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« La société civile doit être à même d’apporter l’apaisement » (Daniel Goldberg)

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portrait de Daniel Goldberg - Président de l'UNIOPSS

Daniel Glodberg est président de l'Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux) depuis 20222. Il a été député socialiste de la Seine-Saint-Denis de 2007 à 2012, puis de 2012 à 2017.

Pour Daniel Goldberg, président de l’Uniopss et ancien député, il appartient aux groupes républicains de la nouvelle Assemblée nationale d’aller chercher des majorités de circonstance pour mettre en place les politiques structurelles de solidarité au lendemain du second tour des législatives. 

ASH : Que peut attendre le monde associatif dans cette période politiquement incertaine ?

Daniel Goldberg : En premier lieu, l’Uniopss, sans s’être montrée partisane, n’est pas restée neutre dans ce scrutin. Nous nous sommes résolument inscrits dans l’opposition aux positions du RN concernant la remise en question du droit du sol, la préférence nationale ou les atteintes aux droits de nos concitoyens binationaux. Il n’a pas été question de se positionner en faveur d’un parti politique en particulier, mais au vu des déclarations de certains candidats du Rassemblement national qui ont pu émerger dans l’entre-deux-tours, nous avons accueilli les résultats de dimanche soir avec un certain soulagement.

 >>> Lire aussi : Lettre ouverte aux acteurs des solidarités et aux personnes accompagnées tentés par l’extrême-droite

Une fois ceci dit, tout reste désormais à faire car les raisons profondes de l’angoisse et du désespoir qu’ont pu exprimer un grand nombre de Français en votant pour le parti de Jordan Bardella sont toujours bien présentes. Pour beaucoup, elles sont dues à l’absence de politiques publiques suffisamment à la hauteur dans des domaines où, justement, le secteur associatif est très présent, comme l’éducation, la sécurité, les solidarités, la protection de l’enfance, le handicap ou le grand âge. Il appartient désormais aux députés relevant de l’arc républicain – et j’y inclus les trois quarts de la nouvelle Assemblée nationale – d’y apporter des réponses.

Pour cela, l'Assemblée doit retrouver tout son rôle dans nos institutions. Le Parlement doit légiférer, le Président présider et le gouvernement gouverner. Ces différentes fonctions ont été un peu malmenées ces dernières années et cela ne date pas forcément de l’élection d’Emmanuel Macron en 2017. Cela avait commencé bien avant. Aujourd’hui, l’Assemblée nationale est séparée en trois blocs principaux, alors il va falloir faire avec et les parlementaires vont devoir trouver des majorités de circonstances pour mettre en place sans attendre les politiques structurelles dont le pays a besoin et pour lesquelles les réponses apportées jusqu’à présent n’ont pas été du tout à la hauteur. Sur la protection de l’enfance, par exemple, qui constitue un secteur en crise par insuffisance de moyens. Ou sur le handicap. Le comité interministériel qui s’est réuni en mai dernier a permis de dresser une feuille de route et de faire avancer certains dossiers, mais il reste encore de nombreux angles morts, notamment en matière de scolarisation et d’accompagnement des jeunes en situation de handicap. 

Et nous n’oublions pas non plus que la priorité de la nouvelle Assemblée va être de préparer les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2025. Un travail parlementaire qui, normalement, débute un peu avant l’été. Emmanuel Macron vient de refuser la démission de Gabriel Attal et lui a confié la tâche de gérer les affaires courantes jusqu’à ce qu’une majorité se dégage. J’espère que cette phase de transition ne durera pas trop longtemps car nous sommes déjà au mois de juillet et les JO qui s’annoncent vont mettre le travail politique en pause durant quelques semaines supplémentaires… Or nous aurons besoin d’un budget pour 2025 ! Sera-t-il possible de le boucler dans les temps ? Qui l’appliquera ? Ce sont des questions qui se posent. Et la société civile organisée doit pouvoir faire entendre sa voix afin que le gouvernement et le Parlement en tiennent compte.

La France ayant été épinglée par l’UE pour son déficit excessif par rapport au pacte de stabilité, il est assez probable que le prochain budget se révèle serré. Comment le monde associatif se prépare-t-il à jongler avec ces contraintes ?

C’est aux décideurs d’assumer leurs politiques publiques. Il n’appartient pas aux présidents d’associations d’expliquer à une personne âgée en perte d’autonomie, à un jeune placé sous le régime de la protection de l’enfance ou à un enfant en situation de handicap qu’ils ne pourront pas être accompagnés par manque de budget. Si les pouvoirs publics estiment que nous coûtons trop cher, qu’ils reprennent la main sur nos activités, ouvrent les services publics nécessaires et nous remplacent par des fonctionnaires. Mais que l’on ne nous reproche pas un manque d’efficacité : l’action associative fait au mieux avec l’argent public dont elle dispose. Une chose est certaine cependant : elle ne peut pas répondre seule à l’ensemble des besoins. Prenons l’exemple du récent accord sur le « Ségur pour tous » dans la branche associative, sanitaire, sociale et médico-sociale (Bass). Seules, les associations n’auront pas les moyens de payer les augmentations nettes mensuelles de 183 € accordées à tous les salariés et l’on voit déjà les départements qui renâclent à débloquer les fonds nécessaires, quitte à mettre en danger financièrement les structures associatives ! Ce n’est pas à nous de porter le poids de cette responsabilité budgétaire. Les nouveaux décideurs publics sortis des urnes doivent prendre leurs responsabilités et sécuriser les financements indispensables à l’accomplissement de nos missions.

>>> Lire aussi : Revalorisation salariale dans la Bass : l’Uniopss demande une sécurisation des financements publics

Pensez-vous que le futur gouvernement devra maintenir un « super-ministère » du Travail, de la Santé et des Solidarités ?

Tout dépend de la personne qui l’occupera. Catherine Vautrin le pouvait car elle disposait des connaissances et des capacités à mener ces différents dossiers de front. Ce qui comptera, surtout, c’est d’assurer une certaine continuité dans les politiques publiques qui seront menées. Si je prends le périmètre des seules solidarités, nous avons compté, rien que ces vingt derniers mois, quatre ministres différents – en y incluant Damien Abad, même s’il n’y est resté qu’un mois – ce qui laisse peu de temps pour véritablement s’installer et s’emparer des sujets si on compare avec leurs homologues nommés à des portefeuilles régaliens ou liés à la sphère économique. On a un peu le sentiment que les ministères sociaux ont surtout été attribués afin de respecter les équilibres politiques internes à l’ancienne majorité. Ce qui m’intéresserait à l’avenir, c’est que ce portefeuille et son périmètre soient stabilisés.

Les associations, organisations et syndicats ont-ils prévu d’adopter une expression commune ? L’hypothèse que le fondateur du pacte du « pouvoir de vivre », Laurent Berger, fasse son entrée à Matignon a été évoquée durant la campagne…

C’est justement parce que tous ces acteurs, syndicaux, sociaux ou environnementaux, estimaient être insuffisamment entendus qu’ils ont formé, en 2019, ce pacte qui compte désormais une soixantaine d’organisations membres ! Ensemble, nous avons porté plusieurs revendications et plaidoyers pendant toutes ces années. Devrons-nous davantage nous impliquer politiquement au cours des semaines, mois ou années qui viennent ? Le sujet devra être discuté entre membres. Nous sommes tous conscients que nous assistons à un remodelage inédit du paysage politique français et que ce paysage aura besoin d’apaisement. La société civile doit être à même de l’apporter, sans empiéter sur le terrain des politiques.

 

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