Recevoir la newsletter

Prévention : anticiper les situations de crise pour les surmonter

Article réservé aux abonnés

FRANCE-FIRE

Photo d'illustration.

Crédit photo AFP - Michel Gangne
Intoxication alimentaire, cyberattaque ou défaut de gouvernance. Mal gérées, les crises engendrent des difficultés juridiques, économiques, sociales ou altèrent durablement l’image d’une structure. Il incombe aux managers de s’y préparer pour favoriser la résilience de leurs organisations.

La crise est, par nature, imprévisible. Il est illusoire de penser tout prévoir, tout maîtriser. En témoigne la pandémie de Covid-19, qui a surpris tout le monde par ses effets en cascade et par sa durée. Mais il est aussi dangereux de ne pas anticiper. « Il faut se préparer au pire », écrit Cécile Weber, dans son ouvrage Plan de continuité des activités et gestion de crise(1), qui souligne le contexte particulièrement « crisogène » et « évolutif » dans lequel nous vivons. « Au-delà des risques intrinsèques à l’organisme, on constate à la fois l’augmentation des risques traditionnels, du fait de bouleversements divers (climatiques, sociaux…) mais aussi l’apparition rapide de nouveaux risques significatifs et potentiellement porteurs de crises, d’une violence inédite », poursuit-elle.

L’accélération de la communication, entre autres via les réseaux sociaux, a modifié en profondeur les contours mêmes de la crise. Y remédier par des solutions techniques ne suffit plus : il faut informer les parties prenantes, qu’il s’agisse des salariés, des familles, des aidants, des autorités de tarification et de contrôle ou des médias. Sans quoi tout effort est vain.

La notion de crise emprunte des contours flous. « D’un point de vue pragmatique, on peut considérer qu’il s’agit d’une rupture dans un équilibre, qui porte en elle un risque de perte de contrôle et d’ancrage, précise Cécile Weber. C’est un moment d’exception, une situation atypique, qui ouvre la voie à des fonctionnements, eux-mêmes, d’exception. » Un même événement sera constitutif ou non d’une crise selon le secteur impacté et selon l’enjeu, qu’il soit d’ordre économique, social, juridique ou d’image. Lorsque l’industrie sacralise le maintien de son chiffre d’affaires, les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) focalisent leur attention sur la continuité du service rendu aux usagers. Dans tous les cas, les défis sont identiques : les organisations « doivent prendre des décisions sans avoir une vision complète et éclairée des enjeux. Et elles sont confrontées à un effet de surprise, de sidération et de stress, qui peut provoquer des biais cognitifs et des aveuglements collectifs, souligne Cécile Weber. C’est pourquoi un plan de gestion de crise se réfléchit par temps calme et non pas par temps de guerre. »

Continuité des activités

Nul ne peut prédire l’inconnu mais chacun peut se préparer à l’affronter. Pour limiter les impacts d’une crise, il s’agit d’abord d’élaborer un plan de continuité des activités (PCA). Véritable boîte à outils de solutions, mobilisables et adaptables selon le sinistre, il permet d’imaginer un fonctionnement en mode dégradé. Première étape : analyser les risques auxquels l’établissement est exposé. Puis construire des scénarios d’indisponibilité des ressources essentielles. Il peut s’agir des bâtiments, du personnel, du système d’information, d’éventuels sous-traitants…. Voire, dans des situations complexes, de plusieurs de ces ressources à la fois. A partir de ces scénarios, des solutions sont ébauchées : repli d’activités sur des sites voisins, mise en place du télétravail, recours à une nouvelle sous-traitance… « Ces solutions doivent être testées, tous les ans idéalement, à travers des simulations pour s’assurer qu’elles demeurent opérationnelles, explique Cécile Weber. Le jour J, il faudra adapter cette boîte à outils. » Le PCA ne consiste pas à dupliquer l’organisation en mode dégradé. Il a vocation à prioriser les activités vitales. « Un consensus doit être trouvé entre les différents acteurs organisationnels de la structure pour hiérarchiser les activités », explique Cécile Weber, qui suggère de ne pas écrire un document trop long, pour qu’il soit lu. « Avoir recours à des images aide à la compréhension, notamment en période de crise. C’est la raison pour laquelle les militaires utilisent des plans. »

Evidemment, on se découvre rarement le pied marin en pleine tempête. A Bergerac (Dordogne), Sylvain Connangle, directeur de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) La Madeleine, a activé le PCA et le plan bleu (voir l’encadré ci-dessus) de l’établissement dès le déclenchement de la crise liée à la Covid-19. Mais au-delà des formalités, son organisation au quotidien en a favorisé une bonne gestion. « Le fait d’avoir développé une démarche de qualité de vie au travail et un management bienveillant et de proximité a favorisé l’engagement des équipes. Tout comme les habitudes de communication avec le comité social et économique ou avec les aidants ont facilité la bonne circulation de l’information », explique-t-il. Le directeur souligne l’importance, inattendue, de l’architecture. « C’est un point à prendre en compte dans les constructions de demain : avoir un Ehpad sectorisé en différentes unités nous a permis de mieux contrôler la circulation du virus. » Au quotidien, mener une veille permanente permet d’identifier les signaux faibles. « Il est nécessaire d’être en alerte, sur les informations, les législations, les normes…, conseille Elisabeth Borie, directrice d’Aisthesis formation, organisme toulousain spécialisé dans le secteur des Ehpad. En interne, des outils de transmission des informations, de gestion de non-conformité et d’événements indésirables permettront aussi d’analyser la crise le moment venu. »

