Actualités sociales hebdomadaires : Pourquoi avez-vous lancé une ligne d’écoute gratuite ?
Vincent Godebout : En temps normal, déjà, le chômage isole et crée des situations psychologiques parfois délicates. Et plus longtemps il dure, pire c’est. Avec la crise sanitaire, certaines personnes peuvent se sentir encore plus démunies. L’objectif de notre ligne « Face au chômage, ne restez pas seul(e) ! » (via le n° 0 805 034 844) est de maintenir le lien social avec les 4 000 personnes que nos 2 500 bénévoles accompagnent. Il y a trois ans, nous avons déjà mis en place la plateforme digitale « Expressions », qui permet aux demandeurs d’emploi de s’exprimer et de faire des propositions d’évolution des services publics de l’emploi et de leurs pratiques. Mais, au fil du temps, nous avons constaté que certains chômeurs n’étaient pas à l’aise avec les outils digitaux. Donc, dès le confinement, nous avons lancé ce numéro vert, pour lequel des bénévoles formés de SNC sont à l’écoute. Il y a des chômeurs qui ont juste besoin de parler. Ils sont orientés vers les différents services administratifs ou, si besoin, vers des associations caritatives. Notre réseau de psychologues (70 sur toute la France) est également mobilisé pour les personnes qui présenteraient des fragilités particulières pendant le confinement. Nos antennes de proximité restent également ouvertes à distance.
Quels types d’appels recevez-vous ?
V. G. : Les personnes sont déstabilisées et angoissées. Avec la crise, elles voient leur horizon reculer de jour en jour et la perspective de retrouver un emploi s’éloigner. Il y a aussi les situations d’urgence. Nous avons créé un fonds spécifique. Certains chômeurs avaient des boulots précaires et, le temps que leur dossier remonte à la CAF [caisse d’allocations familiales] pour qu’ils reçoivent, par exemple, une prime d’activité, ils se retrouvent sans un sou pour se nourrir. Je pense à une femme qui a décroché un contrat à durée déterminée entre décembre dernier et février. Elle a perçu un salaire et l’ASF [allocation spécifique de solidarité] pendant ces trois mois. A nouveau au chômage en mars, elle a fait des missions d’intérim de remplacement de caissière de 37 heures au total, ce qui ne lui donne plus accès au complément de l’ASF. Elle a sollicité la CAF pour avoir au moins la prime d’activité, mais sa connexion Internet étant limitée, elle n’a pas pu aller au bout de sa demande. Depuis avril, elle n’a plus aucune ressource, le paiement de ses 37 heures n'ayant pas encore été effectué car elle n’a ni imprimante ni scanner pour envoyer les documents exigés. Il y a aussi des gens qui subissent le chômage partiel et qui appellent car ils ont peur d’être licenciés à l’issue du confinement.
Quid, dans ce contexte, de la réforme de l’assurance chômage ?
V. G. : Elle est reportée au 1er septembre, mais aujourd'hui, pour nous, cette réforme n’a plus aucun sens. Elle doit être annulée. Ce ne serait pas la première fois que cela arrive.