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Organismes de formation associatifs : le risque d’un "PSE à bas bruit"

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Muriel Pécassou et Philippe Genin, vice-présidente et président du Synofdes.

Crédit photo DR
Avec la baisse des investissements publics en matière de formation professionnelle, les acteurs du secteur se retrouvent fragilisés. Le Synofdes rencontre aujourd’hui le cabinet de François Bayrou pour l’alerter sur les conséquences en termes de destruction d’emplois et de manque de moyens pour accompagner les publics les plus précaires.

Il y a péril en la demeure pour le secteur de la formation. Avec des commandes publiques en baisse et des dispositifs moins financés, c’est l’ensemble des organismes qui se retrouvent bousculés. Notamment ceux relevant du secteur non lucratif qui se positionnent essentiellement sur les marchés des publics les plus éloignés de l’emploi. Entretien avec Philippe Genin et Muriel Pécassou, président et vice-présidente du Synofdes qui adressait, mi-décembre, un courrier au nouveau Premier ministre pour tirer la sonnette d'alarme.

ASH : Les organismes de formation sont confrontés à une commande publique en baisse, notamment pour les demandeurs d’emploi. Quel est l’état des lieux à ce stade ?

Muriel Pécassou : Les organismes de formation adhérents du Synofdes interviennent prioritairement auprès des publics les plus éloignés de l’emploi. Or, pour ceux-ci, la commande publique est en chute libre depuis un an. En Ile-de-France, par exemple, le nombre de places de formation qualifiantes financées par le conseil régional est passé de 45 000 en 2024 à un prévisionnel budgété de 15 000 pour 2025 ! Dans d’autres régions, comme les Pays de Loire ou l’Occitanie, les budgets sont également en baisse et c’est sans compter avec ce qui risque de se passer dans toutes les collectivités régionales qui, faute de projet de loi de finances voté l’année dernière, ont choisi de reporter le vote de leur budget annuel dans les premiers mois de 2025. Ce qui crée des incertitudes quant aux moyens dont ils disposeront et retarde également les paiements en attente. L’Occitanie, par exemple, a toujours une ardoise de 13 millions d’euros non réglés aux prestataires dont elle a sollicité les services. D’autres opérateurs ont également effectué des coupes drastiques dans leurs investissements en formation comme l’Ofii (Office français de l’immigration et de l’intégration) qui a complètement gelé ses commandes ou l’Agefiph (Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées) qui a réduit la voilure « formation » pour se concentrer exclusivement sur le financement des aides au poste ou du maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap. On court à la catastrophe.

Philippe Genin : Il faut aussi tenir compte de l’impact qu’a eu la décision de ne pas renouveler à 100 % le plan d’investissement dans les compétences (PIC) depuis 2024. On est passé d’un investissement en faveur de la formation des chômeurs et des publics les plus éloignés de l’emploi de 2,5 milliards par an à 1,1 milliard. Dans la foulée, les plans d’investissement régionaux dans les compétences (PRIC) signés entre les régions et l’Etat ont également connu de sérieuses réductions l’an dernier avec une baisse globale de 60 %, soit 750 millions d’euros. Ainsi, en Provence-Alpes-Côte d'Azur, l’investissement au titre du PRIC a chuté de 200 millions en 2023 à seulement 80 en 2024 (hors préparation opérationnelle à l’emploi individuelle ou collective). Après cinq années de forts investissements comme nous avons pu en connaître de 2018 à 2023, c’est très difficile à encaisser pour les organismes de formation qui, encouragés par l’Etat et les régions, ont eux-mêmes investi dans de nouveaux outils numériques, recruté du personnel ou se sont positionnés sur de nouveaux marchés qui, soudainement, disparaissent. En conséquence de quoi, les prestataires doivent à leur tour réduire la voilure. Certains d’entre eux ont déjà commencé à licencier ou s’apprêtent à le faire. D’autres ont arrêté de recruter en CDI et se limitent à des CDD de courte durée. Le secteur s’achemine vers ce que je considère comme un PSE (plan de sauvegarde de l'emploi) à bas bruit de grande ampleur. Sauf que, contrairement à ce qui se passe dans des entreprises comme Michelin ou Auchan, ce PSE risque de passer sous les radars médiatiques puisqu’il s’agira de faillites de petites structures, de non-renouvellement de contrats ou de licenciements perlés. Mais tout cela mis bout à bout risque de représenter des milliers d’emplois détruits. C’est dramatique car c’est tout un secteur de l’économie dont notre pays a besoin qui menace d’être déstabilisé.

L’absence de budget pour la VAE risque-t-elle de se traduire par des difficultés pour les organismes de formation actifs dans les secteurs sociaux, sanitaires et médico-sociaux ?

