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Logement accompagné : un métier d’équilibriste

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Residence Sociale a orientation educative

Gérée par les Apprentis d'Auteuil, la RSOE (résidence sociale à orientation éducative) de Fort Saint Antoine accueille des jeunes travailleurs à Toulon 

Crédit photo Edouard Hannoteaux
[TENDANCE PEDAGO] Entre travail social et gestion locative, le métier de responsable de structures du logement accompagné nécessite une formation pointue pour répondre aux multiples vulnérabilités du public accueilli.

« Cette formation correspondait exactement à ce que je faisais au quotidien », confie Cécile Bolteau, diplômée du titre de responsable de structure du logement accompagné (RLA) à la suite d’un an d’apprentissage dispensé par l’Institut Meslay, situé en Vendée. « A l’époque, j’étais responsable d’une pension de famille, poursuit-elle. J’étais donc garante de son fonctionnement car je supervisais la gestion locative, budgétaire, l’accompagnement et la coordination d’équipes. En me formant, je cherchais aussi de la légitimité. J’avais besoin de m’assurer que ce que je faisais au quotidien correspondait bien aux attendus de l’hétérogénéité de mes missions. »
 

Avec une identité professionnelle centrée sur le travail social, cette ancienne conseillère en économie sociale et familiale (CESF) ayant exercé dans le secteur du handicap et de l’intermédiation locative a étudié le cadre commun propre aux structures du logement accompagné pour prendre de la hauteur et réfléchir sur ses pratiques professionnelles.
 

Equilibre entre gestion locative et action sociale

Portée par les adhérents de l’Unafo(1) dans les années 2000 en raison des besoins spécifiques au métier, la formation RLA répondait à un appel d’offres de l’union professionnelle remporté par l’institut de formation et de conseil Meslay. Son but : professionnaliser des salariés aux parcours divers en leur offrant une vision globale et des éléments techniques relatifs aux dispositifs du secteur. Dispensé sur douze mois, l’unique enseignement diplômant certifié par France compétences commence à infuser.

Depuis août 2023, il est désormais proposé par l’Irfase (Institut de recherche et de formation à l’action sociale de l’Essonne). « Nous proposons cette formation car les besoins sont importants sur notre territoire, affirme Nadia Rodrigues, coordinatrice de formation RLA pour l’Irfase. De nombreuses associations disposant de structures du logement accompagné nous ont fait part de leur manque de visibilité et des problèmes de recrutement qui en découlent. »

En effet, le découpage en silo des métiers contraint souvent les professionnels à travailler exclusivement dans l’un des champs sociaux, sanitaires ou médico-sociaux. Or le public du logement accompagné concentre des problématiques des trois secteurs, comme le handicap, la psychiatrie, l’exclusion sociale et le vieillissement. « La méconnaissance des structures et de la multiplicité des vulnérabilités des personnes logées détourne les candidats », détaille Nadia Rodrigues.

« Le dispositif pédagogique est suffisamment global pour répondre aux nombreux enjeux », indique pour sa part Nathalie Gout, responsable de la formation et de la certification à l’Institut Meslay. Entretien et conformité du bâti, gestion de l’activité économique, des impayés de loyers, encadrement et communication sont autant de volets pédagogiques proposés.

« Ce métier se trouve au carrefour de celui d’un gestionnaire de parc locatif et d’un travailleur social. Les différents types de structures accueillent des personnes isolées ou des familles qui ne peuvent pas, temporairement ou durablement, accéder au logement de droit commun. Les réponses proposées peuvent relever à la fois des réglementations du logement social, du logement médico-social ou d’un contrat ordinaire », rappelle-t-elle.
 

Respecter les besoins individuels

La spécificité des différents types d’habitat, tels que les pensions de famille, les foyers de jeunes travailleurs (FJT) ou les résidences sociales, repose sur un schéma commun. Incarné par des logements indépendants au sein d’un environnement collectif, le cadre impose une attention fine afin de respecter les besoins individuels de chacun tout en maintenant un équilibre global. Il s’agit donc autant d’assurer l’accompagnement social que de garantir l’efficience du projet de la résidence.

« La formation impulse des réflexes, comme le fait de savoir s’entourer de partenaires pour préserver l’équilibre du collectif, note Cécile Bolteau, devenue coordinatrice de la formation RLA de l’Institut Meslay en 2021. Elle agit comme un sas, car elle permet d’échanger sur des difficultés que l’on rencontre dans nos pratiques. D’autant plus que la tension sur les structures s’accroît. Les situations des locataires se durcissent, avec des problématiques personnelles croisées et de plus en plus complexes, comme les addictions et les troubles psychiques. C’est difficile à gérer dans le quotidien. »

L’appréhension des cadres règlementaires et législatifs ainsi que des profils des publics permet également de poser des limites si l’offre de logement n’est plus adaptée. « C’est parfois nécessaire pour respecter la dimension collective, surtout dans les petites résidences », détaille la coordinatrice.


