Le lien social désigne l'ensemble des relations qui unissent des individus faisant partie d'un même groupe social et/ou qui établissent des règles sociales entre individus ou groupes sociaux différents.
Mais le Lien Social, c’est aussi une revue faite pour et par des travailleurs sociaux depuis 1988, une revue qui a forgé mon identité professionnelle, aiguisé ma curiosité, renforcé mon sens critique et mes capacités d’analyse. Oui, dans mon métier d’éduc, j’ai grandi avec Lien Social. Je me suis nourri de ses articles, je les ai partagés. J’ai éclaté de rire devant les dessins de Jiho puis je les ai affichés au bureau. J’ai découvert des acteurs engagés, admiré les figures historiques du journal : André, Jacques, Philippe…
Lien Social m’a convaincu depuis longtemps de l’importance de la transmission. Alors j’ai écrit, créé, publié, dessiné un peu aussi, jusqu’à être un jour moi-même sollicité par la rédaction du journal pour rejoindre l’équipe de billetistes. Quelle fierté ! Quel honneur !
Durant trois années, j’ai publié des chroniques avec une totale liberté de ton, sans la moindre censure. J’ai pris un plaisir immense à partager mes punchlines sur des pages que je savais lues par tant de collègues, avec mon propre style. J’ai essayé de m’inscrire dans l’humble lignée des trouvailleurs sociaux qui m’avaient tant inspiré durant toutes ces années.
Depuis quelques jours, j’ai le cœur lourd. Lien Social n’est plus. « Liquidé », ils m’ont dit. La conjonction des crises aura eu raison du journal. La presse spécialisée ne se vend plus. A quoi bon s’abonner à une revue alors que tout est à portée de main gratuitement aujourd’hui en deux ou trois clics ? La chute de Lien Social est sans aucun doute à l’image de la déliquescence contemporaine du secteur : perte de sens, désengagement, crise des valeurs, souffrance au travail, équilibres financiers précaires…
Je salue la combativité de toute la rédaction, de Katia, Djamila, Myriam, Ludwig et de tous les salariés, dignes jusqu’au bout, comme l’orchestre du Titanic. Je salue mes camarades de plume, billetistes et chroniqueurs inspirés que je recroiserai assurément ici ou là. Je salue les lecteurs, abonnés, fidèles et très certainement écœurés par ce grand gâchis.
Je salue Brigitte, des ASH, qui m’a sollicité pour écrire ce petit billet, dans un esprit hautement empathique. Très honnêtement, j’ai d’abord hésité, tiraillé entre le syndrome de l’imposteur et l’historique concurrence entre les ASH et Lien Social. Finalement, je lui dis merci. Parce que, au-delà d’une rivalité éditoriale dont je ne mesure pas tous les enjeux, j’ai compris que l’essentiel était de préserver tout ce qui peut faire trace dans les histoires de nos métiers tant menacés.
J’ai tout compte fait un seul message à transmettre à tous les jeunes professionnels du secteur social : s’il vous plait, ne laissez plus jamais s’éteindre les étoiles !