Logiques de rationalisation, concentration d’associations, performance et mesures d’impact, contraintes budgétaires, publics en grande vulnérabilité… L’évolution des conditions d’exercice des métiers fragilise les professionnels, parfois contraints d’agir en dépit de la qualité de l’accompagnement. « Le problème de ces injonctions contradictoires, c’est qu’elles supposent d’être flexibles pour les gérer. Et pour cela, il faut être sécurisé dans son travail. Or, l’institution est de moins en moins protectrice, estime Catherine Moulin. On demande aux travailleurs sociaux d’être des techniciens, comme s’il y avait une réponse automatique pour chaque public. La profession s’est individualisée, avec un travail d’équipe circonscrit. Et les professionnels, pris dans le travail d’accompagnement des autres, ont tendance à s’oublier. »
- Se syndiquer ou se fédérer : « Rien de tel pour retrouver l’énergie de son corps de métier que de faire force commune au sein d’un syndicat ou d’une association. J’invite par exemple les assistants sociaux à rejoindre l’Association nationale des assistants de service social (Anas). Comme d’autres, elle a élaboré un code de déontologie qui rassemble au-delà des missions institutionnelles et protège les professionnels. Lorsqu’on sait pourquoi on est missionné, on sait dire “non, ce n’est pas à nous de faire ça”. Mieux comprendre, de manière systémique, l’environnement de travail, permet également de prendre du recul. La connaissance globale du métier, qui s’acquiert aussi par la lecture de la presse spécialisée, donne une colonne vertébrale à l’accompagnement. »
- S’octroyer des pauses : « Suivre les textes règlementaires, notamment la loi 2002 [loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, ndlr], et travailler dans le respect de l’usager implique de conserver l’envie de le rencontrer. Et donc, de ne pas enchaîner les entretiens, les visites à domicile ou les douches sans marquer une pause, même très courte. Cela passe par des choses concrètes : ouvrir les fenêtres si l’on est enfermé dans un bureau, se lever, se laver les mains, prendre un verre d’eau, diffuser de l’huile essentielle, etc. A chacun de trouver sa routine, son rituel, qui lui permettra de sortir d’une activité pour mieux entrer dans la suivante. »
- Retrouver du temps pour soi : « Pour contrebalancer la vulnérabilité des personnes rencontrées, il est nécessaire d’avoir de la confiance, de cultiver une vie belle, et donc, de prendre du temps pour soi en dehors de l’institution. Que ce soit à travers le sport, la culture ou les loisirs. Si l’on ne parvient pas à se ressourcer, on ne peut pas s’occuper correctement des autres. »
- Investir la thérapie : « Les travailleurs sociaux sont les premiers, souvent, à faire appel aux psychothérapeutes pour les personnes qu’ils accompagnent, mais pour eux, c’est un luxe qu’ils ne se permettent pas. Je conseille de s’orienter vers un thérapeute prêt à débattre, à nourrir le professionnel souvent prompt à intellectualiser, plutôt qu’avec un taiseux. Ou de faire appel à des pratiques alternatives, comme l’art-thérapie. »
- Continuer à se former : « Investir la formation continue permet de se réimmerger dans la beauté du métier, ses fondamentaux et son sens, et de faire revivre la fable. C’est le moyen aussi de rencontrer d’autres personnes et services, voire de se confronter à d’autres secteurs et de nourrir sa pratique. Il s’agit aussi, indirectement, de reprendre le pouvoir sur sa carrière professionnelle, d’entretenir l’envie de créer des choses, notamment lorsque les institutions s’effondrent. »
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