Le collectif en filigrane

Pour les personnes fragiles, cet accompagnement dans le « vivre ensemble » et dans la socialisation à l’extérieur constitue un double vecteur d’autonomie. La saisie des services de droit commun tels qu’un centre social de proximité, une association sportive ou un centre médico-psychologique (CMP) s’avère donc cruciale. « Les travailleurs sociaux reproduisent souvent des actions par réflexe. Or celles-ci ne sont pas adaptées aux besoins de ce public », souligne Nadia Rodrigues. En effet, contrairement aux établissements médico-sociaux, dans lesquels les prestations ont souvent lieu sur place, le logement accompagné les délègue.

Ce fonctionnement implique aussi de maîtriser l’organisation et la conduite de réunions, qu’elles soient composées de professionnels de la structure, de partenaires ou de résidents. « Cela ne s’improvise pas. Il faut garder à l’esprit qu’on occupe la place de celui qui distribue la parole ou qui canalise les interactions tout autant que les émotions, avertit la coordinatrice de l’Irfase. Il faut aussi pouvoir encourager les personnes logées qui ont du mal à s’exprimer en raison d’un grand isolement, les inviter à verbaliser les choses. »


Evolution du paysage professionnel

Pour ce faire, outre la participation d’universitaires ou les apports théoriques, les modules pédagogiques s’appuient surtout sur le travail collectif des apprenants. Avec des objectifs clairs : croiser les regards et les connaissances pour ne pas rester isolé face à une problématique. Nadia Rodrigues pointe « l’intelligence collective au service de réponses ajustées ».

Car l’autre levier de la formation repose sur son approche par le terrain. « Le partage d’expérience est quotidien. Rien n’est hors sol », abonde Cécile Bolteau. Avec des thématiques concrètes abordées en groupe, la formation répond à l’hétérogénéité des parcours des stagiaires. L’essoufflement face au manque de reconnaissance de certains métiers, les conditions de travail compliquées et l’émergence de nouvelles formes d’habitat dans le secteur motivent des profils très divers à devenir RLA.

« Nous observons des professionnels qui se dirigent vers ce champ professionnel sans pour autant renier leur bagage de compétences, analyse Koudiev Sidibe, responsable de l’organisme de formation de l’Unafo. Et le modèle du logement accompagné est un peu “avant-gardiste” tout en s’inscrivant dans la politique du Logement d’abord. » Ce à quoi Nathalie Gout ajoute : « Depuis deux ou trois ans, la nouveauté repose sur l’arrivée de stagiaires porteurs de projets, qui se lancent dans la création d’habitats partagés ou intergénérationnels. Les reconversions de personnes éloignées du secteur sont également courantes, ce qui implique des stages obligatoires. »

Une montée en compétences qui sert aussi de tremplin aux carrières. Comptable, Guillaume Phalon a bénéficié de la formation en 2017 pour assurer ses missions de responsable de gestion locative de l’habitat jeunes de l’agglomération nazairienne.

« Elle m’a permise de connaître le panel des fonctionnements légaux et budgétaires ainsi que les publics de l’ensemble des structures. Il s’agissait pour moi de progresser dans mon parcours et de prendre des responsabilités. L’échange avec les autres apprenants m’a permis de réorganiser les pôles d’accompagnement social et de gestion locative dans ma structure. » Un projet professionnel probant : Guillaume Phalon se forme à présent pour prendre la direction d’une organisation ou d’une entreprise d’innovation sociale.

Contacts :

• www.meslay.org ; inscriptions : c.bolteau@meslay.org.

• irfase.fr ; inscriptions : nadia.rodrigues@irfase.com.

 


La formation RLA en 5 points

1. Quatre blocs de compétences

→ Gérer l’activité locative sociale ;

→ Conduire et évaluer le projet social ;

→ Coordonner des équipes professionnelles et bénévoles ;

→ Développer l’offre de service sur un territoire.

2. Prérequis

Justifier au minimum d’un diplôme ou d’un titre de niveau 4. A défaut, une dérogation est possible, sous réserve d’une validation des acquis professionnels et personnels (VAPP). Côté profil professionnel, l’exercice préalable d’un travail social ou médico-social ne constitue pas un critère : la formation est ouverte à tous.

3. Déroulé

→ 384 heures de formation sur 12 mois ;

→ 280 heures minimum de stage obligatoire pour les personnes en recherche d’emploi et/ou en reconversion professionnelle.

4. Débouchés : certification de niveau 5

Responsable, gestionnaire, coordonnateur de structures du logement accompagné : résidence sociale, pension de famille, résidence accueil, foyer de jeunes travailleurs, habitat jeunes, résidence autonomie, foyer de travailleurs migrants, habitat intergénérationnel, habitat inclusif, regroupé et partagé…

5. Taux d’insertion dans le métier

86 % en 2022 et 100 % en 2023. 150 élèves ont bénéficié de la formation. Les sessions 2024 regroupent 20 candidats sur les deux organismes. Les inscriptions restent ouvertes.


Paroles de pros

« Tout comme les enjeux, les profils des apprenants sont multiples. L’appréhension des cadres législatifs permet donc de connaître les évolutions réglementaires pour ajuster les pratiques en ce qui concerne, par exemple, la fin de vie ou l’accompagnement des majeurs protégés. »

Nathalie Gout, responsable de la formation pour l’institut Meslay

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