L’institut départemental de l’enfance, de la famille et du handicap pour l’insertion (Idefhi) gère 60 lieux de vie en Seine-Maritime. Sa direction de la qualité et de l’innovation a mis en place des « fiches réflexes », diffusées depuis mars, pour permettre à ses 1300 agents d’être réactifs lors des incidents qui émaillent leurs accompagnements. Sous la supervision d’une ingénieure qualité, ces fiches méthodiques doivent s’articuler avec un volet prévention dans un guide de bientraitance des usagers à venir. Violences physiques et psychologiques, suspicion de pratiques prostitutionnelles, constatation de violences sexuelles, fugue et disparition inquiétante… Pour chaque incident type, une fiche de trois pages aérées pose une définition claire et des éléments de repérage, des repères juridiques et un mode d’action. Ses étapes, numérotées dans un tableau, sont distribuées entre trois acteurs : l’agent éducatif, le cadre et le directeur d’astreinte. La chaîne de communication se dessine en filigrane.
A chacun sa tâche
« Ce mode opératoire définit le rôle et les responsabilités de chacun vis-à-vis de l’usager et quant à l’attention à porter aux professionnels eux-mêmes », expose Anne-Sophie Marie, directrice de la qualité et de l’innovation. Dans le cas d’un passage à l’acte suicidaire, à l’agent de porter secours et d’appeler les secours, puis d’appeler le cadre, de sécuriser les autres usagers avec ses collègues, de répondre à la police et enfin d’enregistrer l’incident dans les outils de communication internes. Au cadre de venir sur place et de prévenir la direction, de sécuriser les usagers et les professionnels, plus tard de déclencher les astreintes éducatives nécessaires ou encore de prévenir les professionnels de santé de l’unité. Au directeur d’astreinte de prévenir l’ASE, de coordonner les démarches d’urgence et l’information aux familles, ou plus tard d’organiser l’accompagnement psychologique éventuels des équipes.
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Pour Anne-Sophie Marie, de tels outils opérationnels s’adaptent à la nouvelle donne du turn-over des professionnels « qui rend difficiles l’appropriation des bonnes pratiques et la réflexion des équipes sur celles-ci ». « Ce n’est pas le jour de l’incident qu’on lit une fiche, parce que ce jour-là, on est en mode automatique », prévient-elle. « L’idée est vraiment de s’approprier ces fiches en amont et que le nouvel éducateur les ait lues avant ses premières astreintes... », poursuit-elle, sans omettre le rôle complémentaire des retours d’expérience et des groupes d’analyses de pratiques. « Ces fiches rassurent les agents dans un contexte de montée en charge des événements indésirables. Ils se sentent moins seuls », salue Rachida Zeraia, directrice du village d’enfants de la Côte d’Albâtre de l’Idefhi.
Gestes du quotidien en Mecs
En mai 2024, une soixantaine de professionnels du service de protection de l’enfance du territoire haverais de l’Idefhi alertait dans une pétition sur le mal-être des agents de son village d’enfants de la Côte d’Albâtre, qui accueille jusqu’à 45 jeunes. Dès la fin de l’été, tous se mettaient au travail avec leur direction pour redonner du sens et des repères aux missions d’internat. Leurs réflexions ont mis en forme un guide d’accompagnement éducatif des usagers en Maisons d’enfants à caractère social (Mecs) compilant pas moins de 45 fiches techniques remises nominativement à chaque professionnel depuis février. « Ce guide décrit chaque acte professionnel du quotidien avec des mots très simples pour que les agents puissent se l’approprier et savoir qui fait quoi », résume Rachida Zeraia. Levé, couché, aide au devoir, usage de la télévision, mise en place des droits parentaux, appels téléphoniques aux parents, moments festifs, usage du véhicule de service…
Eviter l'épuisement
Chaque point est décliné en fiche spécifique construite sous forme de tableau à partir des questions : Quoi ? Qui ? Où ? Quand ? Comment ? Pour les inscriptions en établissement scolaire, à l’adjoint au responsable de transmettre les informations utiles à l’éducateur référent pour qu’il enclenche une première inscription dès la décision d’admission, à celui-ci d’assurer le changement d’établissement dès l’admission ou de faire la réinscription en juin, en même temps qu’à la cantine. Pour l’argent de poche, le responsable d’unité alloue la somme chaque mois dans son bureau. L’éducateur référent remet l’argent à l’enfant dans son casier sécurisé et l’informe du montant dont il dispose. C’est aussi lui qui l’accompagne pour ses achats une fois par mois.
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« Harmoniser ainsi les pratiques sécurise à la fois les professionnels et les enfants et leurs familles », observe Juliette Bertin, psychologue du service. « On revient aux fondamentaux du métier pour éviter que les agents ne s’épuisent », met en avant Rachida Zeraia. « Face au turn-over et au rajeunissement des professionnels, nous avons avec ces outils un objectif affiché de transmission des savoirs », défend-t-elle, « pour que quand un éducateur prend son poste, il sache tout de suite ce qu’il a à faire ». Pour elle, formaliser ainsi les gestes éducatifs en internat contribue aussi « à leur redonner leurs lettres de noblesse à un moment où l’on observe un gros désamour ». Elle l’assure : « ces fiches sont plébiscitées par les stagiaires ».
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