Il avait demandé un rapport par le biais d’un amendement présenté dans le cadre des débats sur le projet de loi de finances 2023. Un an plus tard, et alors que le gouvernement le lui a enfin remis, le député Liot (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires) du Gers, David Taupiac, a tenu à en présenter les contours et les suites politiques qu’il compte y donner.
Le lieu – le Centre Cantoloup Lavallée et l’Ehpad Lavallée à Saint-Clar – n’avait pas été choisi au hasard : David Taupiac fut, de 2008 à 2022, à la fois maire de la commune et président de ces deux établissements. Le premier regroupe une maison d’enfants à caractère social (Mecs) et un foyer d’accueil médicalisé (FAM). Le second accueille des personnes âgées dépendantes.
Etablissements de la fonction publique hospitalière, coiffés d’une direction commune, ils sont caractéristiques des inégalités nées du Ségur de la santé. Sur un effectif de 208 salariés, 24 ne bénéficient pas du complément de traitement indiciaire (CTI). Il s’agit des personnels techniques et administratifs du secteur socio-éducatif (Mecs et FAM).
« On reste sur notre faim »
« Des professionnels qui partagent les mêmes tâches et les mêmes bureaux ne sont pas traités de manière égalitaire selon le budget d’affectation qui les rémunère », explique le directeur des deux établissements, Nicolas Coudournac, pointant « la fuite des compétences » qui en résulte.
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Une situation intenable, maintes fois dénoncée. Et désormais objectivée. Car si le rapport n’apporte pas de solutions, contrairement à ce que prévoyait l'amendement, il a le mérite de dresser un état des lieux complet. « On reste sur notre faim mais c’est le premier document ministériel qui reconnaît les oubliés du Ségur et les associe à un chiffre, résume David Taupiac, déterminé à avancer. Désormais, on ne pourra plus les passer sous silence. C’est une première phase qui les rend visible. »
Qui sont les oubliés ?
- Selon le rapport remis au député – non encore publié –, les professionnels n’ayant pas bénéficié des revalorisations sont ceux qui n’exercent pas des métiers du soin ou des missions d’accompagnement socio-éducatif au sens strict (à l’exception de ceux exerçant au sein des Ehpad et d’ESSMS rattachés à un établissement sanitaire).
- L’approche des revalorisations par métiers et non par secteur d’activité « a eu pour conséquence d’exclure une partie des professionnels du bénéfice du CTI ou de son équivalent dans le secteur privé ».
- Ces « exclus » représentent 120 800 professionnels, en équivalent temps plein (ETP).
- Parmi eux, 70 000 personnes exercent dans des ESSMS accueillant des personnes handicapées ; et 22 000 dans l’aide sociale à l’enfance.
Quelles mesures ont été prises ?
Soulignant « la complexité du secteur social et médico-social, marquée par une diversité de financements publics et de statuts juridiques », le rapport rappelle les différentes vagues de mesures prises jusqu’à présent :
- l’accord du Ségur de la santé du 13 juillet 2020 prévoit une revalorisation de 183 € net par mois pour les professionnels exerçant en établissements de santé et en Ehpad, publics comme privés ;
- dans le cadre de la mission Laforcade, deux accords sont signés : le 11 février 2021 avec la revalorisation des personnels non médicaux des ESSMS rattachés aux établissements publics de santé ou aux Ehpad relevant de la fonction publique hospitalière ; le 28 mai 2021, l’accord étend le bénéfice du CTI aux personnels soignants et accompagnants éducatifs et sociaux ;
- la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 étend le bénéfice de la mesure aux personnels soignants, auxiliaires de vie sociale, aides médico-psychologiques ou accompagnants éducatifs et sociaux exerçant dans les établissements et services du champ du handicap ou des personnes âgées financés par les conseils départementaux ;
- la conférence des métiers de l’accompagnement social et médico-social, en 2022, annonce la revalorisation de 265 000 professionnels paramédicaux et 330 000 professionnels de l’accompagnement socio-éducatifs exerçant dans le secteur social et médico-social.
Combien ont-elles coûté ?
- Au total, 4 milliards d’euros par an ont été délégués aux établissements et services sociaux et médico-sociaux pour permettre la mise en place du CTI, et de son équivalent dans le secteur privé.
- Sur cette somme, le montant de la compensation au profit des départements s’élève à environ 730 millions d’euros par an.
Quelle suite donner au rapport ?
Engagé sur le sujet depuis le début de son mandat, en 2022, le député David Taupiac réaffirme sa volonté de parvenir à la revalorisation de l’ensemble des agents « sans distinction de statuts ». Il suggère de :
- rédiger une proposition de loi à intégrer dans le cadre de la niche parlementaire du groupe LIOT en juin 2024 ;
- déposer de nouveaux amendements dans le cadre des débats du projet de loi de finances pour 2025 ;
- solliciter les députés dans les territoires. « Le projet de loi passe aussi par un travail de lobbying auprès des ministères, comme celui réalisé par le Gepso (représentant 700 établissements publics, essentiellement dans les domaines de l'autonomie et de la protection de l'enfance, ndlr) », conclut David Taupiac.
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