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Le travail de la terre, un précieux outil de réinsertion sociale et professionnelle

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insertion professionnelle

Crédit photo Flora Peille
Depuis 23 ans, le jardin d’insertion de Conflans-Sainte-Honorine offre à ses salariés un cadre et un statut social. Les personnels accompagnants y trouvent, eux, chaque jour, un astucieux moyen de les aider sur le chemin de l’insertion. Car c’est un fait avéré : la production maraîchère compte parmi les outils probants de préparation à un retour à l’emploi pérenne. Reportage.

C’EST AU DETOUR D’UNE RUE D’UN QUARTIER RESIDENTIEL DE LA COMMUNE DE CONFLANS-SAINTE-HONORINE (Yvelines) que se situe le Jardin de Conflans. Ouvert depuis 1997, il fait partie de la centaine de jardins de Cocagne d’Equalis que compte le réseau national. Quatre hectares de terres cultivables et de serres parsèment l’horizon sous un ciel ensoleillé. En cet après-midi de fin juillet, c’est avec le sourire que Frank Peco, coordinateur technique, maraîcher et encadrant sur ce site depuis plus de deux ans, nous accueille. Les masques que portent certains n’enlèvent pas le bonheur d’être là. Sous les tunnels des serres, entre les lignes de cultures et sur des tracteurs en marche, plusieurs salariés en contrat à durée déterminée d’insertion (CDDI) s’activent. « Les travailleurs disposent de contrats de quatre à six mois, renouvelables jusqu’à deux ans et d’une durée hebdomadaire de 26 ou de 34 heures », explique Frank Peco. Les contrats laissent du temps libre aux salariés pour bénéficier d’un accompagnement social et pour travailler leur projet professionnel. Chômeurs de longue durée, personnes bénéficiaires des minima sociaux, jeunes de moins de 26 ans en grande difficulté, travailleurs reconnus handicapés et travailleurs étrangers sont éligibles au CDDI qui dépend de l’insertion par l’activité économique. « Sur notre site de Conflans-Sainte-Honorine, il s’agit surtout d’employés qui n’ont pas travaillé depuis longtemps », explique Corinne Bel, responsable d’activité des chantiers d’insertion dans le pôle « Insertion par l’activité économique et la formation » d’Equalis. Une vingtaine de travailleurs cultivent sur ce site chaque jour. Ainsi, salades, tomates, courgettes, poivrons… 60 espèces différentes de légumes issues de l’agriculture biologique sont récoltées chaque année.

 
Un goût du travail affirmé

Le travail s’organise par petits groupes et rien n’est laissé au hasard. Chaque matin, les encadrants du site réunissent les salariés et répartissent les tâches de la journée. « En général, nous les faisons travailler par groupes de quatre ou cinq. Il peut, par exemple, s’agir d’un choix en fonction de l’efficacité des personnes sur une activité ou pour créer de la mixité entre des personnes françaises et d’autres qui ne sont pas francophones. Nous décidons parfois aussi de faire travailler quelqu’un seul afin de voir comment il se débrouille », explique Frank Peco. Il reconnaît de nombreuses vertus au travail de la terre : se tester physiquement, acquérir des compétences techniques pour travailler dans les espaces verts et reprendre confiance en soi en sont les principales. La journée de travail se termine sur le site et Natalia Guilbert sort des vestiaires, tout sourire. Elle est accompagnée d’Ahmed Suliman. Tous deux souhaitent témoigner. « Aujourd’hui, j’ai désherbé autour des carottes et j’ai préparé des paniers de tomates », annonce Natalia dans un français au fort accent russe. Elle a intégré les équipes en septembre 2019, affirme s’y sentir comme dans une grande famille et s’épanouir grâce au travail de la terre bien que le maraîchage soit parfois difficile. « J’ai toujours travaillé dans des bureaux avant cela mais je trouve que ce que je fais là est formidable. C’est très enrichissant de regarder pousser et d’apporter de l’affection aux plantes. Je pose des questions en permanence car je veux tout savoir. » Les rendez-vous réguliers avec le chargé d’insertion professionnelle et de formation du site lui permettent d’affiner son projet professionnel. Natalia Guilbert souhaite reprendre une formation en cuisine pour décliner en multiples recettes les légumes cultivés sur le site et « peut-être, à terme, pouvoir vendre ses plats au sein du jardin », annonce-t-elle d’un air malicieux.

