Des associations qui tirent de plus en plus la langue sur le plan financier et un modèle de financement par subvention à réinventer. C’est la problématique à laquelle propose de s’attaquer la commission de l’économie et des finances du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Dans un avis daté du 28 mai dernier, mais dont le rapport complet a été publié en ce mois de septembre, les deux conseillers Dominique Joseph, secrétaire générale de la Mutualité française, et Martin Bobel, vice-président du réseau national des ressourceries, offrent une vingtaine de pistes pour redonner un système de financement viable au secteur associatif.
Le constat des deux rapporteurs est clair : le modèle économique des associations est à bout de souffle, éreinté par deux décennies de turbulences. D’un côté, le secteur associatif souffre d’un désengagement continu des pouvoirs publics (la part des subventions dans leurs ressources avait diminué de 41 %, passant de 34 % en 2005 à 20 % en 2020), interrompu ponctuellement par quelques soubresauts occasionnels indirects ; de l’autre, le poids croissant de la réglementation européenne qui a ouvert son champ traditionnel à de nouveaux acteurs venus du privé lucratif. Et les quelques années d’inflation qu’a connu le pays au sortir de la crise pandémique n’ont rien arrangé.
"Une course incessante après les financements"
Conséquence : les acteurs associatifs, même ceux qui semblaient les mieux installés dans le paysage, souffrent d’une absence de financements adéquats. Le 18 septembre dernier, Séverine Ragon, directrice du développement et de l’offre de service d’APF France handicap, avouait, à l’occasion de la conférence de presse de rentrée de l’Uniopss, que son association, en dépit de sa présence historique sur le champ des solidarités, avait clôturé son exercice 2023 « avec un déficit structurel de 2,5 % de son chiffre d’affaires médico-social ». Une première dans son histoire. L’an dernier, c’étaient les Restos du Cœur qui tiraient la sonnette d’alarme, poussant même le secteur à interpeller la Première ministre d’alors, Elisabeth Borne.
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Cette crise du financement a poussé les associations à changer de braquet et à aller chercher des ressources soit du côté du secteur privé – en augmentant le tarif des cotisations ou en recherchant des entreprises mécènes –, soit en modifiant leur offre auprès des pouvoirs publics, pour pouvoir répondre aux appels à projets des collectivités publiques et de l’Etat. Sans y trouver pour autant la martingale nécessaire à la sécurité financière. « Il en découle une forme de ‘’gestionnarisation’’ et une course incessante après des financements de court terme qui pèse sur leur liberté d’action, leur indépendance ainsi que sur l’engagement des bénévoles », déplorent les auteurs du rapport.
2,5 % du budget de l'Etat consacré aux associations
C’est ce qui explique que dans ses préconisations, le Cese appelle clairement à un retour au système de subventions pour assurer la pérennité économique du modèle associatif. Il va jusqu’à préconiser que l’Etat consacre 2,5 % de son budget annuel à cette fin, dans le cadre d’une loi de programmation pluriannuelle de la vie associative.
Autres mesures en faveur de cette redéfinition du fonctionnement financier des associations : l’adossement de la notion d’« intérêt général » à sa définition européenne, afin d’extraire le marché des services associatifs des règles de la concurrence ; une mise à jour de la circulaire Valls (24 septembre 2015) sur les relations entre l’Etat et le secteur associatif, pour souligner la différence entre les notions d’intérêt général, dont relève le secteur associatif, et de « besoins de l’autorité publique ». Ce second terme implique de soumettre l’offre associative aux règles des appels d’offres publics où elle se retrouve en concurrence avec le secteur privé lucratif.
Un fonds de financement et de nouveaux emplois aidés
Au-delà du simple coup de pouce financier, le Cese réclame surtout la mise en place d’une véritable politique de soutien à long terme. Qui pourrait notamment passer la création d’un « Fonds national de mobilisation pour la vie associative », co-géré par des représentants des collectivités locales, de l’Etat et du monde associatif, dont l’abondement proviendrait de la rétrocession volontaire de tout ou partie des intérêts des livrets d’épargne, du relèvement des plafonds du régime du mécénat d’entreprise ou des fonds propres non libérables des fondations reconnues d’utilité publique.
Cette politique s’accompagnerait d’une réforme de la fiscalité des dons associatifs (le mécénat d’entreprise y serait transformé en crédit d’impôt), mais surtout par la création d’une nouvelle génération d’emplois aidés « d’utilité sociale et citoyenne » que le Cese imagine « de qualité et pérenne ». Autant de renforts pour un monde associatif qui ne parvient pas à combler la pénurie de main-d’œuvre, problème récurrent depuis la fin des « emplois d’avenir » en 2018.
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