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A Calais, les expulsions se suivent et se ressemblent

Crédit photo Louis Witter
Depuis plusieurs années sur le littoral de la Manche, les bénévoles de Human Rights Observers suivent les expulsions des campements où survivent les personnes en exil. Selon leur rapport annuel, en 2021, plus de 1 200 évacuations ont eu lieu à Calais.

Quand Noémie et Lola, bénévoles à l’association Human Rights Observers, garent leur voiture bleue non loin de l’entrée du campement, les gyrophares de la dizaine de fourgons de CRS qui les précèdent s’éteignent. Une cinquantaine de policiers, venus de l’Aube et de Moselle, en descendent boucliers en main pour certains. Ce matin du 13 juin, comme à leur habitude, ils procèdent à l’expulsion des différents lieux de vie de la ville. Ici à « Old Lidl », un vaste terrain vague en sortie de Calais, près de 400 personnes en majorité originaires du Soudan vivent quelques semaines à quelques mois sous des tentes.

« Ce matin, c’est un festival », raconte Noémie, entravée à de nombreuses reprises pendant ses observations. « Vous ne passerez pas de l’autre côté des rails. On nous dit de vous bloquer là, alors on vous bloque là, un point c’est tout », prévient le plus grand des deux CRS. Presque rien n’est visible de là où les deux femmes se situent, à plusieurs centaines de mètres du lieu d’expulsion. A chacune de ces opérations, un périmètre est mis en place pour les observateurs et les journalistes, seuls les riverains ont la possibilité de le dépasser. Des intimidations régulièrement dénoncées par les bénévoles, qui en ont comptabilisé plus de 350 durant l’année 2021.

Une quinzaine de minutes plus tard, les gyrophares se rallument et les policiers regagnent leurs véhicules. Noémie et Lola grimpent dans leur voiture : « Ensuite généralement, ils vont à Unicorn, un autre lieu de vie pas très loin d’ici ». Il est un peu plus de dix heures et déjà la chaleur commence à se faire sentir. Arrivées sur place un peu avant les policiers, les jeunes femmes réussisent à apercevoir au loin des saisies de tentes. « Il en a une ou deux dans les mains lui là-bas ? », demande Lola. A quelques centaines de mètres, dans un grand camion blanc, un homme jette une grande tente rouge et grise. Noémie note sur son cahier : « Une tente saisie ».

A Calais, les opérations d’expulsions ont lieu toutes les 48 heures, parfois moins. « Notre manière de fonctionner est assez simple, c’est un peu ce qu’on peut appeler du CopWatching. On suit les éjections dès le début pour pouvoir filmer et en rendre compte par la suite », souligne Léa, coordinatrice juridique. Dès les premières heures du jour, les bénévoles se garent devant le commissariat ou la caserne de gendarmerie pour y attendre la formation du convoi. « En général, il se compose d’une dizaine de véhicules des CRS ou de la gendarmerie mobile, accompagnés d’une voiture de la Police National où se trouve le ou la commissaire en charge de l’opération, d’une voiture de traducteurs de la sous-préfecture et des camions de la société de nettoyage mandatée par l’Etat », détaille la bénévole.

1 226 expulsions en un an

Dans son rapport annuel, Human Rights Observers recensé 1 226 expulsions des lieux de vie pour l’année 2021. Par ailleurs, 2 833 sacs de couchage et près de 6 000 tentes ont été confisquées sur les campements lors du passage de la police. Un CRS explique : « C’est l’une des missions les plus ennuyeuses. On est là, on ne fait rien, on compte juste les tentes et on prend celles de ceux qui ont réussi à passer au Royaume-Uni ». Noémie grimace et livre le mode d’emploi : « Quand on a quitté le terrain, on a croisé un groupe de gars qui se sont fait prendre leurs tentes, cinq en tout, alors on leur a donné le numéro de la Ressourcerie ». Car à Calais, le 1er décembre dernier, un nouveau processus a été inauguré par l’ex-ministre Marlène Schiappa. Pour récupérer leurs tentes, sacs ou tout autre objet saisi lors des expulsions, les personnes doivent se rendre dans un hangar, en périphérie de la ville. Pour l’État parlait, il s’agit de la « valorisation et récupération des biens abandonnés sur les sites faisant l’objet d’un démantèlement ». Sauf que beaucoup de nouveaux arrivants ignorent cette possibilité.

Si les bénévoles de Human Rights Observers observent, leur mission est également de donner à voir ces pratiques, tant au grand public qu’aux autorités. « A chaque fois, nos rapports sont envoyés au Préfet puis au Ministre de l’Intérieur, assure Pablo, coordinateur communication et plaidoyer. Lorsqu’il a été interpellé par une députée sur les amendes que nous avions reçu lors des différents confinements, Gérald Darmanin nous avait décrit comme des ”censeurs des opérations de police”, c’est fou ». Si toutes les données collectées sur le terrain sont rendues publiques pour avoir plus d’impact, les bénévoles se fatiguent parfois de ne pas voir la situation évoluer. « Il y a un côté démoralisant à voir toujours les mêmes pratiques et les mêmes violences se répéter à Calais, mais on espère tout de même que notre présence tempère leurs ardeurs », glisse Léa.

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