Une hausse vertigineuse : le nombre de travailleurs sociaux étrangers a presque triplé au cours de ces trois dernières années, dévoile l’organisme public Social Work England, régulateur officiel de la profession depuis 2017, dans son rapport sur l’état de la nation 2023. Selon ce dernier, alors que 611 praticiens étrangers ont demandé à s’inscrire en Angleterre du 1er décembre 2019 au 30 novembre 2020, 1 684 ont fait la démarche en 2021-2022. Soit une augmentation de 175,3 %, des demandes principalement émises depuis l’Inde, l’Afrique du Sud et le Zimbabwe, trois pays qui ont pourtant eux aussi un besoin important de travailleurs sociaux.
Ainsi, le nombre de postulants en Inde est passé de 441 à 537 (+ 22 %), et de 386 à 497 (+ 29 %) pour l’Afrique du Sud. Bien sûr, l’écrasante majorité (91 380 sur 100 654, soit 91 %) demeure de nationalité britannique. Mais la profession, épuisée par la pandémie sanitaire, confrontée à des salaires qui stagnent et à une charge de travail qui explose, fait face à des difficultés de recrutement. « L’augmentation du nombre de demandes d’enregistrement à l’étranger intervient dans un contexte de postes vacants et de pressions croissantes dans les services dédiés aux enfants et aux adultes, auxquels les organismes du secteur, dirigés par le Social Work England, cherchent à s’attaquer notamment en explorant la possibilité offerte par le recrutement international », décrypte le site spécialisé CommunityCare.
Obligations des candidats
Pour s’inscrire en tant que travailleurs sociaux au Royaume-Uni, les professionnels étrangers doivent s’acquitter de frais d’examen non remboursables de 563 €, et près de 100 € de frais d’inscription. Il leur faut également faire preuve d’une maîtrise suffisante de l’anglais, et faire valoir diplômes et formations reconnus en travail social. Ils doivent également attester d’une proposition d’emploi émanant d’un employeur titulaire d’une licence de parrainage pour pouvoir recruter à l’étranger.
C’est tout le paradoxe d’un pays plongé dans un profond marasme économique et une crise sociale sans équivalent depuis les années Thatcher, tout en affichant de cruciaux besoins de main-d’œuvre étrangère, et en durcissant sans cesse la législation pour décourager les candidats à l’immigration. Après avoir voté l’an passé une loi pour expulser les demandeurs d’asile vers le Rwanda, le gouvernement conservateur vient de présenter un nouveau projet de loi flirtant avec les limites du droit international. Seront exclus du droit d’asile tous les migrants parvenant à rejoindre l’Angleterre en traversant la Manche, avant d’être expulsés « en seulement quelques semaines », promet le Premier ministre Rishi Sunak. Une législation qui provoque l’inquiétude entre autres de Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme. « Une telle interdiction générale empêchant de demander l’asile et d’autres formes de protection internationale au Royaume-Uni serait en contradiction avec les obligations du Royaume-Uni en matière de droits humains et de droit des réfugiés », avertit-il, insistant sur « la violation du droit à un examen individuel », le recours aux expulsions collectives ou encore la détention arbitraire des migrants.
La fuite en avant du gouvernement britannique indigne également la société civile. A l’image de l’icône du football Gary Lineker, reconverti en présentateur pour la BBC. « Il n’y a pas d’afflux massif. Nous accueillons beaucoup moins de réfugiés que les autres pays européens. C’est juste une politique absolument cruelle dirigée contre les personnes les plus vulnérables, dans un langage qui n’est pas différent de celui utilisé par l’Allemagne dans les années 1930 », a-t-il déclaré. Un tweet qui lui a valu d’être temporairement écarté de l’antenne.