Le téléphone sonne :
– Allô, Madame Blenders ?
– Oui, que puis-je faire pour vous aider ?
– Voilà, j’habite à Forbach.
– Oui… (Bon, je suis un peu sectorisée, hein. Je ne fais pas toute la France quand même…)
– Je vous appelle pour ma mère qui habite votre secteur.
– (Soulagement) Son nom ? Son adresse ? Son problème ? (Je vous la fais courte)
Madame Martin vit seule et adore recevoir chez elle, au point que tout le monde y passe. Même ce démarcheur qui lui a fait signer des travaux de rénovation pour 7 000 €, travaux dont elle n’a pas besoin, m’assure son fils.
– S’il vous plait, je vous en supplie. Elle doit absolument renvoyer son bordereau de rétractation avant la fin de la semaine pour annuler sa commande. Mais moi, je ne peux vraiment pas faire 800 km d’ici là. Je peux compter sur vous ?
Branlebas de combat. Bazar dans le planning. Priorisation des tâches… Me voilà devant la petite fermette de Madame Martin. Je frappe à la porte. J’entends une petite voix qui m’invite à entrer.
– Ah bah non Madame Martin ! Quand on frappe à votre porte, filtrez ! Ne faites pas entrer n’importe qui !
C’est une petite dame, aux cheveux grisonnants qui m’accueille en souriant, plissant le nez avec malice.
– Je sais qui vous êtes, mon fils m’a avertie. Oh là là ! J’ai fait une bêtise. J’ai signé n’importe quoi ! Mais vous savez, de beaux parleurs les démarcheurs. Je me suis faite avoir comme une débutante !
Un peu d’humour. Un peu de pragmatisme. Un peu de bienveillance. Je la rassure je crois. On feuillette le contrat, trouve le bordereau de rétractation qu’elle signe avec soulagement. Au moment où je me lève, elle me prend fermement le bras avec son air espiègle :
– Tenez, vous allez me goûter cette liqueur, c’est fait maison…
– Nan. Merci, mais nan.
– Taratata ! Je vous dis que c’est fait maison. J’ai ma vigne ! On se fait un pineau de dingue avec mon fils. J’ai encore mon droit à l’alambic, et croyez-moi, vous m’en direz des nouvelles.
– Mais il est 16 heures ! ?
– Ah ! Si vous avez peur de tituber, je vais vous servir mon pâté de viande, vous n’allez pas en revenir ! Sinon, il me reste une cuisse de poulet… Dit-elle la tête dans le frigo.
– Nan, je crois que je ne vais pas revenir tout court… revenir chez moi je veux dire ! J’ai quand même pour mission d’envoyer ce foutu bordereau…
Quinze jours plus tard, je reçois un mail de Monsieur Martin fils me remerciant d’avoir aidé sa mère, précisant avec humour qu’elle a apprécié ma belle descente. J’avais quand même une mission à accomplir, peu importe les obstacles de Madame Martin pour en venir à bout !
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