Le problème
Si certaines professions requièrent des outils affutés, le travailleur social a d’abord besoin d’un esprit disponible. Et mieux vaut, pour en préserver les qualités, adopter quelques règles de survie. Car le terrain est parfois hostile : épuisement professionnel, pression du résultat, mais aussi – et c’est la particularité du métier –, difficulté à laisser les récits de vie au bureau. Confrontés à la détresse d’autrui, les professionnels peuvent développer ce que les psychologues appellent un traumatisme vicariant ou, dit autrement, un traumatisme par procuration(1).
Mes conseils
→ S’informer. « Nous sommes les premiers, en tant qu’employés, à avoir besoin de soutien. Il faut le reconnaître et le “normaliser”. Cela passe par une bonne information, premier moyen pour repérer les signes d’une santé mentale qui se précarise. Je conseille des lectures telles que Entretenir ma vitalité d’aidant de Pascale Brillon (Les éditions de l’Homme), le site web Mouvement santé mentale Québec – – et surtout de consulter un thérapeute. »
→ Pratiquer l’auto-compassion. « Soyez bienveillants envers vous-mêmes. Changez votre discours intérieur en remplaçant par exemple : “Je n’ai pas réussi à sauver cette personne vulnérable” par “Je ne suis qu’une partie de la solution”. Notre ego de travailleur social nous fait nous considérer comme un sauveur. Il peut être apaisant de se rappeler que nous avons une obligation de moyens, mais non de résultats. »
→ Mettre à profit mon environnement. « Deux questions : “Que laisser au travail pour ne pas être surchargé ?”et “Quelle attitude j’y amène ?” Sourire peut faire sourire tout le monde. Il en va de même avec la reconnaissance de la qualité professionnelle chez un collègue, et lui dire : “J’apprécie ton approche”. On sème des graines qui peuvent fleurir devant chez nous plus tard. Evidemment, l’accueil de l’employeur, sa capacité à entendre, aide à adopter une attitude ouverte. »
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→ Etablir des limites. « Apprenez à dire non. On a tendance à être volontaire devant les problématiques et à en trouver des motifs de valorisation. Mais il faut respecter son rôle et son mandat, et savoir faire comprendre à son employeur que la coupe est pleine. Lui expliquer qu’on ne va pas pouvoir assurer correctement ce travail. Ou alors, scinder la demande : “Je n’ai pas beaucoup de temps, mais je peux aider sur une partie” ; ou encore se donner un délai avant d’accepter ou non une nouvelle demande. »
→ Trouver la distance thérapeutique. « Si le lien dans la relation d’aide est important, la distance thérapeutique permet de se préserver. On peut la trouver en créant son image mentale. Exemple : j’ai ma propre forêt et les personnes que j’accompagne en ont une aussi. Notre travail n’est pas d’être collé à l’arbre, mais d’être présent au bord de la route, pour avoir une bonne image de la forêt, amener la personne à prendre du recul et évaluer où sont les zones de lumières. A chacun de déterminer son image mentale, de s’en imprégner, de pratiquer, avant, pendant ou après l’intervention. Et de se rappeler que cette situation n’est pas ma vie : je peux être empathique, mais je dois éviter la sympathie. »
→ S’auto-évaluer. « Une fois par semaine, se demander : “Comment je me sens dans mon corps ?” ; prendre conscience des pensées qui roulent et des émotions présentes. Il s’agit de garder un œil sur sa forme, d’être à l’affût d’éventuelles difficultés. “Ça fait trois semaines que je suis très fatigué ? Je vais peut-être consulter mon médecin”. »
→ Placer des ralentisseurs. « Faites du sport, du théâtre ou d’autres activités. Prennez le temps de vous alimenter et de dormir correctement. Votre métier ne doit pas envahir toute votre vie : il est très important mais il doit rester un travail. »
