Parmi les enfants scolarisés en France mais dont la langue maternelle est étrangère, la situation des jeunes âgés de 16 à 18 ans est bien singulière. C’est l’un des enseignements d’un rapport de la Cour des comptes sur la scolarisation des enfants allophones publié le 15 mars 2023.
L’obligation d’instruction, principe en vigueur en France, s’applique aux jeunes de 3 à 16 ans qui résident sur le territoire, et ce même si leur langue maternelle n’est pas le français. De 16 ans à la majorité, l’obligation d’instruction laisse place à une obligation de formation pour les jeunes qui ne sont pas en emploi.
Depuis la loi 2 août 1989 relative aux conditions de séjour et d'entrée des étrangers en France, les mineurs étrangers ne sont pas obligés de détenir un titre de séjour. Cependant, ils doivent en posséder un dès l’âge de 16 ans s’ils veulent travailler, suivre un stage professionnel ou s’inscrire à Pôle emploi.
La proximité avec la majorité, véritable coupure en droit des étrangers, place ces jeunes dans une situation délicate : « [Ils ont] souvent la volonté de trouver un travail le plus vite possible afin de se donner une chance supplémentaire de rester en France après 18 ans et d’envoyer une partie de leurs revenus à leur famille, relève la Cour des comptes. Leur inclusion dans un parcours de formation n’est donc pas forcément leur première priorité, même si une partie d’entre eux est très motivée pour ainsi mieux s’intégrer. »
Des dispositifs insuffisants
Les jeunes allophones, aux portes de l'âge adulte, préfèrent donc le travail à la formation pour des raisons de survie, et les dispositifs n’aident pas à les inciter à prendre des cours : la Cour des comptes les qualifie sévèrement de « récents, insuffisants et souvent peu inclusifs ». Le ministère de l’Education nationale admet même « une insuffisance de dispositifs adaptés pour les élèves d’âge du lycée et de petits niveaux scolaires », relève la Cour. Mission locale contre le décrochage scolaire (MLDS) ou unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants (UP2A), ces deux dispositifs ont chacun leurs défauts de prise en charge.
La situation globale est d’autant plus problématique que, comme le relève également le rapport, l’administration n’a pas une connaissance suffisante du nombre exhaustif d’élèves concernés. Le suivi statistique est très irrégulier depuis l’année scolaire 2012-2013, première année du quinquennat de François Hollande. Une tentative de rénovation de l’enquête est lancée en 2014-2015 : les académies sont soulagées de l’agrégation des données, dont elles avaient la charge jusqu’alors. Un changement de méthode qui n’a pas arrangé la solidité des statistiques : les chiffres n’ont pas été publiés pour l’année 2015-2016, ni pour 2019-2020. Les derniers chiffres, qui datent de septembre 2022, ne concernent que l’année 2020-2021…
Une mauvaise connaissance statistique des élèves allophones
Non seulement les chiffres remontent de manière très éparses mais, de plus, ils sont discordants et incomplets. Les rectorats disposent de chiffres pas toujours cohérents avec les statistiques nationales. En outre, relève la Cour, « les jeunes pour lesquels aucune démarche de scolarisation n’a été faite ne sont pas forcément identifiés et ne sont pas comptabilisés » et « les données ne permettent pas de distinguer l’instruction en famille de la non-scolarisation ».
De surcroît, les enfants de maternelle n'entrent pas dans le champ de l'enquête : « Dès lors que la scolarité est devenue obligatoire à partir de 3 ans, une extension aux enfants de 3 à 6 ans est indispensable », conclut la Cour sur ce point.
A partir du moment où la connaissance d’une catégorie vulnérable est limitée, il est difficile d’ajuster les politiques publiques…
Cour des comptes, La scolarisation des élèves allophones, mars 2023.