« Chaque matin, c’est un véritable pari de mettre des soignants à côté de résidents », témoigne Nadia Djemaoune, directrice d’Ehpad (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) à la fondation Partage et Vie, à l’occasion d’une conférence de presse donnée par l’Uriopss Ile-de-France. Face aux problèmes de recrutement que rencontrent les structures sociales et médico-sociales, le réseau Uniopss-Uriopss a lancé un appel à la mobilisation mercredi 6 octobre. Avec la crise sanitaire, le secteur, qui se trouve en tension depuis plusieurs années, peine encore davantage à attirer des salariés. « Les professionnels sur le terrain sont épuisés. Ils évoluent en sous-effectifs à cause d’un absentéisme inquiétant, de nombreux départs et des difficultés de recrutement. Soumis à des objectifs intenables, ils perdent peu à peu le sens de leur travail », rapporte Isabelle Léomant, conseillère technique « accompagnement-acteurs-parcours » de l’Uniopss.
Les inégalités de traitement entre les professionnels qui découlent des accords du Ségur de la santé ont entraîné un sentiment d’injustice au sein des équipes et ont pleinement participé à la pénurie. « Les revalorisations prévues dans ce cadre excluent encore certaines catégories de professionnels. Malgré l’extension qu’il y a pu avoir à la suite de négociations, nous restons sur une situation très compliquée », rappelle Jeanne Cornaille, déléguée nationale du Gepso (Groupe national des établissements publics sociaux et médico-sociaux), rallié à la mobilisation. « Et cette question de la juste valorisation salariale pour l’ensemble des professionnels n’est pas le seul point de tension du secteur médico-social privé, prévient de son côté le collectif Handicap 69, qui a donné un point de rendez-vous devant la préfecture du Rhône. Promotion des métiers, politique de formation et évolutions de carrière, qualité de vie au travail... L’attractivité du secteur doit être retravaillée dans son ensemble. »
Des particularités franciliennes
En Ile-de-France, la tension est d’autant plus vive, alerte l’Uriopss Ile-de-France. Les faibles niveaux de rémunération « entraînent des difficultés accrues de recrutement en Île-de-France eu égard au coût de la vie, notamment pour le logement, et à l’impact des durées et moyens de transport dans l’articulation entre vie professionnelle et vie privée », rapporte ainsi l’organisation, rappelant que tous les métiers sont touchés, peu importe le champ auquel ils appartiennent. « Le mois dernier, j’ai aidé une professionnelle que nous avons retrouvée en train de dormir dans sa voiture sur le parking de notre Ehpad, souffle Sophie Péron, directrice générale de l’association Le Moulin vert, au cours du point presse de l’union régionale. Nous savons également que certains cumulent plusieurs métiers : un le jour et un la nuit. »
« Les professionnels ont tendance à partir en Province et nous ne parvenons pas à les retenir car il s’agit de choix de vie différents, pointe quant à elle Brigitte Vigroux, directrice générale de la Société philanthropique. Chez nous, deux instituts d’éducation motrice, en particulier à Paris, n’arrivent plus à recruter de kinésithérapeute. En conséquence, c’est bien l’accompagnement des jeunes qui est remis en cause. »
Ras-le-bol général
Cet appel prend part à un mouvement plus large au sein du secteur. Déjà nombreuses avant l’été, les journées de grève et de mobilisation perlent sur tout le territoire depuis la rentrée. Mardi 5 octobre, l’intersyndicale FO, CGT, FSU et Solidaires a appelé les professionnels du social et du médico-social à manifester pour une revalorisation salariale et contre « la casse des conventions collectives ». Fin septembre, les aides à domicile, puis les psychologues, se sont également unis pour demander plus de moyens et de meilleures conditions de travail. De leur côté, Nexem et la Fehap, deux des principaux employeurs du secteur social et médico-social privé à but non-lucratif, ont annoncé lundi 4 octobre « un plan d’action » face au manque d’attractivité des métiers. Celui-ci comprend, entre autres, une « implication » plus forte dans les politiques publiques liées à l’emploi et « l’engagement vers une convention collective unique étendue (CCUE) ».
#Communiqué La @FEHAP_actu et @Nexem_actu annoncent un plan d’action pour l’#attractivité des #métiers du secteur privé non lucratif. Pour consultez le #CP commun https://t.co/2qfSMO2lOc
— Nexem (@Nexem_actu) October 4, 2021