Former soi-même pour pallier la pénurie de recrutements : de plus en plus d’acteurs du sanitaire, social et médico-social sautent le pas. En juin dernier, les Apprentis d’Auteuil célébraient leur première promotion d’éducateurs formés « maison ». Quelques mois plus tard, en novembre, c’était au tour du CFA « hors les murs » des Amis de l'Atelier d'ouvrir ses portes pour certifier jeunes diplômés et demandeurs d’emploi aux métiers d’aides-soignants et d’accompagnants éducatifs et sociaux (AES), afin de dénicher les talents que le réseau ne parvenait pas à trouver sur le marché.
En septembre prochain, un nouveau centre de formation pourrait bien voir le jour, à Boeschèpe, dans le Nord. Originalité : au lieu d'être porté par une tête de réseau, l'organisme le sera, cette-fois, par un Ehpad (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes). En l'occurrence, celui du Clos du Moulin (50 équivalents temps plein, 65 résidents), membre d’un groupement médico-social comprenant une dizaine d’établissements publics situés entre Flandre et Avenois.
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Agrément régional en attente
« Pourrait » seulement, car si le projet est en gestation depuis quatre ans, deux obstacles subsistent. D’une part, l’agrément du conseil régional des Hauts-de-France pour être officiellement reconnu comme centre de formation, et, de l’autre, l’enveloppe de 170 000 € promise par le conseil départemental du Nord. Laquelle doit permettre à l’établissement d’achever le montage de son centre de formation installé au deuxième étage de l’Ehpad. Mais à ce sujet, les initiateurs sont confiants. Et ce malgré l’incertitude qui pèse sur les finances des collectivités départementales : « Le département a été convaincu par notre projet et nous a assuré qu’il débloquerait les moyens financiers nécessaires à sa concrétisation », indique Christophe Ragot, cadre de santé au sein de l’Ehpad et directeur opérationnel du futur institut de formation.
Deux titres professionnels et un diplôme en préparation
L’heure tourne cependant, car les atermoiements réglementaires et budgétaires ont fait perdre quelques mois au projet qui aurait dû accueillir ses premiers apprenants en mars dernier. L'établissement devra donc attendre la prochaine rentrée pour ouvrir ses portes à une première promotion, qui préparera un titre professionnel d’assistant de vie aux familles (AVDF, niveau CAP). Avant d’élargir son spectre pédagogique dès janvier 2026 avec l’ouverture d’un cursus préparant au diplôme d’Etat d’aide-soignant (DEAS, niveau Bac) et d’une formation au titre professionnel d’agent de service médico-social (ASMS, niveau CAP). « Tous cursus confondus, l’établissement attend environ 65 apprenants sur la période 2025-2026 », détaille Juliette Delwaulle, l’ingénieure pédagogique.
Les résidents impliqués dans la pédagogie
Côté pédagogie, l’institut vise large, puisqu’il devrait pouvoir accueillir aussi bien des étudiants en formation initiale que des stagiaires de la formation continue – la validation des acquis de l'expérience (VAE) devrait particulièrement être mise à l’honneur pour permettre aux nombreux agents recrutés sans diplômes appropriés de décrocher un titre en rapport avec les fonctions qu’ils exercent. Et même des alternants puisqu’il bénéficiera également du statut de centre de formation d’apprentis (CFA). De plus, le vivier d’employeurs potentiels pour les futurs diplômés est à la hauteur : outre les établissements de santé, le bassin flamand recense en effet 66 Ehpad. Sans compter les besoins d’aides à domicile à destination des 30 000 bénéficiaires recensés dans le secteur.
Mais surtout, le futur « centre de formation intergénérationnel » (CFI) mise sur une approché inédite : impliquer les résidents de l’établissement dans l’accueil des élèves. « Cela permettra aux apprenants de donner du sens à leur formation. Les usagers pourront intervenir dans certains modules comme ceux consacrés à la bien-traitance. Il est également prévu que les stagiaires participent aux repas des résidents afin de favoriser les échanges. Lorsque l’on a présenté le projet à nos pensionnaires, l’idée a suscité chez eux une grande ferveur », assure Christophe Ragot.
Côté sourcing, une première journée de portes ouvertes a déjà été organisée pour permettre à des candidats intéressés par ces carrières de visiter l’établissement et d’y rencontrer professionnels et résidents pour échanger sur les conditions de travail.
En amont de la prochaine rentrée, d’autres opérations de recrutement devraient avoir lieu en partenariat avec France travail, les missions locales, mais aussi la région, le département et les lycées du bassin. Afin de toucher un public plus jeune, les réseaux sociaux devraient aussi être concernés par cette campagne tous azimuts.