Savoir communiquer

Au sein de Nexem, qui représente les employeurs associatifs du secteur sanitaire, social et médico-social, des outils d’évaluation des risques ont été mis en place pour anticiper. « De façon générale, nos membres sont confrontés à des crises liées aux personnes accompagnées, à des problèmes financiers, de gouvernance ou technologiques, notamment des cyber­attaques, explique Marie Aboussa, directrice du pôle « offre sociale et médico-sociale ». Nous suggérons de cartographier les risques en amont, en fonction de leur gravité et du rythme de leur apparition. L’organisation professionnelle propose d’inclure au document unique de délégation (DUD), obligatoire, un volet complémentaire sur la répartition des rôles en cas de crise. Le DUD indique ainsi comment fonctionner en temps normal, mais aussi en mode dégradé : qui fait quoi, où, comment et à quelle fréquence ? « L’idée est de disposer d’un process simple pour savoir agir le moment venu. C’est un premier niveau d’intervention d’urgence comme lorsque l’on réalise des gestes premiers secours, compare Marie Aboussa. Lorsque la crise survient, on demande dès que possible la création d’une équipe rapprochée, composée de membres des instances de direction et du conseil d’administration, pour gérer la communication en fonction des cibles : les personnes accompagnées, les représentants du personnel… On conseille alors d’être le plus factuel et transparent possible sur les événements. Donner les faits, rien que les faits et informer au fur et à mesure les parties prenantes sur les actions mises en place. »

La communication, nerf de la guerre ? « Si elle est mal gérée, elle peut l’amplifier », insiste Bruno Migeot, formateur à l’Espace Sentein. C’est pourquoi elle doit être anticipée en créant des “lettres de bois”, en préparant par exemple des éléments sur l’identité de la structure. « Il faut occuper l’espace médiatique pour ne pas laisser les autres parler à votre place. »

Former les équipes

Et pour être réactif le jour J, il convient de s’entraîner. « Plus vous êtes formés, plus vous anticipez et êtes dans une approche bienveillante avec les familles », considère Elisabeth Borie, directrice d’Aisthesis formation. Son centre privilégie des pédagogies actives en mettant en situation les stagiaires. « On travaille sur des cas concrets d’attaques de professionnels par des familles ou via les réseaux sociaux. On apprend à formuler des éléments de langage, en fonction de l’environnement ou du territoire. »

Au sein de la cellule de crise, une personne devra être chargée de tenir une « main courante » qui consignera les informations relatives à la crise. Ce livre de bord pourra être utilisé en justice comme dans le cadre d’un retour d’expérience. Car après la crise, il faudra en tirer les enseignements. « A chaud, dans les quinze jours ; une fois les esprits calmés dans les six mois ; et pour valider les grands enseignements un an après », explique Bruno Migeot qui conseille, là encore, de communiquer : « En externe, pour dire qu’on a bien réussi, et en interne, pour améliorer le dispositif de gestion de crise. » Sans oublier, ajoute Elisabeth Borie, de remercier les uns et les autres de leur investissement.

En matière d’anticipation, la pandémie de Covid-19 aura eu un bienfait : celui d’accélérer la mise en place de procédures de gestion de crise. « La plupart des associations qui ne s’inscrivaient pas dans cette dynamique l’ont fait de façon empirique », constate Marie Aboussa. Reste aujourd’hui à formaliser ces démarches, dans le cadre du retour d’expériences. « Il faut les expériences écrire pour garder des traces et ne pas réinventer l’eau tiède en permanence. »

Plan bleu : un tournant

Comme souvent, il a fallu une crise pour amorcer le changement. Dans les établissements médico-sociaux, la canicule de 2003 a favorisé le développement d’une culture du risque. Depuis 2005, les établissements accueillant des personnes âgées et, depuis 2007, ceux à destination des personnes en situation de handicap sont ainsi soumis à la rédaction d’un plan bleu. Obligation réglementaire, ce plan de gestion de crise concerne les aléas sanitaires et climatiques. Il est rédigé sous la responsabilité du directeur de la structure, et doit être présenté à l’ensemble des personnels. Il répond au plan blanc, réservé au secteur sanitaire et inscrit dans la loi depuis 2004.

Notes

(1) C. Weber – Plan de continuité des activités et gestion de crise – Afnor Editions, 28 €.

Métiers et formations

Management

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur