Il y a le cas de cette femme sur qui les soignants ont détecté des lésions dans les parties intimes, mais qui reste guillerette au quotidien. Ou encore celui de Madame X qu’on retrouve un beau matin nue avec à son côté Monsieur Y alors qu’il est marié à une autre femme à l’extérieur de son Ehpad... A chaque prise de paroles, lors de la journée consacrée à la vie sexuelle des personnes vulnérables organisée à Nantes le 23 novembre dernier, la même question sous-jacente : peut-on être sûr de la capacité de ces personnes à consentir ?
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Car, on le sait, les violences sexuelles en établissements existent. « Il y a des viols, des maltraitances, des mots qui ne conviennent pas, c’est un fait, mais la violence est beaucoup plus tue chez les personnes vulnérables, notamment celles présentant des troubles cognitifs avancés. C’est là le dernier tabou », confirme Aline Vignon-Barrault, professeure en droit privé à l’université d’Angers.
Qui ne dit mot consent ?
S’il l’est, c’est aussi que le sujet du consentement sexuel des personnes dont les facultés cognitives sont altérées tient du casse-tête. Est-ce à la personne de prouver qu’elle est capable de consentir ou aux professionnels d’évaluer que la personne n’est pas en capacité de consentir ? Si tel est le cas, faut-il mettre une croix sur la sexualité ? Comment analyser un consentement sans verbalisation ?
Des guides, tel que celui de la HAS (Haute Autorité de santé), se proposent d’aiguiller les professionnels dans cette mission. Ils visent notamment à mesurer, d’une part, la reconnaissance de la conscience de la nature sexuelle de l’acte par la personne, et, de l’autre, celle de l’identité du partenaire (« Monsieur a-t-il conscience qu’il n’est pas avec son épouse ? »). Du côté du personnel, la notion de consentement doit aussi être discutée et travaillée en équipe. « C’est à mon sens la première chose à faire car tout le monde n’a pas forcément les mêmes critères », constate Catherine Potard, psychologue au CHU de Tours et intervenante au CRIAVS (Centre ressource pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles) du Centre-Val de Loire.
Dans l’idéal, ce travail peut aller jusqu’à donner lieu à un protocole auquel se référer si ce genre de situations venaient à se présenter dans l’établissement. Outil à ce titre efficace : le mandat de protection future, mis en place en France depuis 2007. Contrat signé pour anticiper sa dépendance à venir, il permet de désigner un mandataire qui appliquera les souhaits de la personne le moment venu. Au Canada et en Belgique où il est beaucoup utilisé, il n’est pas rare qu’y soit mentionnée la personne avec qui on souhaite continuer à avoir des relations charnelles en cas de perte d’autonomie. Une façon implicite de donner son consentement, même si, en réalité, ce dernier mérite d’être requestionné à chaque fois.
Des situations de non-droits
Or, s’il n’est pas consenti, il y a violence. Et dans ce cas, comment le vérifier si la personne elle-même ne se voit pas comme victime ? Autant un changement de comportement soudain peut rendre le constat plus lisible, autant l’absence d’indicateurs ne peut être suffisante pour écarter ce risque. Attention donc à ne pas tout miser sur des prétendus marqueurs du traumatisme, quitte à se faire accompagner, même si en France ce temps-là est aujourd’hui pratiquement inexistant.
Il s’agit aussi de ne pas laisser les directeurs d’établissement se débrouiller seuls et sans filet face à de tels événements. Aujourd’hui, en réalité, beaucoup se taisent par peur de la sanction ; ce que regrette sincèrement Aline Vignon-Barrault : « Chacun a le droit de demander réparation, mais dans la réalité, rien ou presque n’est fait, et on se retrouve face à des situations de non-droit qui peuvent avoir de graves conséquences, voire causer la mort de la victime âgée l’année qui suit son agression. »
(1) Journée « Vie affective et sexuelle des personnes âgées, des personnes en situation de handicap, quels enjeux éthiques ? », organisée par l’Uriopss Pays de la Loire.