Confier les clés des politiques sociales à chaque département tout en assurant une homogénéité entre les territoires, voilà en résumé tout l’enjeu de la décentralisation des actions mises en place au profit des personnes vulnérables. Concourant aussi bien à la protection de l’enfance, au revenu de solidarité active et aux aides aux personnes en situation de handicap et aux personnes âgées, elles mobilisent environ 10 % des dépenses consacrées à la protection sociale.
Tension permanente avec les objectifs de solidarité nationale
Dans une partie de son rapport annuel rendu public le 10 mars, la Cour des comptes s’est intéressée à cette décentralisation des politiques sociales. De par sa nature même, celle-ci fait intervenir plusieurs acteurs aux intérêts pas nécessairement convergeant. D’une part, l’Etat qui, en confiant une partie des clés aux territoires, entend permettre une mise en œuvre des dispositifs d’aide au plus près des bénéficiaires, tout en voulant conserver pleinement son rôle de financeur et de pilote national des politiques publiques. D’autre part, figurent tous les acteurs qui ont des compétences en matière d’action sociale, et en particulier les départements, qui ont des marges de manœuvre restreintes : « Les outils de coordination dont dispose le département, chef de file de l’action sociale, n’ont qu’une autorité et une portée pratique limitées », remarque les auteurs du rapport. Une situation qui génère une « tension permanente entre des objectifs de solidarité nationale et la mise en œuvre par les collectivités ».
Trois propositions pour une meilleure harmonisation
Les propositions de la Cour des comptes se résument en trois points. D’abord, elle appelle à une réforme du dispositif de financement des allocations individuelles de solidarité. L’idée : instaurer une dotation d’action sociale, répartie en fonction des dépenses constatées, d’objectifs contractuels, et d’une cible de dépenses restant à la charge des départements sur les autres ressources. Une sorte de dotation globale de fonctionnement, qui sert déjà au financement des collectivités territoriales, mais conditionnée à des objectifs.
Le rapport indique que si des disparités territoriales en matière d’accès aux prestations sont constatées, elles ne reflètent qu’en partie les différences entre territoires : « Certains écarts sont d’une ampleur telle qu’ils posent la question du respect d’un principe d’égalité de traitement des bénéficiaires et du maintien d’un socle de prestations uniforme sur l’ensemble du territoire national. » Typiquement, le taux d’accord des demandes d’allocation aux adultes handicapés (AAH) varie de 59 % en Haute-Savoie à 99 % dans la Creuse.
Ensuite, la Cour des comptes évoque une nécessaire rationalisation des outils de programmation. Elle suggère la mise en place de quatre schémas départementaux : protection de l’enfance, lutte contre la pauvreté, autonomie et handicap, lesquels seraient adoptés en concertation par les présidents des conseils départementaux et les représentants de l’Etat. « Une telle contractualisation permettrait d’aligner les interventions du département, de l’Etat, de ses opérateurs et des organismes de sécurité sociale, explique la Cour. Sans porter atteinte à la liberté de décision des autres collectivités territoriales, elle définirait le cadre dans lequel celles-ci pourraient prétendre à des cofinancements. »
Enfin, la Cour des comptes propose de définir des référentiels nationaux relatifs aux données, pour les principaux dispositifs d’aide sociale. Un référentiel commun qui devrait permettre de rendre les systèmes d’information des départements compatibles entre eux. Pour la Cour, le manque de données consolidées participe de ce deux poids, deux mesures selon les départements.