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La CNCDH "choquée" par la situation humanitaire des migrants de Calais

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Dans un avis adopté jeudi 2 juillet en assemblée plénière, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) dénonce la "situation humanitaire extrêmement préoccupante" des migrants à Calais et dans le Calaisis. Alerté par plusieurs de ses membres au début du printemps, elle s'est autosaisie du sujet, souhaitant disposer d'un "constat objectif et impartial". A cette fin, elle a procédé à de nombreuses auditions et a réalisé, le 4 juin dernier, un déplacement à Calais. Verdict : "la délégation de la CNCDH été profondément choquée par les conditions inhumaines dans lesquelles les migrants tentent de survivre et par l'impasse dans laquelle se trouvent non seulement ces exilés mais aussi les autorités publiques, confrontées à des problèmes d'une particulière complexité". L'instance émet, en conséquence, un certain nombre de recommandations.
En guise de préambule, elle conseille au gouvernement "d'accorder toute l'importance qu'il se doit au savoir-faire des associations et à leurs propositions". Elles qui, souligne la commission, ont été contraintes, devant l'abstention des pouvoirs publics, de "remplir des missions relevant normalement de la compétence de l'Etat et des collectivités territoriales". Pour le reste, se défendant de tout angélisme et de toute naïveté, la CNCDH avance des propositions pour un meilleur respect des droits fondamentaux des migrants.

Assurer des conditions minimales d'existence

Une première série de recommandations concerne les conditions minimales d'existence, non respectées sur la lande mise à disposition des migrants par la commune et le conseil régional. Un lieu où la CNCDH a constaté une situation "indigne et intolérable" : un seul point d'eau pour près de 3 000 personnes, pas d'abris, pas de toilettes accessibles de 19 h à midi le lendemain, "aucune installation permettant une vie digne". L'instance a également visité le centre d'accueil de jour Jules-Ferry, ouvert depuis janvier dernier et calibré pour offrir des services à 1 500 personnes.
La CNCDH recommande notamment, conformément aux standards humanitaires minimums, l'installation en nombre suffisant sur la lande, et en tous lieux où séjournent les migrants, de points d'eau potable, douches et laveries - gratuits, accessibles 24 heures sur 24 et en nombre suffisant -, ainsi que de bennes de récupération des déchets avec ramassage quotidien. Au vu de l'urgence et dans l'attente de la réalisation des travaux, les pouvoirs publics devraient même mettre en oeuvre immédiatement des dispositifs provisoires de latrines et de distribution d'eau.
S'agissant plus spécifiquement du centre Jules-Ferry, la commission recommande, entre autres, que la distribution de repas - qui a lieu actuellement en fin d'après-midi et provoque de longues files d'attente - ait lieu plus tôt dans la journée et qu'elle puisse être faite rapidement. Les moyens de la structure gagneraient, à cet égard, à être augmentés.

Des demandeurs d'asile sans hébergement d'urgence

Calais et le Calaisis sont des lieux de transit. Les migrants qui y séjournent désirent bien souvent gagner le Royaume-Uni pour y demander l'asile. Mais la CNCDH encourage les efforts entrepris par les pouvoirs publics pour inciter ces publics à déposer une demande d'asile en France. L'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a par exemple réalisé des maraudes dans les squats et autres lieux de séjour des migrants, avant d'organiser des permanences dans un bureau dédié dans l'enceinte du centre Jules-Ferry. De même, la commission salue les efforts entrepris par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) pour traiter plus rapidement les demandes d'asile déposées par les migrants présents à Calais et dans sa région... en prenant le soin de préciser qu'ils ne doivent en aucun cas "nuire à un examen de qualité de la demande d'asile". L'instance consultative recommande également l'organisation régulière de missions foraines par l'OFPRA à l'égard de toutes les nationalités présentes. "Cela contribuera à installer durablement une 'culture de l'asile' à Calais et dans le Calaisis".
La commission relève par ailleurs qu'un grand nombre de personnes présentes sur la lande sont demandeurs d'asile placés en procédure prioritaire ou relèvent du règlement Dublin III. Or il ressort des auditions qu'un grand nombre de personnes appartenant à ces deux catégories de personne ne bénéficient pas à ce jour d'un hébergement et vivent "dans un état d'absolue précarité et de grande détresse humanitaire". Les dispositifs d'hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile et ceux relevant de l'hébergement social sont actuellement saturés, explique la CNCDH qui, en conséquence, "recommande instamment" aux pouvoirs publics de prévoir des financements pour renforcer leur capacité d'accueil. Dans cette attente, elle estime impératif de procéder immédiatement à la distribution de tentes, couvertures, matelas et fournitures pour le chauffage.

Dénoncer les accords liant la France et le Royaume-Uni

La commission recommande instamment la dénonciation des traités et accords administratifs bilatéraux conclus entre la France et le Royaume-Uni pour délocaliser les contrôles frontaliers britanniques dans les zones portuaires et ferroviaires françaises et renforcer les dispositifs de sécurité de ces dernières. "Leur mise en oeuvre aboutit en pratique à interdire aux migrants de quitter la France et à faire de Calais et de sa proche région une zone de concentration de personnes en exil", résume la CNCDH. Cet "enchevêtrement" d'arrangements, "largement en contradiction avec le droit de l'Union européenne, est extrêmement préoccupant dans la mesure où il conduit à faire de la France le bras policier de la politique migratoire britannique". Au passage, l'instance n'a pas oublié le versement de 15 millions d'euros sur trois ans - sur un "fonds d'intervention" -, consenti par le Royaume-Uni à la France en septembre dernier. Mais elle rappelle, à titre de comparaison, que l'installation du centre Jules-Ferry, à Calais, a nécessité cette année, à elle seule, un financement de 10 millions d'euros.
De leur côté, dans une déclaration commune, les ministres de l'Intérieur français et britannique ont, également le 2 juillet, affirmé leur volonté de "renforcer leur stratégie commune" concernant la situation migratoire à Calais, évoquant justement l'application "parfaite", à leurs yeux, de l'accord signé en septembre. Le fonds d'intervention devrait ainsi être réabondé pour, ont indiqué Bernard Cazeneuve et Theresa May, "permettre l'installation de dispositifs complémentaires indispensables afin d'empêcher l'accès au port par la plage et aussi pour sécuriser l'accès au tunnel sous la Manche".

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