« Au début, je ne savais pas nager. J’avais même peur de l’eau. mais aujourd’hui, ça va très bien », expose tout sourire Sambujang. Avec neuf autres jeunes, il a participé l’an dernier au projet Aquarius, du nom du navire humanitaire venu en aide aux réfugiés. Pendant plusieurs mois, il s’est rendu à des séances de natation hebdomadaires, a évoqué son rapport à l’eau ou à la nudité lors de groupes de parole avec des psychologues, et s’est progressivement essayé à de multiples activités, comme la plongée sous-marine, le tir subaquatique, le kayak ou encore le paddle. Pensé par l’éducateur Enja Delépine et porté par la fondation Apprentis d’Auteuil, le programme veut permettre aux mineurs non accompagnés, souvent traumatisés par leur traversée de la Méditerranée, de retrouver du plaisir au contact de l’eau. « La première fois à la piscine, j’avais peur de mourir », se remémore Sambujang. Le maître-nageur nous a montré petit à petit comment faire. C’est grâce à lui que je nage aujourd’hui. »
Pour Enja Delépine, qui exerce au sein de la maison d’enfants à caractère social (Mecs) Notre-Dame du Thieulin, à Saint-Maurice-Saint-Germain (Eure-et-Loir), le projet ne se résume pas à l’apprentissage de la nage. « Les jeunes n’ont pas tous le même rapport à l’eau. Certains ont des très mauvais souvenirs, mais savent nager. L’idée est qu’ils se réapproprient cet univers, le considèrent comme une source d’épanouissement. »
Point d’orgue du projet : le retour symbolique sur la côte méditerranéenne lors d’un séjour articulé autour d’activités en pleine mer. En juillet dernier, le premier groupe de jeunes à bénéficier du programme s’est rendu à Marseille pour une semaine. « Nous avons par exemple organisé une excursion pour plonger au large. Cette sortie n’a pas été évidente, confie l’éducateur. Certains tremblaient dans le bateau, la psychologue était très présente à ce moment-là. Mais au final, tous ont dépassé leurs peurs. Ils sont descendus à 6 mètres et ont obtenu leur baptême. »
Côtoyer les jeunes
L’idée de ce dispositif, qui regroupe des éducateurs, des psychologues et un maître-nageur, est née en 2021 à la suite d’un incident. Après une sortie en piscine, un jeune MNA, dont les traumatismes se sont réveillés au moment d’entrer dans le bassin, a tenté de se suicider. Marqué par l’événement, Enja Delépine a décidé de travailler en amont des séances de natation au côté d’une équipe pluridisciplinaire. Dans le cadre de son master Staps « Développement, intégration, sport et culture », il développe ainsi le projet Aquarius à Rennes, au sein d’une autre structure d’Apprentis d’Auteuil. Mais rapidement, l’éducateur est amené à repenser cette configuration. « ll était difficile de nouer un lien fort avec les jeunes, car j’intervenais seulement à l’occasion du projet. J’ai voulu basculer au château des Vaux [site regroupant 14 foyers dont la Mecs Notre-Dame, ndlr], car j’y côtoie les MNA quotidiennement. On se connaît bien, cela permet qu’ils adhèrent à l’initiative. » Sur le terrain, son impression s’est confirmée avec Sambujang. « Il voulait arrêter dès la première séance. C’est parce qu’on se connaissait qu’il a accepté de revenir. »
Financé, entre autres, par la Fondation de France, l’Agence française de développement et la caisse d’allocations familiales d’Eure-et-Loir, le dispositif a un coût d’environ 15 000 € par an. Présenté à la commission MNA Nord-Ouest des Apprentis d’Auteuil, le projet a intéressé d’autres structures de l’association, assure l’éducateur, qui espère qu’Aquarius essaimera au-delà de la fondation.