 
La réussite par l’engagement

Son collègue, Ahmed Suliman, a lui débuté son contrat en juin 2019. Soudanais, il est arrivé en France en 2015 après une année passée en Lybie. Intégrer les équipes du jardin lui a permis d’obtenir son visa de travail. Lui aussi s’y sent bien. « Je leur suis très reconnaissant. L’équipe est très gentille, c’est comme une école et on se sent en famille avec les collègues. Ça favorise l’apprentissage. D’ailleurs, c’est la première fois que j’apprécie un métier », indique-t-il.

Chaque année, de 70 à 90 % des travailleurs quittent le Jardin de Conflans un contrat de travail en poche. Pour Frank Peco, la réussite de l’insertion passe par l’écoute et la communication. Savoir expliquer pourquoi les choses sont faites est essentiel. Et le résultat est visible des travailleurs qui matérialisent le fruit de leur travail car les jardins s’appuient toujours sur un réseau d’adhérents qui achètent un panier chaque semaine. De fait, les salariés se sentent utiles. « S’il s’agissait seulement d’un support d’insertion, la motivation recensée serait moindre. Ici, ils s’engagent à faire des paniers qui sont mis en vente. L’engagement est garant de la réussite », explique Frank Peco. Pour preuve, le taux d’absentéisme est insignifiant. La diversité des tâches à accomplir évite aussi la lassitude et l’ennui au travail.

Au fond du site, au bout d’une allée dont le sol est jonché de sable et de cailloux, d’autres végétaux poussent autour d’un chalet en bois. « Il s’agit de notre jardin pédagogique. Il existe depuis six ans et il est ouvert à tous », indique Corinne Bel . 150 variétés de légumes, de fruits et de fleurs agrémentent les bacs en bois qui le composent et embaument l’air ambiant. Souvent, le responsable du jardin pédagogique y encadre une seule personne, à des fins d’isolement pour l’apaiser ou la laisser s’exprimer seule. Cette mise à l’écart est souvent perçue par les intéressés comme une « promotion » alors que ce n’est pas l’objectif de la démarche. Les encadrants s’interrogent d’ailleurs et se disent surpris de cette perception.

 
Le jardin, un vecteur de confiance

Outre les compétences techniques, la confiance en soi et la sociabilisation, les contrats à durée déterminée d’insertion offrent un accompagnement social et professionnel. Les salariés ont ainsi des rendez-vous réguliers avec un chargé d’insertion professionnelle et de formation qui travaille sur place. Garant du parcours d’insertion, il effectue, par exemple, la recherche de formations, d’emploi ou la gestion des congés. A l’image de Muriel Maniez, chargée d’insertion professionnelle et de formations au sein des Jardins de Cocagne d’Equalis depuis deux ans et demi. Exercer dans les jardins constitue pour cette professionnelle une réelle plus-value à sa mission d’accompagnement. « Le travail de la terre libère beaucoup de choses. C’est aussi un moyen de ressources. Les salariés sont sereins, ils se sentent utiles et rassurés, plus libres pour s’exprimer, et ils se livrent beaucoup », confie-t-elle.

Muriel Maniez réalise nombre des entretiens de façon informelle dans les champs, en portant un intérêt à leur activité. Elle apprécie de pouvoir les observer sur le terrain et avoue n’occuper son bureau que rarement, pour finaliser un projet professionnel ou rechercher des informations. « Le jardin constitue un medium réel qui favorise la confiance. Il déclenche des choses rapidement et c’est un outil très utile, car le but est qu’ils ne travaillent pas ici plus d’un an », conclut-elle.

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