètre des Territoires 2025 d’Elabe, paru hier, rappelle que plus de 90 % des habitants du pays expriment leur attachement au modèle de solidarité à la française. Face à l’inflation, 76 % des Français ont réduit les dépenses non essentielles, avec « des sacrifices plus importants » pour les plus modestes. Quelque 23 % ont ainsi dû recourir aux aides alimentaires. Le gouvernement doit construire des réponses avec la société civile face à l’urgence sociale », rappelle le collectif, appelant à une rencontre prochaine avec François Bayrou « afin de lui partager (…) constats et propositions ».

Vigilance sur les dotations d'Etat

Du côté des Départements de France, principaux financeurs des politiques d’action sociale sur les territoires, la « vigilance » est de mise.

Si le budget préparé par l’ancienne équipe gouvernementale de Michel Barnier avait préservé – et même augmenté - les budgets destinés au financement de l’autonomie, la baisse drastique des dotations d’Etat aux collectivités départementales (initialement de l’ordre de 2,2 milliards, finalement ramenée à 958 millions euros par le Sénat lors de l’examen du précédent projet de budget) associée à une réduction des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) qui constituent désormais la seule ressource fiscale à la main des départements, avait tendu les relations entre ces collectivités et Matignon. Au point de pousser les départements à adopter une motion de défiance unanime vis-à-vis de l’exécutif lors de leurs assises nationales de novembre 2024.

Bonne nouvelle : le gouvernement Bayrou devrait repartir de la copie amendée par les sénateurs pour construire son budget 2025. En outre, la rencontre entre les élus des Départements de France et la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et de la Famille Catherine Vautrin le 13 janvier s’est achevée sur la promesse d’associer davantage ceux-ci à la décision publique.

>>> Pour compléter: Catherine Vautrin entrouvre la porte d’un nouveau dialogue avec les départements

De quoi éviter « l’asphyxie » financière redoutée par les collectivités et les acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS), alors que la question des revalorisations salariales au titre du Ségur de la Santé n’est qu’imparfaitement engagée faute de fonds nécessaires ? L’Udes, la confédération des employeurs du secteur, espère que oui. « Il est impératif d'éviter toute dynamique qui contraindrait les employeurs de notre secteur à gérer des plans sociaux de grande ampleur, mettant en péril des milliers d'emplois et de services essentiels aux citoyens. L'ESS joue un rôle stratégique dans la cohésion économique, sociale et territoriale et doit bénéficier d'un soutien adapté pour remplir pleinement sa mission d'intérêt général », plaide l’organisation patronale.

>>> Lire également: PLF 2025 : l’Union des employeurs de l'ESS réclame un "orange budgétaire"

L'enfance oubliée? 

L’absence de tout discours en faveur de l’enfance, notamment en danger, à l’heure où la question des familles ne fera que l’objet d’un Haut-commissariat dédié plutôt que d’un ministère de plein exercice, a également fait tiquer.

A commencer par l’Unicef, qui exprime ses inquiétudes quant au danger de voir revenir dans le débat public le projet initialement porté par Gabriel Attal sur la restauration de l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs familles. Face à ce risque, l’association « renouvelle ses alertes sur les risques d’une révision de l’atténuation de la peine pour les mineurs ou de la comparution immédiate dès 16 ans ».

>>> A lire aussi : De la communication en attendant le haut-commissaire…

Du côté du Groupe national des établissements sociaux et médico-sociaux (GEPSo), on regrette également l’absence d’un ministère dévolu à la question de l’Enfance. « Alors que les rapports sur la protection de l’enfance s’accumulent et que nous ne cessons d’alerter sur sa situation alarmante, nous avons besoin plus que jamais d’une réponse politique si nous ne voulons pas que de nouveaux drames ne surviennent », fait savoir le groupe qui, à son tour, demande une entrevue avec le nouvel exécutif sur cette question de l’enfance, mais aussi sur celle du handicap ou du médico-social en général.

>>> En complément: La Dynamique pour les droits des enfants interpelle Emmanuel Macron

Crise du logement social

Et puis, il y a ceux en attente d'engagements financiers, à l’instar d’Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale de l’Habitat (USH), qui espère que l’absence de la question du logement dans le discours de politique générale de François Bayrou ne traduit pas la « méconnaissance de l’ampleur de la crise dont nos concitoyens modestes sont les premières victimes ». Le Mouvement HLM, pour sa part, espère « la concrétisation des mesures évoquées ces derniers mois, qu'il s'agisse de la baisse du taux du Livret A, de la baisse annoncée de la réduction de loyer de solidarité, du soutien à la rénovation et à la décarbonation du parc social ».

>>> Sur ce sujet: Pourquoi la rénovation énergétique des HLM est-elle mise à l’arrêt ?

 

 

 

 

 

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