P.G. : C’est difficile à évaluer, mais oui. L’absence de ligne budgétaire dans le projet de loi de finances pour 2025 élaboré avant la censure du gouvernement Barnier fait craindre le pire pour nos organismes adhérents qui s’étaient positionnés sur ce marché et avaient embauché des architectes de parcours pour assister les candidats dans le montage de leurs dossiers.

M.P. : On pourrait également évoquer le cas de la certification CléA [dispositif d’acquisition du socle des « compétences de base » telles que la lecture, l’écriture, les mathématiques ou les notions minimales d’informatique, créé et administré par les partenaires sociaux, ndlr] qui se retrouve gravement amputée de ses financements depuis plusieurs mois au point que de nombreux demandeurs d’emploi ne peuvent plus y être éligibles. Les textes prévoient que le dispositif d’évaluation préalable et final relève de la compétence des collectivités régionales, mais toutes ne s’en saisissent pas. Et alors que l’évaluation préalable de cette certification était jusqu’alors financée à hauteur de 350 € ou 450 € pour huit heures de formation, certains financeurs ont réduit cette prise en charge à 100 € ou même 50 € la journée ! Comment un prestataire de formation peut-il espérer survivre à ce tarif ?

>>> A lire : PLF 2025 : sans financement, France VAE reste au point mort 

La généralisation de l’accompagnement renforcé des allocataires du RSA ne pourrait-elle pas se traduire par un accroissement des entrées en formation pour ce type de public et ainsi offrir un bol d’air économique à vos organismes adhérents ?

M.P. : Le problème, c’est que nos organismes fonctionnent à la commande. Nous avons des marchés et nous répondons à des appels d’offres publics pour lesquels nous conventionnons avec les donneurs d’ordres. Dans le cas des allocataires du RSA, les donneurs d’ordres seront les collectivités départementales et France travail, dont les budgets risquent d’être en baisse l’an prochain, ce qui jouera forcément sur les montants financiers associés aux appels d’offres.

P.G. : En outre, s’il s’agit de remplacer les actions de formation à destination des demandeurs d’emploi par celles dédiées aux bénéficiaires du RSA, cela risque de ne pas modifier sensiblement le volume des commandes. On ne fonctionne pas à guichet ouvert.

>>> A lire : RSA : comment France travail se prépare à inscrire plus d’un million de bénéficiaires le 1er janvier

Le ticket modérateur de 100 € sur le compte personnel de formation (CPF) oblige les usagers à payer avant de mobiliser leur compte. Cela a-t-il affecté les organismes que vous représentez au Synofdes ?

P.G. : Cette décision a surtout touché les acteurs présents sur le marché privé lucratif qui vise un public salarié, les demandeurs d’emploi en étant quasiment exclus. Mais cela ne signifie pas que certains de nos adhérents, également présents sur ce marché, n’en ont pas subi les conséquences. Nous étions d’ailleurs opposés au principe d’un reste à charge sur le CPF, d’autant que celui-ci reste fixe quel que soit le coût de la formation. Que vous achetiez une formation à 200 € ou à 1 000 €, vous serez tout de même tenu de sortir 100 € de votre poche, ce qui pénalise les publics les plus précaires. C’est injuste.

Que demandez-vous au nouveau gouvernement ?

M.P. : Nous demandons tout d'abord du dialogue. Notre priorité, c’est d’imaginer des solutions afin de trouver des financements pérennes pour la formation des publics les plus en difficulté, tout en engageant une réflexion sur les modalités d’achat et d’unité d’œuvre par les financeurs publics. Il n’est plus possible que les actions de formation à destination des personnes les plus éloignées de l’emploi soient soumises aux mêmes conditions d’achat à l’heure-stagiaire que celles, par exemple, des cadres ou des ingénieurs tant les problématiques qui touchent ces populations sont différentes. Il y a aussi urgence à revoir les règles des accords-cadres sur les marchés publics, notamment celle qui permet à un donneur d’ordres de ne pas fixer de minima dans son appel d’offres. Mais d’une manière plus générale, nous attendons surtout de la constance et de la régularité dans la décision publique.

P.G. : Plusieurs années durant, le PIC et les PRIC ont permis de maintenir la commande publique à un très haut niveau avant que celle-ci ne redescende brutalement suite aux besoins d’économies de l’Etat. On ne peut pas fonctionner ainsi. Nous ne sommes pas un service public, mais nous fonctionnons tout de même par délégation sur les publics éloignés de l’emploi. Nous avons besoin de stabilité afin d’assurer nos missions d’aide au retour à l’emploi et de contribution à la montée en compétence de la société, particulièrement au vu du défi des transitions – numérique, écologique, technologique et démographique – qui l’attendent. François Bayrou a été Haut-Commissaire au plan, personne n’est mieux qualifié que lui pour comprendre que notre secteur ne peut pas fonctionner en « stop-and-go ».

>>> A lire : Qu’attendent les organismes de formation non lucratifs du futur gouvernement ?

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