Son intervention, assortie de quelques punchlines, fut l’une des plus remarquées lors de la présentation du Livre blanc du travail social : « Que ce rapport ne soit pas un énième rapport » ; « Si le Livre blanc n’est pas suivi de mesures claires, adaptées, ambitieuses et durables, nous courrons un risque majeur d’aggravation, voire de manière irrémédiable, de l’équilibre de notre cohésion sociale » ; « Si on veut changer le système, il faut investir dans les politiques de solidarité et sortir de la logique du “stop and go” qui épuise les professionnels ». A l’issue de la présentation du Livre blanc et des réactions ministérielles qui ont suivi, nous avons rencontré Nathalie Latour, la directrice de la FAS, rejointe très vite par le président de la fédération, Pascal Brice.
Ils ont commenté les deux principaux axes de la communication gouvernementale face au Livre blanc : le renvoi des négociations salariales vers les partenaires sociaux et la lutte contre la bureaucratie.
Du côté des négociations salariales, le gouvernement renvoie la balle vers les partenaires sociaux qui sont complètement bloqués et n’arrivent plus à se parler. Bref cette histoire n’est pas très bien enclenchée et Pascal Brice ne prend pas de gants : « Vu l’état général du pays, les enjeux sociaux et la pétoche qui s’empare de tout le monde, il va falloir que les gens arrêtent de se renvoyer les balles. Nous demandons aux partenaires sociaux de se mettre d’accord. On ne va pas se regarder en chiens de faïence indéfiniment. Que les uns et les autres prennent leurs responsabilités. Il faut que cette affaire aboutisse. Vous ne pouvez pas aller dans une association sans constater que tout le monde est au Smic… »
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Et Nathalie Latour d’ajouter : « Sur les enjeux de revalorisation salariale, il faut aussi qu’il y ait un enjeu de prévisibilité sur les investissements au-delà des bas salaires. Il faut qu’une négociation s’engage qui doit mécaniquement entraîner la poursuite du plan d’investissement. L’Etat et les départements doivent aussi s’accorder pour aller au bout de ce chantier de la revalorisation. Notre message, c’est de dire que, comme on est dans une crise systémique, chacun des partenaires a un bout de la réponse. »
Pour Pascal Brice, l’Etat a en revanche donné quelques gages dans la lutte contre la bureaucratisation du secteur : « On a retrouvé dans les paroles de la ministre l’échange qu’Aurore Bergé avait eu avec les travailleurs sociaux adhérents de la FAS lors de notre “Braderie du social“. Vous avez toute une série de verrous bureaucratiques, qui pèsent sur les personnes concernées et en même temps sur les travailleurs sociaux, qu’il faut lever : la multiplication des reportings – les travailleurs sociaux passent leur vie à faire des rapports aux financeurs dans tous les sens ; la question de la solidarité à la source, ça fait six ans qu’on l’attend, maintenant, il va falloir la faire ! »
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Et Pascal Brice d’ajouter à destination d’un autre ministre, Olivier Dussopt : « Il faut aussi une clarification politique. On avait là le ministre du plein emploi. Le plein emploi, ça ne peut pas être contre le social. C’est au contraire une formidable opportunité de sortir de 30 ans dévastateurs de chômage de masse. Mais si c’est pour nous expliquer qu’il faut casser les protections pour aller vers le plein emploi, ça ne va pas aller. On a besoin de signaux très clairs. »
Le premier signal, c’est déjà d’être venu : « Le fait que la mobilisation interministérielle soit assez large est un signal important, reconnaît Nathalie Latour. Des pistes ont été dégagées. Maintenant il faut espérer que derrière ces discours, il y ait une logique d’investissement durable. »
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Et aussi d'indiquer un cap pour Pascal Brice : « Or il n’y pas de cap, on ajoute des priorités aux priorités, des expérimentations aux expérimentations. Il faut fixer un cap de manière à ce que, enfin, on arrive à réaliser ce que l'on ne fait plus depuis 30 ans dans ce pays, c’est-à-dire réduire la pauvreté. L’Etat gère l’urgence. Pas seulement dans l’hébergement d’urgence. Tout se fait dans l’urgence. Or l’urgence, ça ne permet pas aux personnes de s’en sortir durablement, et ça ne permet aux professionnels de travailler dans la durée et d’avoir du sens. En plus cela coûte trois ou quatre fois plus cher pour les finances publiques ! »
Il reste maintenant à trouver ce cap. Le Livre blanc pourrait être une bonne boussole…
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