La revalorisation des rémunérations pour tout préalable à la refonte du secteur. C’est ce qu’expose, sans surprise, le Livre blanc du travail social, révélé le 5 décembre dernier. Moins attendue, en revanche, fut la réponse du gouvernement. Tour à tour, la ministre des Solidarités, Aurore Bergé, puis le ministre du Travail, Olivier Dussopt, ont pointé du doigt la responsabilité des partenaires sociaux, après l’échec des négociations sur la convention collective unique étendue (CCUE). La première les exhorte à revenir « autour de la table pour signer cet accord de méthode, parce que nous l’attendons pour revaloriser les rémunérations ». Le second estime que « la balle est dans leur camp puisque l’Etat s’est engagé à financer les revalorisations d’un certain nombre de métiers ».
Président de l'Association Anne-Marie Rallion, président de l'organisation d'employeurs Nexem et vice-président de la Confédération des employeurs du secteur sanitaire, social et médico-social à but non lucratif Axess (qui réunit les deux organisations d’employeurs du secteur social, médico-social et sanitaire privé, Nexem et la Fehap), Alain Raoul estime que les employeurs du secteur n'ont pas les moyens de répondre aux injonctions du gouvernement.
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ASH : Comment réagissez-vous aux propos du gouvernement après la remise du Livre blanc ?
Alain Raoul : Bien sûr, il faut intensifier le dialogue social. Il est indispensable. Mais l’Etat ne peut pas dire « Négociez et on verra », sans que nous sachions le niveau de financement dont on peut disposer. Nous avons la responsabilité de ne pas engager nos adhérents dans des mesures qu’ils ne pourraient pas financer. Certes, il y a le dialogue social. Mais il y a aussi un troisième acteur, les pouvoirs publics et notamment l’Etat, qui doit s’engager sur le financement global de cette nouvelle convention collective, ce qui n’est pas le cas actuellement.
L’Etat se défausse sur les partenaires sociaux ?
Oui, c’est un peu comme s’il disait : « On veut bien vous donner de l’argent, sauf que vous n’êtes pas capable de vous entendre. » L’Etat ne peut pas s’en laver les mains et ne pas accorder à notre secteur la place qu’il mérite. Il ne peut pas rejeter la responsabilité de la non-avancée des négociations sur les seuls partenaires sociaux. Parce qu’il détient les financements, il a une responsabilité très importante.
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Vous demandez des engagements à quelle hauteur ?
Au printemps 2023, Axess a réalisé un chiffrage des mesures nécessaires à 3 milliards d’euros, soit 8 % de la masse salariale. L’Etat doit s’engager sur ces 3 milliards. On travaille sur une grille de rémunérations qui permettrait de donner le Ségur à l’ensemble des professionnels. Sa généralisation, alors que 30 % d’entre eux ne l’ont pas obtenu, représente 1,1 milliard d’euros. C’est une revendication importante pour garantir des salaires concurrentiels avec ceux de la fonction publique notamment. Sur la revalorisation des bas salaires, les pouvoirs publics répondent oui, mais conditionnent la mesure à la poursuite des négociations sur la convergence des conventions collectives. Négociations pour lesquelles nous sommes en situation d’échec.
Comment comptez-vous sortir de l’impasse ?
Nous avons la volonté politique d’aboutir à cette convention collective unique. Le combat continue. Et nous ferons des propositions pour qu'avancent les négociations. Mais en disant à l’Etat : « Prenez vos responsabilités » en matière de financement. Et en espérant que la CGT notamment, qui donne des chiffrages de l’ordre de 80 milliards, sorte d’une posture idéologique.
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Quel est le calendrier ?
Nous demandons la tenue d'une commission mixte paritaire d’ici la fin d’année ou le début de l’année prochaine. Nous souhaitons continuer les négociations. Nous sommes en contact avec Matignon, puisque c’est à ce niveau que les décisions sont prises. Nous devons avoir des assurances pour dépenser l’enveloppe destinée à la revalorisation des bas salaires notamment. Son attribution est conditionnée à l’engagement de poursuivre les négociations sur la convention collective unique. Nous cherchons une « voie de passage » avec les pouvoirs publics pour utiliser ces fonds le plus rapidement possible.
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Le Livre blanc remis, qu’attendez-vous désormais ?
Ce travail est très important. Les constats sont partagés par le gouvernement. C’est très bien. Mais les paroles ne suffisent plus. On attend des actes désormais. Chaque ministre a parlé de la nécessité d’une convention collective unique étendue. Maintenant, « donnez-nous les fonds nécessaires. Et des engagements fermes ! » Nous avons perdu confiance dans le gouvernement. Il est nécessaire de la retrouver.