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Interdiction des placements en hôtels : beaucoup de zones d'ombre

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Interdiction des placements en hôtels : un texte flou pour les acteurs de la protection de l’enfance

Ce dimanche 18 février 2024, un nouveau décret d'application de la loi "Taquet" a été publié au Journal officiel.

Crédit photo Kenstocker - stock.adobe.com
Le décret d’application de la loi « Taquet » relatif à l’interdiction de placement des jeunes dans des hôtels était très attendu par les acteurs de la protection de l'enfance. Finalement publié dimanche 18 février, ce texte est jugé insuffisant par Jeanne Cornaille, déléguée nationale du GEPso, et Christophe Daadouch, docteur en droit, spécialiste du travail social.

Placement en centres éducatifs collectifs. Le 7 février 2022, la loi relative à la protection des enfants, dite loi « Taquet » a été adoptée. Depuis deux ans, les décrets d’application sont publiés au compte-goutte. Ce dimanche 18 février,  trois d’entre eux ont enfin vu le jour. Les deux premiers prévoient les modalités de mise en place du mentorat et du parrainage.

Le dernier, particulièrement attendu, interdit le placement des mineurs de 16 ans et des jeunes majeurs de moins de 21 ans dans des hôtels. Le texte explique qu’ils seront donc placés dans des centres d’hébergement « jeunesse et sportif », en cas d’urgence ou pour assurer une mise à l’abri pendant une durée maximum de deux mois. Une surveillance sera également assurée nuit et jour, et ces jeunes feront l’objet d’un suivi socio-éducatif par des travailleurs sociaux.

Si, au premier abord, le décret peut paraitre apporter une solution aux placements en hôtels, il reste en réalité assez flou sur un certain nombre de points.

Insuffisance de personnel qualifié et formé. Le premier élément pointé du doigt est le manque de personnel compétent pour Jeanne Cornaille, déléguée nationale du GEPso  : « La nuit il peut y avoir besoin de disponibilité et d’écoute, donc il y a nécessité d’aller vers plus qu’un simple personnel de surveillance, mais aussi un personnel éducatif qui soit vraiment formé pour les encadrer. »

Une vision que partage Christophe Daadouch, docteur en droit et formateur auprès de travailleurs sociaux : « Le professionnel de la surveillance n’est pas un éducateur, je ne sais pas ce qu’il va faire si un enfant a des angoisses. On nous dit qu’il y a quand même des visites régulières par les travailleurs sociaux, sauf que le décret ne fixe pas la fréquence. »

>>> A lire aussi Hébergement, mentorat... Trois nouveaux décrets de la loi « Taquet » publiés

Combien d’éducateurs pour combien de jeunes ? Un problème auquel s’ajoute l’absence d’un taux d’encadrement. Le décret à ce sujet n’étant pas encore paru, on ne connait ni le nombre d’encadrants, ni le nombre d’enfants qui seront sous leur responsabilité.

Au-delà du flou que cela entraine, une question se pose au niveau de la sécurité : « On a des enfants qui se retrouvent dans des groupes où il n’y a pas assez de personnel éducatif, cela entraine des risques en terme de sécurité, car quand on a un nombre insuffisant d’éducateurs pour assurer le suivi des jeunes cela créé de la négligence et des risques d’accident », explique Jeanne Cornaille.

De son côté, Christophe Daadouch note que non seulement la question de la publication de ce décret entrainerait une nécessité de revaloriser les salaires des éducateurs, mais elle est également liée à la qualité de l’accompagnement.

Lorsqu’un appel à projet est lancé concernant des structures d’accueil, il est nécessaire que le département donne gain de cause à celles qui offrent les meilleures conditions : « Quand on a des prix bas, on a des gens non qualifiés, pendant un temps on a pu faire sans, et progressivement les lois de la concurrence se sont imposées et on a vu apparaitre des structures qui fonctionnaient en sous-effectif. Le décret n’est pas encore publié, et les départements ne sont pas contents car s’il l’est, il va falloir trouver de l’argent pour financer des établissements de qualité », estime Christophe Daadouch.

Incohérence du décret. Enfin, une dernière difficulté concerne la compréhension du texte. Ce dernier dispose qu’une évaluation doit être faite au préalable de l’accueil d’un enfant, mais dans les faits, cela pose des difficultés de mise en place : « Si on est dans l’urgence, on ne va pas vérifier si la structure est adaptée, on n’a pas le temps de le faire », stipule Christophe Daadouch.

>>> Sur le même sujet Adrien Taquet : « Un enfant n’a rien à faire tout seul dans un hôtel »

Publication d'un texte flou deux ans après l'adoption de la loi. Mais alors pourquoi publier ce décret deux ans après l’adoption de la loi  « Taquet », et pourquoi avoir choisi un accompagnement dans des structures autour desquelles des zones d’ombre subsistent ? Manque de portage politique, explique Christophe Daadouch qui affirme, par ailleurs, que ces structures se sont imposées d’elles-mêmes : « En ayant trop d’exigences, on va avoir de nombreuses structures qui ne pourront pas accueillir de jeunes. »

Une problématique également visible pour les structures de droit commun, dont un décret fixant un taux d’encadrement devait également être publié : « A mon avis il ne va pas être publié, ou il le sera "au rabais" car si on met des règles trop élevées on va avoir de nombreuses structures qui ne pourront pas continuer à exercer à cause de difficultés de recrutement. »

A l’heure actuelle, encore une dizaine de décrets d’application attend d’être publiée.

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