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Droit au logement : « On redoute le rétablissement du délit de vagabondage »

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Jean-Baptiste Eyraud est fondateur et porte-parole de l'association Droit au logement (DAL) qui lutte contre le mal-logement et le sans-abrisme.

Porte-parole et fondateur du DAL, Jean-Baptiste Eyraud réagit à la nomination du nouveau ministre Guillaume Kasbarian. Si cette arrivée n’est pas une grande surprise, elle suscite de nombreuses inquiétudes.

Depuis près de 35 ans, le DAL (Droit au logement) n’a de cesse de dénoncer la précarité du logement et la spéculation immobilière. Quand il n’est pas dans le « camp de Solférino », installé depuis le début de l’année à deux pas du ministère et sous les fenêtres d’un grand immeuble vacant, ou aux côtés des mal-logés ou des sans-abri, son porte-parole Jean-Baptiste Eyraud partage avec les ASH sa crainte de voir des classes populaires de plus en plus précarisées et des loyers qui n'en finissent pas de flamber.

 

ASH : Comment réagissez-vous à la nomination de Guillaume Kasbarian ?

Jean-Baptiste Eyraud : Même si on s’en doutait un peu, c’est le coup de massue. Avant d’être député, Monsieur Kasbarian était conseiller en stratégie financière auprès des investisseurs, des gestionnaires d’actifs, tout un monde de la finance qui cherche les placements les plus rentables avec les taux d’intérêt les plus élevés. Aujourd’hui, ce milieu est touché par une crise immobilière, elle-même consécutive à la cherté du logement. Les milieux immobiliers n’arrivent plus à vendre – cela impacte les promoteurs, le secteur de la gestion locative, mais aussi les investisseurs – et cette crise touche à la fois le logement et le bureau, notamment en raison de la crise sanitaire et du développement du télétravail. On se retrouve avec 5 millions de mètres carrés de bureaux vacants en Ile-de-France. Le nouveau ministre du Logement est là pour redresser le marché immobilier et pour revenir à des taux de rentabilité satisfaisants. Il faut, une fois de plus, sauver le soldat promoteur.

Ce remaniement s’inscrit dans un contexte déjà très difficile…

Sa loi « anti-squat » va impacter durement les sans-abri, ceux qui n’ont pas d’autre solution pour se loger que de se planquer dans un logement vacant, un immeuble vide ou même dans des ruines. On leur promet trois ans de prison et une expulsion immédiate, si jamais ils occupent ces lieux plutôt que de crever dans la rue. Mais on assiste aussi depuis quelques temps a une fragilisation des statuts locatifs, surtout des ménages modestes. Il y a une paupérisation des locataires qui a comme conséquence logique une augmentation du nombre de sans-abri. Les gens dégringolent progressivement et finissent dans la rue. Certains n’arrivent même pas à remonter une marche pour trouver un hébergement ou une place chez un marchand de sommeil. La réponse des pouvoirs publics à cette crise ? Dégrader encore les conditions de logement des classes populaires, en les punissant si elles ne trouvent pas une alternative à la rue. On fait peser la responsabilité du coût du logement sur les épaules des plus pauvres, ceux qui subissent de plein fouet la situation.

Quels sont les plus grands risques de la politique annoncée ?

La remise en cause de la loi SRU [oblige les communes à construire au moins 25 % de logements sociaux, ndlr]. Mais il n’y a pas que cela, loin de là… Nous craignons que le gouvernement ne revienne sur l’encadrement des loyers, sur les normes de décence, sur la loi Dalo [instituant le droit au logement opposable, ndlr] et même sur le droit à l’hébergement. Toutes les lois portées par le parti Renaissance finissent pas se durcir à l’égard des classes populaires. On redoute le pire, c’est-à-dire la criminalisation des sans-abri et le rétablissement du délit de vagabondage. Toutes ces étapes amènent à une société qui rejette et nous annoncent des lendemains encore plus difficiles. Tous ceux qui défendent les locataires, les mal-logés, les sans-logis, tout le monde doit se mobiliser. Le jour où on sera 50 000 ou 100 000 personnes dans la rue, là y il aura un véritable rapport de force.

Quelles sont les mesures les plus urgentes à prendre ?

La réquisition des logements vacants pour les sans-abri, la baisse des loyers pour réduire la charge des locataires – surtout dans un contexte de baisse des APL – et la construction massive de logements sociaux. Il faut absolument agir sur les loyers : alors que les taux d’efforts des locataires étaient en 1973, selon l’INSEE, de 10 % en moyenne, ils sont aujourd’hui autour de 30 %. Et pour les ménages modestes en Ile-de-France, on est proche de 50 à 60 %. Il faut se rassembler là-dessus, parce que se loger est un problème collectif. Le logement cher n’est pas inéluctable.

 

>>> A lire aussi: Guillaume Kasbarian au logement: entre indignation et inquiétudes

 

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