Tomasz, 48 ans, mort dans la rue à Tremblay-lès-Gonesse, Yazid, 56 ans, mort dans la rue dans le 12e arrondissement de Paris, Aurel, 63 ans, mort dans la rue à Toulon, Nathalie, 52 ans, morte dans la rue en Charente-Maritime, Gaël, 24 ans, mort dans la rue dans le Vaucluse.... La liste semble sans fin. En 2023, 735 sans domicile fixe sont décédés, faute de toit où s'abriter.
Mais bien plus que d'énoncer un froid constat chiffré, le CMDR, qui a présenté le 30 octobre son 12ᵉ rapport, souhaite avant tout marteler son leitmotiv : « la rue tue ». Elle abrège les vies de plusieurs décennies. Car, loin d’être une question d’arithmétique, ce dénombrement s'attache à effleurer les consciences, et lutter contre « l’indifférence sociétale croissante envers les plus démunis », face à « un problème sociétal ».
Nombre de décès record en 2023
En 2023, au moins 826 personnes sans domicile fixe, ou ayant connu la précarité dans leur vie, sont décédées en France, un chiffre en hausse par rapport aux années précédentes. Parmi elles, 735 personnes étaient encore sans logement au moment de leur mort, contre 624 personnes en 2022. Des statistiques qui illustrent la dangerosité croissante de la vie dans la rue. Avec une durée de vie moyenne de ces personnes de 48,8 ans, soit 31 ans de moins que la population générale.
La vieillesse précoce des sans-abris
La rue use rapidement les individus, les rendant plus vulnérables aux maladies et aux accidents. Les chiffres du CMDR révèlent que 46 % des décès concernent des personnes âgées de 46 à 65 ans, contre seulement 11 % pour la population générale. À l’inverse, les plus de 65 ans ne représentent que 1 % des décès de sans-abri, alors qu’ils constituent 86 % de la mortalité en population générale. Ecart démesuré qui continue à s’accentuer : "En 2019, les personnes sans chez-soi décédées et recensées par le CMDR avaient 50 ans en moyenne contre 79 ans en population générale".
>>> à lire aussi : Lyon : ce que disent les familles à la rue
Des décès majoritairement masculins et mal documentés
86 % des personnes décédées étaient des hommes, une tendance légèrement en baisse par rapport aux années précédentes. Les femmes représentent quant à elles une part très minoritaire, bien qu’en légère augmentation. Autre sujet de préoccupation, l’incertitude autour des causes de décès : 59 % restent indéterminées, limitant ainsi l’analyse et la prévention de la mortalité de cette population fragile.
>>> à lire aussi : « Un recensement annuel des sans-abri rendrait le sujet davantage visible » (Ayda Hadizadeh)
Les conditions de décès : entre accidents, violences et maladies
Parmi les décès dont la cause est identifiée, 22 % sont liés à des causes externes, incluant les accidents de transport (5 %), les agressions (5 %) et les suicides (3 %). Les maladies cardiovasculaires, bien que stables, représentent 8 % des décès, tandis que les cancers sont en baisse (4 %). La mortalité des sans-abri est marquée par une forte proportion de décès violents, un contraste frappant avec la population générale où les décès sont majoritairement dus à des causes naturelles.
Un suicide omniprésent chez les jeunes
L’isolement social, la précarité et l’absence de soutien augmentent considérablement les risques de suicide, surtout chez les jeunes et les adultes d'âge moyen. Les données du CMDR montrent que les personnes vivant dans des structures d’hébergement ou en couple sont moins touchées par le suicide, illustrant l’importance du lien social pour cette population.
Les trajectoires de vie marquées par la rupture et l’errance
De nombreuses personnes sans-abri vivent des parcours de vie chaotiques, souvent ponctués de ruptures familiales et de violences subies dès l’enfance. En 2023, 46 % des sans-abri décédés avaient vécu une période d’errance de plusieurs années, certains étant sans logement stable depuis plus de dix ans. Les maladies chroniques et les troubles psychiatriques, en hausse, fragilisent davantage leur situation.
Un problème sociétal et non une fatalité
Pour le CMDR, « mourir sans-abri n’est ni un accident ni une fatalité ». C’est le résultat d’un problème sociétal majeur. Il appelle à « une prise de conscience politique urgente pour que le droit au logement devienne une priorité, conformément aux recommandations des Nations Unies, pour protéger le droit à la vie et à la dignité humaine ».
Du 1er janvier 2024 au 18 septembre 2024, le collectif compte déjà 486 personnes mortes dans la rue.
>>> à lire aussi : Hébergement d’urgence : les 5 infos à retenir du rapport de la Cour des comptes