Changer le modèle de l’Ehpad en créant des liens entre les résidents et tous ceux qui gravitent autour : familles, salariés, habitants du quartier, écoles, associations… Ce défi de « l’aller-vers », le pôle gérontologique de la Croix-Rouge de Nîmes l’a relevé il y a bientôt deux ans, en créant pour ses deux Ehpad – Saint-Joseph et Indigo – un premier tiers-lieu mobile, appelé « Paquita » et dédié au partage d’activités et au dialogue intergénérationnel. Dans et hors les murs. « L’Ehpad a un rôle à jouer dans la vie locale. Il peut devenir un lieu de ressources et de rencontres, toutes générations confondues, pour faire changer le regard sur l’accompagnement des personnes âgées », résume Anne Mensuelle-Ferrari, la directrice du pôle.
A la base du projet, un ancien J9 Peugeot entièrement réaménagé et réaffecté au transport de tables, chaises, ombrières et du matériel divers. « Ce tiers-lieu mobile permet de nous installer avec nos meubles dans différents lieux de la ville, de proposer des activités et provoquer la rencontre de personnes qui ne se connaissent pas », annonce Elodie Bahut, experte en ingénierie de projets « gérontologie et handicap » qui coordonne l’activité du tiers-lieu. « Nous allons aussi à la rencontre de la population pour sensibiliser sur l’isolement de nos aînés, sur les enjeux du vieillissement, et donner envie de venir à l’Ehpad. » En valorisant les capacités des personnes âgées.
La customisation de la camionnette et la création du mobilier ont fait l’objet d’un chantier participatif de plusieurs mois. Ce projet, lancé en avril 2021, a mobilisé des résidents et leurs proches, des salariés, des étudiants en design et un collectif d’architectes ainsi que des habitants du quartier, des associations, un artiste… « Depuis, nous avons déployé des ateliers jardin partagé, pris part à des événements de la ville… en y amenant des résidents », note Elodie Bahut. La camionnette a en effet permis de se greffer sur des rendez-vous tels que la Fête des voisins, ou le festival de la petite édition « Nîmes s’illustre » pour des activités graphisme ou art avec les enfants qui passaient, ou encore de prendre place sur un marché de quartier lors de la journée des aidants familiaux afin de sensibiliser à la cause. « Ce sont autant d’occasions de créer du lien en partageant des activités avec des personnes extérieures. Et cela fonctionne bien », assure Elodie Bahut.
Balades en triporteur
Ce premier outil itinérant en a impulsé un second : le triporteur « Paco » pour des balades dans Nîmes. « Le projet a fédéré une équipe de bénévoles grâce à qui deux à quatre résidents par après-midi peuvent se reconnecter avec leur ville », indique Elodie Bahut. Très vite d’autres chantiers participatifs ont été initiés pour aménager un tiers-lieu à demeure dans chacun des deux Ehpad. Des espaces modulables, aux couleurs joyeuses où l’on peut faire tout ce que l’on veut. « C’est très varié, nos résidents y trouvent une activité qui leur corresponde, quel que soit leur trouble, le but est d’être présent », précise la coordonnatrice. Ces espaces sont ouverts aux habitants qui osent venir et aux associations du quartier qui peuvent y délocaliser leur activité, en faire profiter les résidents.
Les rendez-vous se sont multipliés grâce à ces outils : ateliers astuces de grand-mère, bricolage éco-responsable, recyclage des déchets ou repair café. « Nous commençons à être bien identifiés, se félicite Anne Mensuelle-Ferrari. L’idée de ces tiers-lieux est que l’Ehpad redevienne une place de village où les aînés retrouvent une vie de quartier… » En bref, « casser les codes » en faisant entrer dans les maisons de retraite des personnes qui n’avaient pas de raison d’y venir.