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Des binômes pros-usagers pour mieux se connaître (3/4)

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Anne Kahlhoven, directrice de l'association lyonnaise Au tambour, à l'ecoute des femmes sans domicile ou isolées.

Crédit photo Marta Nascimento
[ENQUETE] Une association d’insertion bourguignonne a choisi de former ses salariés à la prise en compte de la parole des bénéficiaires. Le but recherché : parvenir à mieux cerner les enjeux de chaque accompagnement.

« Alors que je priorisais le règlement des dettes et la sécurisation des biens de la personne que j’accompagnais, cette formation m’a permis de prendre conscience que ce qu’elle souhaitait par-dessus tout, c’était quitter son logement », témoigne Marie Rousselet, intervenante socio-éducative pour l’Association nivernaise accueil et réinsertion (Anar), spécialisée dans l’insertion par l’activité économique et le logement. Après avoir bénéficié d’une formation proposée par l’ Unafo (Union professionnelle du logement accompagné) sur l’accompagnement partenarial, où personnes bénéficiaires et travailleurs sociaux s’inscrivent en binômes, la professionnelle a revu son approche. « La force de cette formation est de rendre son pouvoir d’agir au public, qui est le premier expert de sa situation », souligne-t-elle.

Souvent brandie en étendard, cette volonté de respecter l’autodétermination des personnes accompagnées a du mal à infuser dans les structures. Pour les professionnels, son expérimentation à travers des modules concrets est surtout l’occasion de se questionner sur leurs pratiques. Et donc de gagner du temps pour identifier les blocages, permettant par la suite aux usagers d’avancer.

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« A l’aide d’un outil de photolangage, chacun partage l’un de ses rêves avec les autres. C’est une méthodologie fondée sur le modèle anglo-saxon », explique Laurent Konopinski, psychologue clinicien spécialisé dans les pratiques d’intervention en lien avec le logement, coformateur de la session dispensée au sein de l’Anar. « La question du rêve contient la dimension de l’espoir, qui est un moteur de rétablissement. Si on a un rêve, on dispose du début d’un projet de vie, avec des éléments positifs sur lesquels s’appuyer. » Une approche à l’opposé du dogme qui consiste à partir des problèmes, ce qui empêche toute dynamique d’impulsion.
 

Identifier les compétences

Un autre changement de perspective consiste en l’identification des compétences de chacun pour atteindre ses objectifs. D’abord, du point de vue de l’individu pour lui-même ; ensuite, par la déclinaison au sein du binôme de qualités mutuelles. C’est un moyen efficace pour exprimer les leviers sur lesquels « l’autre » peut s’appuyer pour avancer. « Il s’agit aussi d’un excellent outil afin que le professionnel identifie la façon dont il peut se positionner dans la relation, tout en respectant un pied d’égalité », détaille Laurent Konopinski.

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Les échanges entre Marie Rousselet et Carlos Tirado Castillo, qu’elle accompagne depuis plusieurs mois, ont été concluants : « Je lui ai parlé de sa résilience, de son courage face aux épreuves, de son réalisme quant aux difficultés et de son sens de l’humour », confie la professionnelle. Pour sa part, l’autre membre du binôme pointe l’« organisation », le « jusqu’auboutisme » et l’« accessibilité » de la travailleuse sociale. Autant d’éléments vecteurs de confiance et de reconnaissance pour les deux partis. Et un changement de paradigme : l’expertise appartient aussi à la personne aidée. Les objectifs que se fixe le professionnel font ainsi place à ceux de l’individu qu’il accompagne.
 

Oser le pas de côté

« De fait, les travailleurs sociaux admettent les besoins du public. Pourtant, ils sont encore formés pour être les experts des problèmes des gens, sur un schéma de “sauveur” qui implique de les laisser dans la passivité », dénonce Laurent Konopinski. Si le modèle vertical suivant lequel les interventions s’effectuent pour les personnes semble obsolète, le modèle partenarial mobilise directement leurs ressources pour engager un projet de rétablissement. « Ceci se fonde sur trois principes : la coconstruction de l’accompagnement social, le coleadership avec la personne et la coresponsabilité, c’est-à-dire qu’on va assumer ensemble les réussites comme les échecs », précise le formateur. La formation s’effectue sur trois jours, deux entre professionnels et une journée en binôme.
 


Outils : se centrer sur les attentes du public

• Eladeb (échelles lausannoises d’autoévaluation des difficultés et des besoins). Par le biais de cartes illustrées, le professionnel dresse le profil des difficultés psychosociales de la personne, tout en mettant en évidence les domaines dans lesquels des aides supplémentaires sont nécessaires. En vente en ligne 85 €.

• « Montreal model » (ou « modèle de Montréal »). Il consiste à impliquer la personne tout au long du processus : décisions partagées, mobilisation des savoirs expérientiels, formalisation d’un projet de vie, augmentation des capacités d’action des personnes.
 

>>> Retrouvez tous les articles de notre enquête : 

Trouver l'entente parfaite entre professionnels et usagers (1/4)

Croiser les savoirs pour (vraiment) lutter contre la précarité (2/4) 

« Les professionnels, des passeurs et non des casseurs » (4/4)

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