L’une est juriste de formation, l’autre a un diplôme d’éducatrice spécialisée. Toutes deux ont pourtant un point commun : elles exercent le métier d’intervenant socio-judiciaire (ISJ). Une profession qui a la particularité d’être au carrefour de ces deux secteurs. « On a un pied dans le judiciaire, l’autre dans l’accompagnement social. Notre objectif est de rendre la justice plus sociale », résume Anna Chaumette, ISJ à l’Adaes 44 depuis deux ans après avoir travaillé quelques années en tant que juriste. Le métier d’intervenant socio-judiciaire est apparu dans les années 1970 sous l’impulsion d’un mouvement de personnes issues de la société civile et de magistrats, convaincus de la nécessité de trouver des alternatives à l’incarcération.
Le métier s’est peu à peu développé, jusqu’à devenir incontournable dans certaines juridictions. « La politique actuelle est d’éviter l’incarcération pour de courtes peines dont on sait qu’elles peuvent être désociabilisantes. Beaucoup de magistrats font aujourd’hui appel à nous, même si aucune obligation ne les y contraints », constate Marine Cochinard, ISJ coordinatrice au sein de l’association Espérer 95 depuis une dizaine d’années. Selon les structures qui les recrutent et le moment de leur intervention, ces professionnels n’exercent pas les mêmes missions. La plus répandue : le contrôle judiciaire socio-éducatif (CJSE). Une option qui astreint la personne concernée à se soumettre à des entretiens réguliers avec l’ISJ. « Ces rencontres ont vocation à amorcer un travail de réflexion autour des faits reprochés. Nous cherchons à les responsabiliser, mais aussi à travailler sur leur parcours dans le but d’envisager leur avenir », décrit Anna Chaumette.
Centrer sur l’humain
Au-delà des faits, c’est bien la prise en compte des individus dans leur globalité qui intéresse les ISJ. Lorsqu’ils se voient confier la réalisation d’une mesure d’investigation, qu’il s’agisse d’une enquête sociale renforcée ou d’une enquête de personnalité, cette dernière est le seul écrit qui ne parle pas des actes mais uniquement de la personne. « Ici, nous intervenons afin de retracer le parcours de vie de l’auteur présumé en allant rencontrer son entourage familial, amical, professionnel, etc., pour essayer d’expliquer comment il en est arrivé là, adapter son accompagnement et donner des éléments au magistrat dans sa prise de décision », complète Marine Cochinard.
Avec le développement des mesures collectives depuis les années 2000, l’animation de stages de responsabilisation, de sensibilisation ou de groupes de parole pour les auteurs d’infraction incombe souvent aux ISJ. Une tâche pour laquelle ils peuvent être accompagnés de psychologues ou d’autres acteurs du social, et qui, comme les autres, vise à apporter une alternative éducative et pédagogique aux poursuites. De telles missions impliquent d’articuler en permanence les aspects sociaux, judiciaires et psychologiques. Pour cela, des qualités telles que la rigueur, la capacité d’écoute, la maturité et l’aptitude à donner des conseils sont nécessaires. Sans compter la patience, car certains suivis peuvent durer plusieurs années.
Comment on le devient ?
Faute de diplôme spécifique, les intervenants socio-judiciaires (ISJ) se forment sur le terrain. Parmi eux, trois grandes familles professionnelles se détachent : éducateurs spécialisés, psychologues ou juristes. « Une fois en poste, la plupart complète leur socle de compétences par des modules spécifiques de formation continue », renseigne Isabelle Adam, responsable de la formation chez Citoyens et Justice.
La multidisciplinarité au sein des associations qui les emploient est aussi une aide précieuse. Du moins pour Anna Chaumette, ISJ à l’Adaes 44 : « Une question sur la procédure, on va voir nos collègues juristes ; un doute sur une orientation, on se tourne vers ceux qui ont un bagage social. C’est précieux au quotidien. »