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A Calais, les bénévoles sont aussi éboueurs

Ludovic, sur le campement de Coquelles, commence à charger le camion avec les déchets.

Crédit photo Louis Witter
Exil - Dès 2015, la Cour nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) pointait l’absence de système de récupération des déchets sur les campements d’exilés à Calais. Depuis, les associations se battent sur le terrain pour s’en occuper, alors que mairie et préfecture refusent d’y prendre leur part.

Un sac, deux sacs, trois sacs, jetés par-dessus l’épaule dans une camionnette blanche cabossée de toutes parts. Ce 24 septembre, comme tous les vendredis depuis plusieurs mois, Anaïs et Ludovic se rendent sur le campement de Coquelles (Pas-de-Calais). Leur but ? Procéder au ramassage des ordures. Arrivé en février dernier sur place, le couple avait prévu de rester seulement trois jours. Huit mois plus tard, il est toujours présent et s’est investi auprès des autres associations en créant Shanti. La semaine dernière, à cause des rochers posés en travers du chemin par la sous-préfecture, ils n’ont pas pu y accéder et le conteneur en palettes, fabriqué par des scouts cet été, déborde. « Chaque semaine, on ramasse un peu plus d’une centaine de sacs sur les différents campements », explique Ludovic, ganté, en chargeant le véhicule.

A plusieurs reprises, les associations ainsi que l’opposition à la mairie de Calais ont demandé la pose de bennes en différents endroits de la ville ainsi que le ramassage des déchets à intervalles réguliers.  En février 2021, des associations envoient des courriers tant à la mairie qu’à la préfecture. « Même la CNCDH a pointé du doigt l’absence de bennes et de ramassage des déchets », souligne Margot, de l’association La Cabane juridique. Dans la recommandation n° 3 de son rapport de 2015, la Cour nationale consultative des droits de l’Homme réclamait « l’installation en nombre suffisant de bennes de récupération des déchets avec ramassage quotidien ». Souvent, la mairie a refusé. Toujours, la préfecture a répondu que cette question ne relevait pas de sa compétence. En juin 2020, lors du conseil municipal, l’édile Natacha Bouchart avait même rétorqué à son interlocuteur : « On a déjà tout essayé, qu’on mette des bennes ou qu’on ne mette pas de benne, ça ne marche pas. » Ludovic soupire : « Bien sûr que les personnes exilées ne mettent pas leurs déchets à la poubelle s’il n’y a pas de poubelle. »

Pour deux personnes, ce ramassage représente une grosse demi-journée de travail. Il y a plusieurs semaines maintenant, Anaïs et Ludovic ont posé un panneau, qu’ils ont traduit en arabe, pour inciter les exilés à mettre leurs déchets dans les sachets de 50 litres qui leur sont distribués. Résultat : cela fonctionne. Ce matin-là, sur le camp de Coquelles, des hommes viennent directement déposer leurs sacs remplis dans la camionnette tout en remerciant les deux bénévoles. « Tout ce temps que l’on passe à ça, on ne le passe pas à mener d’autres projets. Les autorités veulent maintenir les associations dans l’urgence », ajoute l’homme à la longue barbe.

Quand de grosses pierres ont été posées par les services de la sous-préfecture, ils ont tous les deux posé une banderole sur laquelle était inscrit : « Les rochers de la honte ». Pour Anaïs, « les gens ne savent pas ce qui se joue derrière de simples cailloux ». Ces deux dernières semaines, Shanti et d’autres associations ont lancé une pétition, qui rassemble à ce jour plusieurs centaines de signatures, pour demander aux pouvoirs publics de s’occuper de la gestion des déchets. « Quand j’ai pétitionné dans la rue, les gens étaient étonnés de savoir qu’une seule benne était disponible et que nous nous chargions du ramassage. » Une benne unique située à environ dix kilomètres du camp de Coquelles. Comme le premier point d’eau. C’est à cet endroit qu’ont lieu les plus grosses distributions des associations mandatées par la préfecture. Lesquelles laissent souvent traîner les déchets générés à ces occasions.

Un peu plus loin, ce vendredi, sur le camp de « Old Lidl », Anaïs et Ludovic arrivent en même temps que la dizaine de fourgonnettes de gendarmes venus procéder à l’expulsion du camp. Ils s’approchent, veulent observer, mais un périmètre de sécurité est comme toujours instauré par les forces de l’ordre : rien n’est visible. Ni pour les associatifs, ni pour les journalistes. Alors, ils se mettent à expliquer au gradé de la gendarmerie leur action sur place, le ramassage des déchets, le refus de la mairie de se saisir du problème. Le gradé acquiesce : « C’est vrai que c’est un désastre, autant écologique que sanitaire. »

Contactée, la communauté d’agglomération Grand Calais Terres & Mers n’a pas souhaité répondre aux questions des ASH

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