Qu’est-ce que le chemsex ?
Jonathan Rayneau : Le chemsex est la contraction des mots ”chemicals" [produits chimiques, ndlr] et "sexe". Il se définit par la prise de substances psychoactives dans le cadre de sessions sexuelles ritualisées. Il concerne presque exclusivement les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. Les effets sont très ciblés : recherche de désinhibition et performance. Le chemsex se caractérise également par une polyconsommation de drogues, dans laquelle Internet joue un rôle important, autant pour se procurer les produits que pour trouver les partenaires.
Est-ce une pratique en plein essor ?
Jonathan Rayneau : La pratique n’est pas nouvelle, elle existe depuis un moment. Parmi nos adhérents, certains accompagnent des "chemsexeurs" depuis une dizaine d’années. Mais les restrictions sanitaires dues à la crise pandémique ont accentué le phénomène. Initialement, cette activité avait lieu le week-end et s’arrêtait le lundi avec la reprise du travail. Les confinements ayant dilué la frontière entre le monde du travail et le temps passé au domicile, cela a permis aux personnes de pratiquer le chemsex également en semaine. Parallèlement, la fermeture des lieux festifs et la mise sous cloche de la vie sociale ont accéléré le phénomène.
Marine Gaubert : Ces derniers temps, il y a eu une grande visibilité médiatique du chemsex, notamment parce que le gouvernement a sollicité un rapport sur le sujet en septembre dernier. De ce fait, nous pouvons avoir l’impression que le phénomène est en croissance, alors que, même s’il y a une accélération, il ne s’agit pas d’un "boom".
Quel est l’objectif de cet état des lieux ?
Marine Gaubert : Du côté de l’addictologie, les pratiques d’accompagnement des "chemsexeurs" restent peu connues. Depuis 2017, nous travaillons en partenariat avec Aides sur le projet ARPA-Chemsex. Cette initiative se déploie sur trois villes et nous allons faire un appel à candidatures concernant trois nouvelles. Nous voulions, en plus, rendre compte de la prise en charge des "chemsexeurs" sur l’ensemble du réseau addictologie. L’idée est d’élargir notre focale et de réaliser une photographie des pratiques à l’instant T.
Quels enjeux particuliers sont liés au chemsex ?
Jonathan Rayneau : Avec le chemsex, il y a un enjeu de visibilité et d’articulation de l’offre. C'est une pratique à la croisée de nombreux champs : l’addictologie, la santé communautaire, la santé mentale, etc. Tous ces professionnels sont experts dans leur discipline mais avec leur quotidien surchargé, ils n’ont pas nécessairement l’occasion de communiquer entre eux, ni de réaliser des échanges interdisciplinaires. Il est important que chacun connaisse les différents acteurs sur son territoire et sache sur qui s’appuyer en tant que partenaire, car le parcours du "chemsexeur" est pluridisciplinaire.
Marine Gaubert : Il existe également un enjeu important de formation. Le champ de l’addictologie, par exemple, connaît très bien les questions de réduction des risques liés aux drogues mais n’est pas vraiment formé pour parler sexualité. Et inversement, les acteurs du champ de la santé sexuelle connaissent moins les thématiques relatives aux pratiques addictives. Ce public fait appel à des compétences croisées. Nous sommes sur des questions de coopération entre secteurs. Il faut également faciliter la mise en place de structures qui offrent une prise en charge globale sur un même plateau, afin que le "chemsexeur" bénéficie d’un accompagnement complet en un même lieu.
>> Retrouvez ici l'état des lieux des offres d’accompagnement chemsex.